Tasuta

Deux farces inédites attribuées à la reine Marguerite de Navarre

Tekst
iOSAndroidWindows Phone
Kuhu peaksime rakenduse lingi saatma?
Ärge sulgege akent, kuni olete sisestanud mobiilseadmesse saadetud koodi
Proovi uuestiLink saadetud

Autoriõiguse omaniku taotlusel ei saa seda raamatut failina alla laadida.

Sellegipoolest saate seda raamatut lugeda meie mobiilirakendusest (isegi ilma internetiühenduseta) ja LitResi veebielehel.

Märgi loetuks
Šrift:Väiksem АаSuurem Aa
 
Me reffusent. C'est ce qui tant
Jour et nuyt me va contrestant.
Je vous ay dict ma maladye:
Si povez, faictes que je dye
Que j'ay trouvé ung médecin.
 
CLÉMENT
 
Vierge plus blonde qu'un bassin,
Tout premier conseiller vous veulx
Que vos affections et vœux
Vous modériez, et si contente
L'on ne vous faict de vostre attente,
D'en prendre ennuy ne vous jouez:
Mais voulez ce que vous povez
Pour le plus seur.
 
CATHERINE
 
Morte je suis,
Si je n'ay ce que je poursuis:
Voire bientost.
 
CLÉMENT
 
Mais voirement,
D'où printes-voue primièrement
Ce mortel désir?
 
CATHERINE
 
Une foys
Que guers d'aage je n'avoys,
En ung couvent on me mena
De nonnains; on me promena,
On nous monstra là toutes choses:
Ces nonnains fresches comme roses
Me plaisoient et me sembloient anges,
Tout reluysoit, jusques aux franges,
En leur esglise. Leurs préaulx
Et jardins estoient si très beaulx:
Quant tout est dict, par tous les lieux
Ou je vouloys tourner les yeulx,
Tout me rioit. Si nous venoient
Mille propos que nous tenoient
Des nonnains en leur doulx langage.
J'en trouvay là deux de mon aage
Avecques qui je m'esbatoys,
Du temps que petite j'estoys;
De ce temps là, sans point mentir,
Commença mon cueur à sentir
Le désir d'une telle vie.
 
CLÉMENT
 
De rien condemner n'ay envye:
Si est que, à toutes personnes,
Toutes choses ne sont pas bonnes;
Et, veu la gentille nature,
Laquelle en vous je conjecture,
Tant par les meurs que par la face,
Il me semble, sauf vostre grâce,
Que devez prendre pour espoux
Quelque beau filz pareil à vous,
Et instituer, bien et beau,
Chez vous, un couvent tout nouveau,
Dont vous seriez la mère abesse
Et luy l'abbé.
 
CATHERINE
 
Moi, que je laisse,
Le propos de virginité!
Plutost mourir!
 
CLÉMENT
 
En vérité,
Virginité grant chose vault,
Pourveu qu'elle soit comme il fault;
Mais pour cela n'est jà mestier
Qu'entriez en cloistre ne moustier,
Dont ne puissiez sortir après.
Vous povez vivre vierge auprès
De père et mère.
 
CATHERINE
 
Il est ainsi;
Mais non trop seurement aussi.
 
CLÉMENT
 
Les vierges de cueur pur et munde,
Au temps passé, en lieu du monde,
Plus honnestement ne vivoient
Qu'avec leurs parents, et n'avoient
Que l'évesque pour leur beau-père…
Mais nommez-moy le monastère,
Je vous prie, que vous voulez prendre
Pour en servitude vous rendre
À jamais?
 
CATHERINE
 
Celuy de Temspert.
 
CLÉMENT
 
N'est-ce pas celluy qui appert
Sur la montagne, par delà
Le boys de vostre père?
 
CATHERINE
 
Là.
 
