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Deux farces inédites attribuées à la reine Marguerite de Navarre

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Comme si la fuycte aviez prise
Pour avoir vostre mère occise!
Et afin qu'on congnoisse mieulx
La servitude desdits lieux,
Il fault que là soit despoillee
La robe des parens baillee;
Et à la mode qu'on traictoit
Jadis les serfs qu'on achaptoit,
Ils changent (qui est grant mespris!)
Le nom qu'au baptesme on a pris:
De sorte que pour Pierre ou Blaise,
Fault avoir nom Jehan ou Nicaise:
Jacques aura des qu'il fut né
À Jésus-Christ son nom donné;
Et quant cordelier se rendra
Le nom de François il prendra!
Souldart qui laisse la livrée
Que son seigneur luy a livrée
Semble renoncer à son maistre,
Et sainct homme nous pensons estre
Celuy qui une robbe vest,
Laquelle Jésus-Christ, qui est
Seigneur de tous, point ne lui donne:
Et s'il despoille et habandonne
L'habit que d'ailleurs il a prins,
Il en sera plus fort reprins
Que s'il laissoit, par griefve offence,
La blanche robbe d'innocence
Que eut de Jésus-Christ son roy!
 
CATHERINE
 
Certes on dict, et je le croy,
Que c'est chose de grant mérite
Si quelcun sa liberté quicte
Et en tel servage se boutte
De son gré.
 
CLÉMENT
 
Cela vient sans doubte
De pharisaïcque doctrine!
Sainct Paul, au rebour, endoctrine
Que qui est franc s'y doit tenir,
Sans point vouloir serf devenir;
Mais plustost qu'on se délibère
De devenir franc et libère.
Et, ce qui rend plus malheureuse
Ceste servitude fascheuse,
Il vous fault servir plusieurs maistres,
Souvent grosses bestes champestres,
Bien souvent trop longtemps congneuz,
Aulcune foys nouveaulx venuz!
Or çà est-il loy ne usance
Qui vous mette hors la puissance
Et hors des droitz de père et mère?
 
CATHERINE
 
Nenny.
 
CLÉMENT
 
Et venez çà, commère!
Povez-vous doncq, oultre leur gré,
Vendre ou achapter champ ne pré,
Qui soit de leur bien?
 
CATHERINE
 
Rien quelconques.
 
CLÉMENT
 
Qui vous baille ceste loy donques
De vous livrer en main estrange,
Veu que père et mère à ce change
Ne veulent consentir en rien?
N'estes-vous pas leur propre bien
Et leur chère possession?
 
CATHERINE
 
La foy et la dévotion
Font cesser toute loy humaine.
 
CLÉMENT
 
Le faict de la foi se devant
Ailleurs et principallement
Au baptesme: icy seullement
N'est question que de changer
D'acoustremens, et se renger
À ne sçay quel genre de vye
Qui n'est bon ne mauvais de soy.
Je suis marry quant j'apperçoy
Combien avec la liberté
Vous perdez de commodité!
Maintenant, il vous est licite
Dedans vostre chambre petite,
Lyre à part vous, estudier,
Faire oraison, psalmodier.
Quant et autant il vous plaira:
Et des qu'il vous y faschera,
Vous povez ouyr las canticques,
Au service divin aller,
De Dieu en chaire oyr parler;
Ou bien, si quelque fille ou dame,
Qui soit bonne de corps et d'ame,
Vous trouvez, ou homme sçavant,
Ils vous pourront mettre en avant
Cent bons propos, desquelz à l'heure
Vous pourrez devenir meilleure;
Et pourrez eslire et sercher
Homme qui sçache bien prescher
Jésus-Christ sans capharderye.
Si une foys en moynerye
Vous entrez, perdre vous convient
Ces choses là, desquelles vient
Ung grand prouffict quant à la foy.
 
CATHERINE
 
Mais tandis, à ce que je voy,
Je ne seray point nonnain?
 
CLÉMENT
 
Non.
Et si serez, puisque ce nom
Vous plaist si fort! or audience:
Elles s'enflent d'obédience,
Et vous n'avez vous pas cest heur
D'obeyr à vostre pasteur
Et aux parens, comme est escript
En la reigle de Jésus-Christ?
Quant à pauvreté qu'elles vouent
Et dont tant s'estiment et louent,
Ne l'avez-vous, quant tous voz bienz
Vos parens les ont, et vous riens?
Toutes fois les vierges vouées,
Jadis, estoient surtout louées
Des doctes et des sainctes gens
De subvenir aux indigens,
Selon la fortune et l'affaire:
Ce quelles n'eussent pas sceu fere
Si leur bien n'eussent regenté.
Au reste, quant à chasteté,
La vostre n'empirera point
En vostre maison. Par ce point,
Vous voilà nonnain. Autant vault.
Dictes-moy que c'est qu'il s'en faut
Ung certain voille, une chemise
Qui dessus la robe soit mise,
Au lieu que dessoubz on la porte,
Et des mynes de mainte sorte,
Qui, de soy, ne font valloir mieulx
La personne devant les yeulx
De Dieu, qui nostre cueur regarde.
 
