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Histoire littéraire d'Italie (1

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Le même Ferdoussy, célèbre par son grand poëme historique, s'est aussi distingué parmi les satyriques persans. C'est par ordre de son roi Mahmoud, qu'il avait composé ce poëme; il y employa trente années, et il en attendait de grandes récompenses. Mais ce Mahmoud, surnommé le Gaznevide, grand roi, grand homme de guerre, le premier pour qui fut inventé le titre de sultan, était un homme sans goût et excessivement avare. Fils d'un esclave, il conservait des inclinations moins conformes à son rang qu'à sa naissance; il écouta des ennemis du poëte. Bref, il ne lui donna rien, ou si peu de chose, que c'était plutôt une marque de mépris que de munificence. Le poëte irrité ne put contenir sa colère; elle lui dicta, contre le sultan, une virulente satyre qu'il lui fit remettre cachetée, mais après avoir pris la précaution de se sauver à Bagdad. «La chose la plus vile, dit-il, est meilleure qu'un pareil roi qui n'a ni piété, ni religion, ni mœurs. Mahmoud n'a point d'intelligence, puisque son âme est ennemie de la libéralité. Le fils d'un esclave a beau être père de plusieurs princes, il ne peut agir comme un homme libre. Vouloir agrandir, par des éloges, la tête étroite des méchants, c'est jeter de la poudre dans ses yeux, ou réchauffer dans son sein un serpent. «Ici il entasse les figures pour dire qu'un arbre, dont les fruits sont d'une espèce amère, quand même il serait transplanté dans le jardin du Paradis pour y recevoir une culture miraculeuse et toute céleste, ne donnerait pourtant à la fin que des fruits amers; qu'un œuf de corneille, quand il serait placé sous le paon du jardin des cieux, ne produirait jamais qu'une corneille; que la vipère qu'on a trouvée dans un chemin, on a beau la nourrir de fleurs et lui donner tout ce qu'il lui plaît, elle n'en vaudra pas mieux, et n'en finira pas moins par piquer et empoisonner son bienfaiteur; que si un jardinier prend le petit d'un hibou, et le couche pendant la nuit sur un lit de roses et d'hyacinthes, l'oiseau, dès le point du jour, ne s'enfuira pas moins dans un trou» 384. Il faut convenir que ce n'est pas là tout-à-fait la satyre d'Horace ni celle de Boileau.

Je pourrais ainsi parcourir tous les différents genres que ces peuples ont traités, et montrer, par des citations choisies, quel caractère le génie oriental leur a donné; mais ce serait me jeter dans trop de longueurs, et trop m'écarter du but que je me suis proposé. Cette littérature est un champ immense que je n'ai pas eu la présomption de parcourir. J'ai voulu seulement donner un léger aperçu de son histoire, des richesses qu'elle renferme, du goût particulier qui y règne, et de l'influence qu'elle a exercée sur la littérature moderne, à laquelle il est temps de revenir.

CHAPITRE V. 385

Des Troubadours provençaux, et de leur influence sur la renaissance des lettres en Italie.

Section Ire

Historiens des Troubadours; origine et révolutions de leur poésie; naissance de la rime; Troubadours de tous les rangs; leurs aventures; leur célébrité; décadence et courte durée de la poésie des Troubadours.

La plus ancienne histoire des Troubadours qui ait été écrite en français, est celle de Jean de Notre-Dame, ou Nostradamus, procureur au parlement de Provence, frère du célèbre médecin et astrologue Michel Nostradamus, et oncle de César Nostradamus, auteur d'une histoire de Provence, où il a fondu tout ce que cet oncle avait inséré dans ses Vies des Poëtes provençaux 386. Jean Nostradamus les publia la seconde année du règne de Henri III 387; c'est plutôt un roman qu'une histoire. L'auteur y a rassemblé sans discernement, et sans le plus léger esprit de critique, les récits les plus fabuleux et souvent les plus contradictoires, sans égard pour la chronologie, et sans respect pour la vraisemblance. Il invoque cependant un garant de ce qu'il raconte: c'est l'ouvrage d'un bon religieux connu dans la littérature provençale, sous le nom de Monge, ou moine des Isles-d'Or. Ce moine, qui florissait vers la fin du quatorzième siècle, était de l'ancienne et noble famille génoise des Cibo. L'amour de l'étude l'engagea, dès sa jeunesse, à entrer dans le monastère de Saint-Honorat, sur les côtes de Provence, dans l'une des deux îles de Lerins 388. Son savoir et ses talents le firent mettre à la tête de la bibliothèque du couvent, autrefois remplie des livres les plus précieux et les plus rares, mais qui avait été bouleversée et dilapidée pendant les guerres de Provence. Il parvint en peu de temps à y remettre l'ordre, et même à y rétablir les manuscrits qui en avaient été distraits.

