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Scène II

Léandre, Mascarille.

Mascarille

 
Monsieur, j’ai perdu temps, votre homme se dédit.
 

Léandre

 
De la chose lui-même il m’a fait un récit ;
Mais c’est bien plus : j’ai su que tout ce beau mystère
D’un rapt d’Egyptiens, d’un grand seigneur pour père,
Qui doit partir d’Espagne et venir en ces lieux,
N’est qu’un pur stratagème, un trait facétieux,
Une histoire à plaisir, un conte dont Lélie
A voulu détourner notre achat de Célie.
 

Mascarille

 
Voyez un peu la fourbe !
 

Léandre

 
Et pourtant Trufaldin
Est si bien imprimé de ce conte badin,
Mord si bien à l’appât de cette faible ruse,
Qu’il ne veut point souffrir que l’on le désabuse.
 

Mascarille

 
C’est pourquoi désormais il la gardera bien,
Et je ne vois pas lieu d’y prétendre plus rien.
 

Léandre

 
Si d’abord à mes yeux elle parut aimable,
Je viens de la trouver tout à fait adorable ;
Et je suis en suspens si, pour me l’acquérir,
Aux extrêmes moyens je ne dois point courir,
Par le don de ma foi rompre sa destinée,
Et changer ses liens en ceux de l’hyménée.
 

Mascarille

 
Vous pourriez l’épouser ?
 

Léandre

 
Je ne sais ; mais enfin,
Si quelque obscurité se trouve en son destin,
Sa grâce et sa vertu sont de douces amorces
Qui, pour tirer les coeurs, ont d’incroyables forces.
 

Mascarille

 
Sa vertu, dites-vous ?
 

Léandre

 
Quoi ? que murmures-tu ?
Achève, explique-toi sur ce mot de vertu.
 

Mascarille

 
Monsieur, votre visage en un moment s’altère,
Et je ferai bien mieux peut-être de me taire.
 

Léandre

 
Non, non, parle.
 

Mascarille

 
Eh bien donc, très charitablement,
Je veux vous retirer de votre aveuglement.
Cette fille…
 

Léandre

 
Poursuis.
 

Mascarille

 
N’est rien moins qu’inhumaine :
Dans le particulier elle oblige sans peine,
Et son coeur, croyez-moi, n’est point roche, après tout,
A quiconque la sait prendre par le bon bout ;
Elle fait la sucrée, et veut passer pour prude ;
Mais je puis en parler avecque certitude.
Vous savez que je suis quelque peu d’un métier
A me devoir connaître en un pareil gibier.
 

Léandre

 
Célie…
 

Mascarille

 
Oui, sa pudeur n’est que franche grimace,
Qu’une ombre de vertu qui garde mal sa place,
Et qui s’évanouit, comme l’on peut savoir,
Aux rayons du soleil qu’une bourse fait voir[15].
 

Léandre

 
Las ! que dis-tu ? Croirai-je un discours de la sorte ?
 

Mascarille

 
Monsieur, les volontés sont libres : que m’importe ?
Non, ne me croyez pas, suivez votre dessein,
Prenez cette matoise, et lui donnez la main ;
Toute la ville en corps reconnaîtra ce zèle,
Et vous épouserez le bien public en elle.
 

Léandre

 
Quelle surprise étrange !
 

Mascarille (à part.)

 
Il a pris l’hameçon,
Courage ! s’il s’y peut enferrer tout de bon,
Nous nous ôtons du pied une fâcheuse épine.
 

Léandre

 
Oui, d’un coup étonnant ce discours m’assassine.
 

Mascarille

 
Quoi ! vous pourriez…
 

Léandre

 
Va-t-en jusqu’à la poste, et voi ;
Je ne sais quel paquet qui doit venir pour moi.
(seul, après avoir rêvé.)
Qui ne s’y fût trompé ! Jamais l’air d’un visage,
Si ce qu’il dit est vrai, n’imposa davantage.
 

Scène III

Lélie, Léandre.

Lélie

 
Du chagrin qui vous tient quel peut être l’objet ?
 

Léandre

 
Moi ?
 