CLÉMENT
 
Je congnoys toute la mesgnye
De céans. Quelle compaignye!
Elle mérite, bien pensez,
Que pour elle vous laissez
Vos parents si bons et honnestes!
Quant au prieur, sur toutes bestes,
Je la vous promets la plus sotte.
Il y a dix ans qu'il radotte,
D'aage et d'ivroignerye extresme,
Et a deux compaignons de mesme:
Frère Jehan et frère Gervays;
Frère Jehan n'est point trop mauvais;
Mais au reste il n'a rien de l'homme,
Fors seulement la barbe; comme
Il n'a ne sçavoir, ne cerveau.
Et frère Gervais est si veau,
De contenance si badinne,
Que, sans le froc sacré et digne
Qui couvre tout, il trotteroyt
Parmy la ville, et porteroyt
Le beau chapperon à oreilles,
Et les deux sonnettes pareilles
Publicquement!
 
CATHERINE
 
Ils sont tant doulx!
 
CLÉMENT
 
Si les congnoys-je mieulx que vous!
Mais ils sont, j'entends bien le cas,
Vers vos parens vos advocatz,
Pour vous fere estre leur novice.
 
CATHERINE
 
Frère Jehan m'y faict du service
Et est mon grand solliciteur,
Je le sçay bien.
 
CLÉMENT
 
Quel serviteur!
Or, prenons qu'ilz soient maintenant
Doctes, et vous à l'advenant;
Pour cest affaire, dès demain,
En moins que de tourner la main,
Sots et mauvais se trouveront;
Et tels que baillez vous seront,
Vous les fault recevoir et prendre,
Pour tout jamais!
 
CATHERINE
 
Il fault entendre
Que souvent on faict des bancquetz
Chez nous, où l'on tient des caquetz
Qui m'offencent et scandalisent;
Car toujours des propos que disent
Des mariés par vanité
Ne sentent pas virginité:
Et parfoys, dont faschée suis,
Le baiser reffuser ne puis
Honnestement8.
 
CLÉMENT
 
Qui fuyr veult
Tout ce qui offenser le peult
Quant et quant, se face inhumer.
L'oreille doit s'acoustumer
À oyr toutes choses dire:
Prendre le bon, laisser le pire
Pour le meilleur. Et, d'autre part,
Je croy que vous avez à part
Vostre chambre chez votre père.
 
CATHERINE
 
Ouy dea.
 
CLÉMENT
 
Si on délibère
De fere quelquefois bancquet,
Tandis qu'ils tiendront leur cacquet,
Tenez vous en vostre chambrette,
Et en dévotion secrette
Avec Dieu là devisez,
Psalmodiez, priez, lisez,
Louez sa bonté éternelle
Ainsi la maison paternelle
Ne vous fera brin de soilleure;
Mais bien vous la rendrez meilleure
Et plus nette, ma bonne seur.
 
CATHERINE
 
Si est-il toutes foys plus seur
Parmy les vierges se trouver.
 
CLÉMENT
 
Je ne veulx certes reprouver
Compaignye chaste et honneste;
Mais gardez bien qu'en vostre teste
Vous n'aiez une impression
De faulce imagination.
Quant ung temps y aurez esté.
Et de près tout veu et guetté,
Peult estre que toutes les choses
Entre les murailles encloses,
Et lesquelles vos yeulx y virent,
Ne vous riront, comme elles firent.
Toutes celles qui voilles ont,
Et m'en croiez, vierges ne sont.
 
CATHERINE
 
Voilà bons motz.
 
CLÉMENT
 
Bons et notables
Sont les mots qui sont véritables…
Si non qu'à maintes du chappitre
Soit permis de prendre le tiltre
De Marie....
 
CATHERINE
 
Vous parleriez bien autrement,
Si vous vouliez.
 
CLÉMENT
 
Propos final.
Souvent tout n'est pas virginal
Parmy ces vierges.
 
CATHERINE
 
Mon beau, sire,
Et pourquoy?
 
CLÉMENT
 
Je le vous veux dire:
Pour ce que parmy ces pucelles
Se trouve grant nombre de celles
Qui de meurs ressemblent Sapho,
Plus que d'entendement.
 
CATHERINE
 
Ho! ho!
C'est jargon, je ne l'entends point.
 
CLÉMENT
 
Aussi l'ay-je dict tout à point
Affin que ne fusse entendu.
 