L'un des plus curieux qu'il y trouva était un recueil qu'Alphonse II, roi d'Aragon et comte de Provence 389, avait autrefois fait rédiger par un autre moine de ce couvent nommé Hermentère. L'orgueil avait présidé à la première partie de ce recueil: elle contenait les titres, les alliances et les armoiries de toutes les nobles et illustres familles de Provence, d'Aragon, d'Italie et de France; les goûts poétiques de ce roi troubadour avaient fait réunir dans la seconde les œuvres des meilleurs poëtes provençaux, avec un abrégé de leurs vies. Le moine des Isles-d'Or possédait entre autres talents celui d'écrire, dessiner, et enluminer avec une grande perfection. Son ordre avait, aux îles d'Hières, un hermitage et une petite église qu'on lui donna à desservir. Il s'y retirait pendant quelques jours, au printemps et à l'automne, avec un autre religieux qui avait les mêmes goûts que lui, «pour ouïr, dit l'auteur de sa vie, le doux et plaisant murmure des petits ruisseaux et fontaines, le chant des oiseaux; contemplant la diversité de leurs plumages, et les petits animaux tous différents de ceux de la mer, les contrefaisant au naturel».

Il peignit ainsi un recueil considérable d'oiseaux, d'animaux, de paysages, et de vues des côtes délicieuses de ces îles, que l'on trouva parmi ses livres après sa mort 390; mais il prit un soin particulier de copier et d'embellir, de tous les ornements de son art, les poésies et les vies des poëtes provençaux qu'il avait trouvées dans le recueil d'Hermentère. Il en épura le texte qui était fort corrompu. Les vies étaient écrites en rouge, et les poésies en noir, sur parchemin, le tout orné de figures enluminées en or, rouge et azur, selon le luxe de ce temps-là. Il envoya une de ces copies à Louis II, père du fameux René, roi de Naples, de Sicile, et comte de Provence. La cour provençale fut enchantée de cet ouvrage, et plusieurs gentilshommes, qui conservaient du goût pour leur ancienne poésie, obtinrent la permission de le faire copier dans la même forme et avec les mêmes ornements.

Il est vraisemblable que ce sont ces élégantes copies, faites d'après celle du moine des Isles-d'Or, qui se répandirent ensuite à Naples et en Sicile, et dans le reste de l'Italie. Crescimbeni croit 391 que c'est l'original même, écrit de la main du moine des Isles-d'Or, qui se trouvait dans la bibliothèque Vaticane sous le N°. 3204. Mais ce manuscrit avait appartenu à Pétrarque, ensuite au cardinal Bembo, et est enrichi de quelques notes de ces deux hommes célèbres. Or, on sait que Pétrarque mourut en 1374, et le moine des Isles-d'Or ne fleurit, selon Crescimbeni lui-même 392, que plusieurs années après. Quoi qu'il en soit, ce manuscrit était, dans la bibliothèque du Vatican, le monument le plus curieux de l'ancienne poésie provençale 393. On en était si jaloux à Rome, que les pères Mabillon et Montfaucon n'avaient pu en obtenir la communication, et qu'il fallut un bref spécial du pape pour l'accorder à M. de Sainte-Palaye. Il est maintenant déposé à notre Bibliothèque impériale 394, et ce n'est pas un des fruits les moins précieux que nous ait procurés la victoire.

 

Depuis le seizième siècle, on avait cessé en France de s'occuper des Troubadours. Un savant qu'on pourrait dire tout Français, ce même Sainte-Palaye que je viens de nommer, en fit dans le dernier siècle l'objet constant de ses recherches, de ses voyages, de ses travaux. Tout ce qui restait d'eux, disséminé dans les bibliothèques de France et d'Italie, fut rassemblé dans ses immenses recueils, expliqué par des notes, par des dissertations sur leur langage, par des glossaires, des tables raisonnées, et des vies de tous les poëtes provençaux. Mais tout restait enseveli dans vingt-cinq volumes in-folio de manuscrits 395 qui n'avaient pu voir le jour. L'abbé Millot rendit aux lettres le service d'en publier un extrait. Son Histoire littéraire des Troubadours 396, quoique très-imparfaite, peut donner cependant une idée générale de cette littérature singulière.