Lélie

 
Vous-même.
 

Léandre

 
Pourtant je n’en ai point sujet.
 

Lélie

 
Je vois bien ce que c’est, Célie en est la cause.
 

Léandre

 
Mon esprit ne court pas après si peu de chose.
 

Lélie

 
Pour elle vous aviez pourtant de grands desseins :
Mais il faut dire ainsi, lorsqu’ils se trouvent vains.
 

Léandre

 
Si j’étais assez sot pour chérir ses caresses,
Je me moquerais bien de toutes vos finesses.
 

Lélie

 
Quelles finesses donc ?
 

Léandre

 
Mon Dieu ! nous savons tout.
 

Lélie

 
Quoi ?
 

Léandre

 
Votre procédé de l’un à l’autre bout.
 

Lélie

 
C’est de l’hébreu pour moi, je n’y puis rien comprendre.
 

Léandre

 
Feignez, si vous voulez, de ne me pas entendre ;
Mais, croyez-moi, cessez de craindre pour un bien
Où je serais fâché de vous disputer rien.
J’aime fort la beauté qui n’est point profanée,
Et je ne veux point brûler pour une abandonnée.
 

Lélie

 
Tout beau, tout beau, Léandre !
 

Léandre

 
Ah ! que vous êtes bon !
Allez, vous dis-je encor, servez-la sans soupçon ;
Vous pourrez vous nommer homme à bonnes fortunes.
Il est vrai, sa beauté n’est pas des plus communes ;
Mais, en revanche aussi, le reste est fort commun.
 

Lélie

 
Léandre, arrêtons là ce discours importun.
Contre moi tant d’efforts qu’il vous plaira pour elle ;
Mais, surtout, retenez cette atteinte mortelle.
Sachez que je m’impute à trop de lâcheté
D’entendre mal parler de ma divinité ;
Et que j’aurai toujours bien moins de répugnance
A souffrir votre amour, qu’un discours qui l’offense.
 

Léandre

 
Ce que j’avance ici me vient de bonne part.
 

Lélie

 
Quiconque vous l’a dit est un lâche, un pendard.
On ne peut imposer de tache à cette fille,
Je connais bien son coeur.
 

Léandre

 
Mais, enfin, Mascarille
D’un semblable procès est juge compétent :
C’est lui qui la condamne.
 

Lélie

 
Oui !
 

Léandre

 
Lui-même.
 

Lélie

 
Il prétend
D’une fille d’honneur insolemment médire,
Et que peut-être encor je n’en ferai que rire !
Gage qu’il se dédit.
 

Léandre

 
Et moi gage que non.
 

Lélie

 
Parbleu ! je le ferais mourir sous le bâton,
S’il m’avait soutenu des faussetés pareilles.
 

Léandre

 
Moi je lui couperais sur-le-champ les oreilles,
S’il n’était pas garant de tout ce qu’il m’a dit.
 

Scène IV

Lélie, Léandre, Mascarille.

Lélie

 
Ah ! bon, bon, le voilà. Venez çà, chien maudit.
 

Mascarille

 
Quoi ?
 

Lélie

 
Langue de serpent, fertile en impostures,
Vous osez sur Célie attacher vos morsures,
Et lui calomnier la plus rare vertu
Qui puisse faire éclat sous son sort abattu ?
 

Mascarille (bas, à Lélie.)

 
Doucement, ce discours est de mon industrie.
 

Lélie

 
Non, non, point de clin d’oeil et point de raillerie ;
Je suis aveugle à tout, sourd à quoi que ce soit ;
Fût-ce mon propre frère, il me la payeroit.
Et sur ce que j’adore oser porter le blâme,
C’est me faire une plaie au plus tendre de l’âme.
Tous ces signes sont vains. Quels discours as-tu faits ?
 

Mascarille

 
 
Mon Dieu ! ne cherchons point querelle, ou je m’en vais.
 

Lélie

 
Tu n’échapperas pas.
 

Mascarille

 
Ahi !
 

Lélie

 
Parle donc, confesse.
 

Mascarille (bas, à Lélie.)

 
Laissez-moi, je vous dis que c’est un tour d’adresse.
 