CATHERINE
 
Or voyla, mon cueur s'est rendu
À ce désir, et fault bien dire
Que l'esprit qui à ce m'atire
Vient de Dieu, puisqu'il continue
Depuis tant d'ans qu'il m'a tenue:
Et ne faict que croistre et m'attraire
De jour en jour.
 
CLÉMENT
 
Mais au contraire;
Cest esprit suspect me semble,
Veu que tous vos parens ensemble
Fuyent à ce que vous disiez.
Ils eussent esté inspirés
Si vostre désir fust de Dieu;
Mais la plaisance de ce lieu,
Que vous veistes petite fille,
Des nonnains la doulce babille.
Leur habit saint, le chant d'icelles,
Leurs cérémonies tant belles:
Voilà l'esprit qui attira
Vostre cueur et qui l'inspira.
Avec les caphardes parolles
De ces moynes à testes folles
Qui vous chevallent pour leur bien.
Et pour rungner; ils savent bien
Que vostre père est homme large;
À soupper l'auront, à la charge
Qu'il portera du vin assez
Pour dix buveurs, maistres passez;
Ou bien chez luy s'en yront boyre.
Parquoy, si vous m'en voulez croyre,
Rien contre ce gré ne ferez
De père et mère; et penserez
Que Dieu veult que soubz leur puissance
Demourrions en obeyssance.
Songez-y bien.
 
CATHERINE
 
En telle affaire,
C'est chose saincte de ne faire
Compte de ses parents.
 
CLÉMENT
 
Sans fainte?
Pour Jésus-Christ, c'est chose sainte
De n'obeyr à père et mère?
En quelque cas c'est chose amère,
Les contempner en autre endroict;
Car ung filz humain qui vouldroit
De malle façon laisser mourir,
– J'entends s'il le peult secourir, —
Son père ydolastre ou ethicque,
Il seroit ung vray filz inicque;
Mais si vous n'aviez le baptesme,
Et la mère, ou le père mesme,
Vous voulust garder de le prendre,
Lors à eulx ne devez entendre,
Où s'ilz vouloiènt vous mettre en teste
De faire chose deshonneste,
Allors pourriez, en vérité,
Contempner leur autorité;
Mais qu'a besoing tout ce mistère
De couvent ne de monastère?
Vous avez, en toute saison,
Jésus-Christ en vostre maison.
Davantaige, ainsy que je trouve,
Nature dict et Dieu approuve,
Sainct Pol remonstre fort et ferme,
Et la loy humaine conferme,
Qu'enfans obeyr sont tenuz
À un père dont ilz sont venuz:
Voulez-vous de dessoubs les mains
De vos parents doulx et humains
Vous retirer, et fere change
D'un vray père à un père estrange,
Et de propre mère tant chère
Permuter à une estrangère?
Ou, pour mieulx dire, voulez-vous,
Pour des parens bégnins et doux,
Des maistres et maistresses rudes?
Et achapter ces servitudes,
Vous qui meritez qu'on vous serve,
Fille de maison, non point serve?
Certes, charité chrétienne
Rompit la coustume ancienne,
D'esclaves et serfs qu'on avoit,
Fors que les marques on en voit
Encor en quelque région;
Mais soubs nom de religion,
Ce monde fol, en son cerveau,
A trouvé ung germe nouveau
De servitude: on n'y permect
Sinon ce que la reigle y mect:
Quelque bien qu'on vous donne et baille.
C'est au proffict de la canaille!
Troys pas allez vous promener,
Soudain vous feront retourner,
 
8C'était l'usage en France de s'embrasser au lieu de se saluer, surtout dans les hautes classes. On lit dans H. Estienne: «En France, le baiser entre gentilshommes et gentefemmes, et ceux et celles qui en portent le nom, est permis et est trouvé honneste, soit qu'il y ait parenté, soit qu'il n'y en ait point.» (Apologie pour Hérodote. Discours préliminaire, p. xxxi.) Cet usage persista longtemps et ne disparut que lorsque le peuple l'eut adopté: on le retrouve en province au fond des campagnes.