Avant eux, et presque au commencement du dix-huitième siècle, Crescimbeni avait donné en italien, dans le second volume de son Histoire de la Poésie vulgaire, une traduction de l'ouvrage de Nostradamus, avec des notes et des additions considérables tirées de divers manuscrits 397. Ces secours seraient insuffisants pour qui voudrait donner une histoire complète des Troubadours: il lui faudrait s'enfoncer de nouveau dans les manuscrits originaux et dans la volumineuse collection de Sainte-Palaye. Mais pour le but que je me propose, c'est-à-dire, pour faire connaître le génie de la poésie provençale, ses différentes formes, et surtout son influence sur les premiers essais de la poésie italienne, c'est assez d'avoir sous les yeux les Vies de Nostradamus; quoiqu'il faille y avoir peu de foi, la traduction, ou plutôt les notes et les additions de Crescimbeni, l'Histoire de l'abbé Millot, et seulement quelques uns des meilleurs manuscrits.

Il est inutile de répéter tout ce qu'ont écrit nos antiquaires sur l'origine de la langue romance ou romane 398. Formée des combinaisons de la langue latique avec divers dialectes du celtique, elle était devenue celle de toute la Gaule. On fait remonter jusqu'à Hugues Capet sa séparation en plusieurs espèces de langage roman. Les seigneurs, les hauts barons qui l'avaient aidé à monter sur le trône, étaient presque aussi puissants que lui. Chacun d'eux resta dans sa seigneurie, ou si l'on veut dans ses états, les uns au nord de la France, où se forma le roman wallon; les autres au midi, où naquit le roman provençal; tandis qu'au centre, où Hugues Capet avait un petit royaume, que sa politique et celle de ses descendants trouvèrent bientôt le moyen d'agrandir, le roman, proprement dit, par des combinaisons nouvelles, devenait peu à peu le français 399. Le roman provençal, qui se parlait dans tout le midi de la France, déjà enrichi d'un grand nombre de mots grecs, anciennement apportés par les Phocéens, ne tarda pas à s'enrichir encore par le commerce de ces provinces avec l'Orient, avec l'Italie, surtout avec l'Espagne, où l'on commençait aussi à cultiver une langue nationale, et avec les Arabes ou Sarrazins qui y faisaient fleurir les arts du luxe, les sciences et les lettres.

Lorsqu'au onzième siècle 400, plusieurs seigneurs français, appelés par le roi de Castille, Alphonse VI, qui avait épousé une Française 401, l'eurent aidé à faire la guerre aux Maures et à leur reprendre Tolède 402, un grand nombre de Français, Gascons, Languedociens, Provençaux, s'établirent en Espagne. Alphonse y appela des moines français, qui fondèrent un monastère auprès de Tolède. Bernard, archevêque de cette métropole, fut nommé primat d'Espagne et de cette partie des Gaules. Il tint en cette qualité à Toulouse un concile d'évêques français; enfin il s'établit entre l'Espagne et la France méridionale des communications de toute espèce. Or, les Arabes vaincus dans Tolède n'en étaient point sortis; ils y étaient restés soumis à la domination espagnole. Les écoles célèbres qu'ils y avaient fondées continuaient de fleurir; leurs coutumes, leurs mœurs nationales s'y conservaient; la poésie, le chant, était de l'essence de ces mœurs; et les Espagnols et les Français provençaux qui s'y établirent, purent également profiter, sous ce rapport, de leur commerce avec eux. En effet, c'est à cette époque que remontent peut-être les premiers essais poétiques de l'Espagne, et que remontent sûrement les premiers chants de nos Troubadours. Mais la destinée de ces deux poésies nées de la même source, fut très-différente. Ces antiques productions des muses castillanes, si elles furent différentes de celles mêmes des Troubadours 403, restèrent tout-à-fait inconnues; tandis que la poésie provençale remplissait de ses productions ou de sa renommée toute l'Europe, et prenait chez les autres nations un tel empire, qu'un savant espagnol n'hésite pas à la regarder comme la mère de la poésie, et même de toute la littérature moderne 404. Il est vrai qu'il ajoute que cette langue et cette poésie provençales, mères et maîtresses des langues et de la poésie modernes, sont originairement espagnoles; et il serait aussi injuste de lui faire un crime de ce mouvement d'orgueil national, que difficile de lui contester les faits dont il s'appuie. Mais pour être tout-à-fait juste, il faut remonter un degré plus haut, et reconnaître dans la poésie arabe la mère et la maîtresse commune de l'espagnole et de la provençale.