Lélie

 
Dépêche, qu’as-tu dit ? Vide entre nous ce point.
 

Mascarille (bas, à Lélie.)

 
J’ai dit ce que j’ai dit : ne vous emportez point.
 

Lélie (mettant l’épée à la main.)

 
Ah ! je vous ferai bien parler d’une autre sorte !
 

Léandre (l’arrêtant.)

 
Halte un peu ! retenez l’ardeur qui vous emporte.
 

Mascarille (à part.)

 
Fut-il jamais au monde un esprit moins sensé ?
 

Léandre

 
C’est trop que de vouloir le battre en ma présence.
 

Lélie

 
Quoi ! châtier mes gens n’est pas en ma puissance ?
 

Léandre

 
Comment, vos gens ?
 

Mascarille (à part.)

 
Encore ! Il va tout découvrir.
 

Lélie

 
Quand j’aurais volonté de le battre à mourir,
Eh bien ! c’est mon valet.
 

Léandre

 
C’est maintenant le nôtre.
 

Lélie

 
Le trait est admirable ! Et comment donc le vôtre ?
 

Léandre

 
Sans doute…
 

Mascarille (bas, à Lélie.)

 
Doucement.
 

Lélie

 
Hem ! Que veux-tu conter ?
 

Mascarille (à part.)

 
Ah ! le double bourreau, qui me va tout gâter,
Et qui ne comprend rien, quelque signe qu’on donne !
 

Lélie

 
Vous rêvez bien, Léandre, et me la baillez bonne.
Il n’est pas mon valet ?
 

Léandre

 
Pour quelque mal commis,
Hors de votre service il n’a pas été mis ?
 

Lélie

 
Je ne sais ce que c’est.
 

Léandre

 
Et, plein de violence,
Vous n’avez pas chargé son dos avec outrance ?
 

Lélie

 
Point du tout. Moi, l’avoir chassé, roué de coups ?
Vous vous moquez de moi, Léandre, ou lui de vous.
 

Mascarille (à part.)

 
Pousse, pousse, bourreau ; tu fais bien tes affaires.
 

Léandre (à Mascarille.)

 
Donc les coups de bâton ne sont qu’imaginaires ?
 

Mascarille

 
Il ne sait ce qu’il dit ; sa mémoire…
 

Léandre

 
Non, non,
Tous ces signes pour toi ne disent rien de bon.
Oui, d’un tour délicat mon esprit te soupçonne.
Mais pour l’invention, va, je te le pardonne.
C’est bien assez pour moi qu’il m’ait désabusé,
De voir par quels motifs tu m’avais imposé,
Et que m’étant commis à ton zèle hypocrite,
A si bon compte encor je m’en sois trouvé quitte.
Ceci doit s’appeler «un avis au lecteur».
Adieu, Lélie, adieu, très humble serviteur.
 

Scène V

Lélie, Mascarille.

Mascarille

 
Courage, mon garçon, tout heur nous accompagne ;
Mettons flamberge au vent et bravoure en campagne ;
Faisons l’»Olibrius», l’»occiseur d’innocents»[16].
 

Lélie

 
Il t’avait accusé de discours médisants
Contre…
 

Mascarille

 
Et vous ne pouviez souffrir mon artifice,
Lui laisser son erreur, qui vous rendait service,
Et par qui son amour s’en était presque allé ?
Non, il a l’esprit franc, et point dissimulé.
Enfin chez son rival je m’ancre avec adresse,
Cette fourbe en mes mains va mettre sa maîtresse,
Il me la fait manquer avec de faux rapports.
Je veux de son rival alentir les transports,
Mon brave incontinent vient qui le désabuse ;
J’ai beau lui faire signe, et montrer que c’est ruse ;
Point d’affaire : il poursuit sa pointe jusqu’au bout,
Et n’est point satisfait qu’il n’ait découvert tout.
Grand et sublime effort d’une imaginative
Qui ne le cède point à personne qui vive !
C’est une rare pièce, et digne, sur ma foi,
Qu’on en fasse présent au cabinet du roi.
 