CATHERINE
 
Vous me comptez quand je y prens garde
Choses estranges et nouvelles.
 
CLÉMENT
 
Mais très vrayes et toutes telles
Comme je le dy.
 
CATHERINE
 
Certes cy est-ce
Qu'au cueur n'auray jamais liesse,
Si sans espoir on contredit
Religion!
 
CLÉMENT
 
Voilà bien dict!
Prinstes vous pas au baptesme
Religion?
 
CATHERINE
 
Si feiz!
 
CLÉMENT
 
Et mesme
Tous ceulx qui soubz Jésus-Christ vivent
Et ses commandemens ensuyvent
Ne sont-ilz point religieux?
 
CATHERINE
 
Si sont!
 
CLÉMENT
 
Je suis fort envieux
De savoir doncq comment s'appelle
Ceste religion nouvelle
Qui rend ainsi de nul effect
Ce que loy de nature a faict,
Ce qu'enseigne la loy anticque,
Ce qu'approuve l'évangélicque,
Et l'appostolicque conferme;
Ce décret là, tant soit-il ferme,
De Dieu n'est faict, ne approuvé;
Mais par les moines controuvé.
À ce propos, plusieurs se trouvent
Qui les mariaiges approuvent
Des jeunes gens, lesquels s'atachent
Sans que père et mère le saichent,
Voire malgré eulx, plusieurs fois:
Raison humaine toutesfois,
Ne les loix les plus anciennes,
Ne Moïse dedans les siennes,
Ne Evangille, ne canon,
Ne tient cela?
 
CATHERINE
 
Je croy que non.
Par ce doncq vouliez proposer,
Que je ne sçaurois espouser
Jésus-Christ, s'il ne vient à plaire
À mes parens?
 
CLÉMENT
 
Je vous déclaire
Que desja épousé l'avez:
Si ont tous ceux qui sont lavez
De baptesme. Qui est l'épouse
Qui deux foys ung mary espouse?
Il n'est question seullement
Que ou lieu de l'habillement
Et des cérémonies ensemble:
Pour cela ne fault, ce me semble,
Père et mère ainsi mespriser.
Et puis il faut bien adviser,
Qu'en voulant encore entreprendre
De Jésus-Christ, pour mary prendre,
À d'autre ne vous mariez9!
 
CATHERINE
 
À les écouter vous diriez
Qu'on ne peut plus sainctement fere,
Que ne tenir, en cest affaire,
Compte de parens ne tuteurs?
 
CLÉMENT
 
Priez doncques ces beaux docteurs
Qu'aux saincts escriptz ils vous en trouvent
Quelque passage, et s'ils ne peuvent,
Commandez-leur de boyre un verre
De bon vin de Beaune ou d'Auxerre!
Ils pourront bien faire cela.
Quant ses parens on laisse là
Infidelles, pour Jésus suivre,
Cela, c'est son salut poursuyvre;
Mais ses parens chrestiens quitter
Pour en moynerye habiter,
Qui est souvent, et j'en réponds,
Pour les mauvais laisser les bons,
Quelle dévotion peult-ce estre?
Encores ceulx que le bon maistre
Jésus-Christ avoit convertiz
À la foy, du temps des gentilz,
Estoient tenus, par tous moyens,
Servir à leurs pères payens,
Autant comme il se povoit fere
Sans foy chrestienne forfaire!
 
CATHERINE
 
Vous tenez donc pour mauvais
Cest ordre de vivre?
 
CLÉMENT
 
Non fais!
Mais tout ainsi qu'aux enserrés
Et qui du tout se sont fourrés,
Je ne vouldroys persuader
D'en sortir hors, ne demander,
Ains sans scrupulle, ne doubte,
Puys conseiller à fille toute,
Mesme de gentille nature,
De n'entrer point à l'adventure
En lieu dont ne puissent sortir:
De ce vous puis bien advertir;
Veu mesmes que, le plus souvent,
Virginité en ung couvent,
Plus tost qu'ailleurs, est en danger,
Et que, sans vostre habit changer,
Povez fere autant d'œuvres bonnes
Au logis, comme en font les nonnes
En leur couvent.
 
CATHERINE
 
Vos argumens
Sont infinis et véhémens.
Toutes foys, de ce mien désir
Ne se peult mon cueur dessaisir:
Et en suis là.
 
CLÉMENT
 
Et bien, m'amye,
Si attirer je ne puys mye
Vostre voulonté à la mienne,
À tout le moins, qu'il vous souvienne
Des propos tenus en ce lieu.
Ce temps pendant, je prie à Dieu
Que l'affection désireuse
Que vous avez soit plus heureuse
Que mon conseil n'a pas esté
De n'avoir sceu estre accepté!
 
FIN
9Voilà bien l'amoureux timide que nous vous avons annoncé.