On aperçoit dans la poésie des Troubadours les traces de cette filiation, et l'on n'y voit aucuns vestiges de la poésie grecque ou latine. La rime, l'un des caractères qui distinguent le plus la poésie moderne de l'ancienne, paraît nous être venue des Arabes par les Provençaux. Deux savants Français, Huet et Massieu 405, le Quadrio chez les Italiens 406, et une foule d'autres auteurs l'ont reconnu. Ce n'est pas que cette opinion n'ait eu des contradicteurs, parmi lesquels Lévêque de la Ravaillière, la Borde, et l'abbé le Bœuf, peuvent faire autorité. Les uns attribuent l'invention de la rime aux Goths; d'autres aux Scandinaves; quelques uns veulent qu'elle soit venue des vers latins rimés, et de ceux qu'on appelle léonins. Il sera toujours difficile de juger définitivement la question. Voici, en attendant, à ce qu'il me semble, les faits essentiels qui peuvent l'éclairer.

 

L'on ne remarque rien dans l'ancienne poésie des Grecs, qui indique en eux du goût pour la consonnance de plusieurs mots dans le même vers, ou de plusieurs vers entre eux; si ce n'est peut-être dans quelques pièces de l'anthologie où cela peut avoir été un pur effet du hasard. Il n'en est pas ainsi des Latins. Les fragments de leurs plus anciens poëtes ont de ces consonnances si marquées, qu'elles auraient été des défauts insupportables si elles n'eussent pas été regardées comme des beautés. Cicéron, dans sa première Tusculane, cite deux passages du vieil Ennius, chacun de trois vers: les vers du premier finissent par trois verbes terminés en escere 407; ceux du second, par trois verbes terminés en ari 408. Ce ne peut avoir été une distraction du poëte; et s'il y mit de l'intention, il regardait donc cette consonnance comme un moyen de plaire ou de produire un effet quelconque. Dans les poëtes du meilleur temps, on trouve des vers dont le milieu forme consonnance avec la fin, ou deux vers de suite dont les derniers mots ont le même son. La consonnance entre le milieu et la fin est surtout très-fréquente dans le petit vers élégiaque. Il suffit, pour en trouver, d'ouvrir presque au hasard Tibulle, Properce ou Ovide. Il est impossible que des poëtes si soignés aient eu cette négligence ou cette affectation, si ce n'était pas une beauté.

À mesure qu'on s'éloigna des bons siècles, la cadence des vers latins devint moins régulière, les règles de la quantité furent moins observées, et dans le moyen âge les vers rhythmiques, où l'on n'avait égard qu'au nombre des syllabes et non point à leur durée, prirent presque entièrement la place des vers métriques. Les consonnances y devinrent alors plus fréquentes, comme si leur effet, facile à saisir, eût tenu lieu, pour des oreilles moins délicates, des combinaisons harmonieuses et souvent imitatives du mètre. On écrivit des poëmes entiers en vers qu'on appelle léonins, dont le milieu était toujours en consonnance avec la fin. On a prétendu que ce nom de léonins leur vint d'un certain Léon, Parisien, moine de St. – Victor, qui les inventa et en fit un grand usage au douzième siècle; mais les exemples de ces sortes de compositions rimées datent de beaucoup plus haut, et Léon ne peut avoir eu tout au plus que la gloire de perfectionner cette invention.