Lélie

 
Je ne m’étonne pas si je romps tes attentes ;
A moins d’être informé des choses que tu tentes,
J’en ferai encor cent de la sorte.
 

Mascarille

 
Tant pis.
 

Lélie

 
Au moins, pour t’emporter à de justes dépits,
Fais-moi dans tes desseins entrer de quelque chose ;
Mais que de leurs ressorts la porte me soit close,
C’est ce qui fait toujours que je suis pris sans vert[17].
 

Mascarille

 
Je crois que vous seriez un maître d’arme expert
Vous savez à merveille, en toutes aventures,
Prendre les contre-temps et rompre les mesures.
 

Lélie

 
Puisque la chose est faite, il n’y faut plus penser.
Mon rival, en tout cas, ne peut me traverser ;
Et pourvu que tes soins en qui je me repose…
 

Mascarille

 
Laissons là ce discours, et parlons d’autre chose.
Je ne m’apaise pas, non, si facilement ;
Je suis trop en colère. Il faut premièrement
Me rendre un bon office, et nous verrons ensuite
Si je dois de vos feux reprendre la conduite.
 

Lélie

 
S’il ne tient qu’à cela, je n’y résiste pas.
As-tu besoin, dis-moi, de mon sang, de mon bras ?
 

Mascarille

 
De quelle vision sa cervelle est frappée !
Vous êtes de l’humeur de ces amis d’épée[18]
Que l’on trouve toujours plus prompts à dégaîner
Qu’à tirer un teston, s’il fallait le donner[19].
 

Lélie

 
Que puis-je donc pour toi !
 

Mascarille

 
C’est que de votre père
Il faut absolument apaiser la colère.
 

Lélie

 
Nous avons fait la paix.
 

Mascarille

 
Oui, mais non pas pour nous.
Je l’ai fait, ce matin, mort pour l’amour de vous ;
La vision le choque, et de pareilles feintes
Aux vieillards comme lui sont de dures atteintes,
Qui, sur l’état prochain de leur condition,
Leur font faire à regret triste réflexion.
Le bonhomme, tout vieux, chérit fort la lumière,
Et ne veut point de jeu dessus cette matière ;
Il craint le pronostic, et contre moi fâché,
On m’a dit qu’en justice il m’avait recherché.
J’ai peur, si le logis du roi fait ma demeure,
De m’y trouver si bien dès le premier quart d’heure,
Que j’aye peine aussi d’en sortir par après
Contre moi dès longtemps l’on a force décrets ;
Car enfin la vertu n’est jamais sans envie,
Et dans ce maudit siècle est toujours poursuivie.
Allez donc le fléchir.
 

Lélie

 
Oui, nous le fléchirons :
Mais aussi tu promets…
 

Mascarille

 
Ah ! Mon Dieu ! nous verrons.
 

(Lélie sort.)

 
Ma foi, prenons haleine après tant de fatigues.
Cessons pour quelques temps le cours de nos intrigues,
Et de nous tourmenter de même qu’un lutin.
Léandre, pour nous nuire, est hors de garde enfin,
Et Célie arrêtée avecque l’artifice…
 

Scène VI

Ergaste, Mascarille.

Ergaste

 
Je te cherchais partout pour te rendre un service,
Pour te donner avis d’un secret important.
 

Mascarille

 
Quoi donc ?
 

Ergaste

 
N’avons-nous point ici quelque écoutant ?
 

Mascarille

 
Non.
 

Ergaste

 
Nous sommes amis autant qu’on le peut être.
Je sais bien tes desseins et l’amour de ton maître ;
Songez à vous tantôt. Léandre fait parti
Pour enlever Célie ; et j’en suis averti
Qu’il a mis ordre à tout, et qu’il se persuade
D’entrer chez Trufaldin par une mascarade,
Ayant su qu’en ce temps, assez souvent, le soir,
Des femmes du quartier en masque l’allaient voir.
 

Mascarille

 
Oui ? Suffit ; il n’est pas au comble de sa joie ;
Je pourrai bien tantôt lui souffler cette proie ;
Et contre cet assaut je sais un coup fourré
Par qui je veux qu’il soit de lui-même enferré.
Il ne sait pas les dons dont mon âme est pourvue.
Adieu, nous boirons pinte à la première vue.
 

Scène VII

Mascarille.

Mascarille

 
Il faut, il faut tirer à nous ce que d’heureux
Pourrait avoir en soit ce projet amoureux,
Et, par une surprise adroite et non commune,
Sans courir le danger, en tenter la fortune.
Si je vais me masquer pour devancer ses pas,
Léandre assurément ne nous bravera pas.
Et là, premier que lui, si nous faisons la prise,
Il aura fait pour nous les frais de l’entreprise ;
Puisque, par son dessein déjà presque éventé,
Le soupçon tombera toujours de son côté,
Et que nous, à couvert de toutes ses poursuites,
De ce coup hasardeux ne craindrons point de suites.
C’est ne se point commettre à faire de l’éclat,
Et tirer les marrons de la patte du chat.
Allons donc nous masquer avec quelques bons frères ;
Pour prévenir nos gens, il ne faut tarder guères.
Je sais où gît le lièvre, et me puis, sans travail,
Fournir en un moment d’hommes et d’attirail.
Croyez que je mets bien mon adresse en usage :
Si j’ai reçu du ciel les fourbes en partage,
Je ne suis point au rang de ces esprits mal nés
Qui cachent les talents que Dieu leur a donnés.
 

Scène VIII

Lélie, Ergaste.

Lélie

 
Il prétend l’enlever avec sa mascarade ?
 

Ergaste

 
Il n’est rien de plus certain. Quelqu’un de sa brigade
M’ayant de ce dessein instruit, sans m’arrêter,
A Mascarille lors j’ai couru tout conter,
Qui s’en va, m’a-t-il dit, rompre cette partie
Par une invention dessus le champ bâtie ;
Et, comme je vous ai rencontré par hasard,
J’ai cru que je devais de tout vous faire part.
 

Lélie

 
 
Tu m’obliges par trop avec cette nouvelle :
Va, je reconnaîtrai ce service fidèle.
 

Scène IX

Lélie.

Lélie

 
Mon drôle assurément leur jouera quelque trait ;
Mais je veux de ma part seconder son projet.
Il ne sera pas dit qu’en un fait qui me touche
Je ne me sois non plus remué qu’une souche.
Voici l’heure, ils seront surpris à mon aspect.
Foin ! Que n’ai-je avec moi pris mon porte-respect ?
Mais vienne qui voudra contre notre personne,
J’ai deux bons pistolets, et mon épée est bonne.
Holà ! quelqu’un, un mot.
 

Scène X

Trufaldin, à sa fenêtre ; Lélie.

Trufaldin

 
Qu’est-ce ? qui me vient ?
 

Lélie

 
Fermez soigneusement votre porte ce soir.
 

Trufaldin

 
Pourquoi ?
 

Lélie

 
Certaines gens font une mascarade
Pour vous venir donner une fâcheuse aubade ;
Ils veulent enlever votre Célie.
 

Trufaldin

 
O dieux !
 

Lélie

 
Et sans doute bientôt ils viennent en ces lieux.
Demeurez ; vous pourrez voir tout de la fenêtre.
Eh bien ! qu’avais-je dit ? Les voyez-vous paraître ?
Chut, je veux à vos yeux leur en faire l’affront.
Nous allons voir beau jeu, si la corde ne rompt.
 

Scène XI

Lélie, Trufaldin, Mascarille et sa suite, masqués.

Trufaldin

 
Oh ! les plaisants robins[20], qui pensent me surprendre !
 

Lélie

 
Masques, où courez-vous ? le pourrait-on apprendre ?
Trufaldin, ouvrez-leur pour jouer un momon[21].
(à Mascarille, déguisé en femme.)
Bon Dieu, qu’elle est jolie, et qu’elle a l’air mignon !
Eh quoi ! vous murmurez ? Mais, sans vous faire outrage
Peut-on lever le masque, et voir votre visage ?
 

Trufaldin

 
Allez, fourbes méchants, retirez-vous d’ici,
Canaille ; et vous, seigneur, bonsoir et grand merci.