Fauchet fait remonter l'usage de la rime jusqu'à la langue thioise ou théotisque, qui est la source de la nôtre. Il rapporte 409 un long passage d'Ottfrid, moine de Wissembourg, écrivain du neuvième siècle, qui avait traduit en vers thiois les évangiles. Cet Ottfrid dit, dans le prologue latin de sa traduction, que la langue thioise affecte continuellement la figure omoioteleuton, c'est-à-dire, finissant de même; et que dans ces sortes de compositions les mots cherchent toujours une consonnance agréable. Plus loin, le même Fauchet dit 410 que la rime est peut-être une invention des peuples septentrionaux; que c'est depuis leur descente en Italie, pour détruire l'empire romain, que la rime a eu cours et a été reçue tant dans les hymnes de l'église, que dans les chansons et autres compositions amoureuses; et il attribue cette invention à ce que la quantité des syllabes étant alors ignorée, et la langue corrompue par la mauvaise prononciation de tant de barbares, la consonnance leur toucha plus les oreilles. Les Germains et les Francs écrivaient leurs guerres et leurs victoires en rhytmes ou rimes: Charlemagne ordonna d'en faire un recueil: Eginhart nous apprend qu'il se plaisait singulièrement à les entendre, et ce n'étaient pour la plupart que des vers thiois ou théotisques rimés. Enfin, quatre vers que Fauchet cite de la préface de cette traduction d'Ottfrid dont il a parlé, sont en langue thioise et rimés deux à deux 411.

Pasquier 412 cite cette même préface de la traduction thioise des évangiles, dans un passage de Beatus Rhenanus, savant du seizième siècle 413. Ce passage en contient même un plus grand nombre de vers, tous rimés de deux en deux 414. Pasquier en conclut aussi que la rime était dès lors connue en Germanie, d'où elle passa en France.

Muratori 415 cite un rhythme de S. Colomban, qui date du sixième siècle, et qui procède par distiques rimés; un autre de S. Boniface, en petits vers, aussi rimés de deux en deux; plusieurs autres, tirés d'un vieil antiphonaire du septième ou huitième siècle; et enfin un grand nombre d'exemples tirés d'anciennes inscriptions, épitaphes et autres monuments du moyen âge, tous antérieurs de plusieurs siècles à celui de Léon. Ces exemples deviennent plus fréquents à mesure qu'on approche du douzième siècle. C'est alors que l'usage de ces rimes, tant du milieu du vers avec la fin que des deux vers entre eux, devient presque général. On ne voit presque plus d'épitaphes, d'inscriptions, d'hymnes, ni de poëmes dont la rime ne fasse le principal ornement. C'est dans ce temps-là même que naquit la poésie provençale et, peu après, la poésie italienne. Il serait possible que ces vers latins rimés, qu'on entendait dans les hymnes de l'église, eussent donné l'idée de rimer aussi les vers provençaux et les vers italiens. Mais la communication entre les Arabes et les Provençaux est évidente et immédiate: les premiers offraient aux seconds des objets d'imitation plus attrayants: ce fut certainement des Arabes que les Provençaux prirent leur goût pour la poésie, accompagnée de chant et d'instruments; et il est probable que, frappés surtout de la rime, dont ils n'avaient jusque-là connu l'emploi que dans les chants sévères de l'église, ils l'admirent aussi dans leurs vers.

Ce n'est pas là, d'ailleurs, à beaucoup près, le seul rapport qu'on trouve entre les deux poésies.

Le goût des récits fabuleux d'aventures chevaleresques ou galantes, et celui des narrations d'où l'on fait ressortir quelque vérité morale, dominaient de tous temps dans la littérature arabe; et ce qui nous reste de poésies provençales offre beaucoup de ces récits romanesques et de ces moralités. C'était un usage presque général chez les poëtes arabes de finir leurs pièces galantes par une apostrophe, qu'ils s'adressaient le plus souvent à eux-mêmes; la plupart des chansons provençales finissent par un envoi: le Troubadour y adresse aussi la parole, ou à sa chanson elle-même, ou au jongleur qui doit la chanter, ou à la dame pour qui il l'a faite, ou au messager qui la lui porte. Rien ne devait être plus piquant dans la poésie provençale, que ces espèces de luttes entre deux Troubadours qui s'attaquaient et se répondaient, l'un soutenant une opinion, l'autre l'opinion contraire: ces combats poétiques étaient tellement en vogue chez les Arabes, qu'il n'y a presque aucun de leurs poëtes dont on ne raconte quelque particularité remarquable, et quelque trait piquant dans des circonstances de cette espèce 416.

On peut ajouter aux ressemblances entre les formes poétiques, celles qui existaient entre les mœurs et la vie des poëtes. Chez les Arabes, plusieurs princes cultivèrent la poésie; il en fut de même chez les Provençaux, surtout parmi ceux qui firent la guerre en Espagne, et qui avaient eu des objets vivants d'émulation sous les yeux. Chez les Provençaux comme chez les Arabes, le talent de la poésie était pour les personnes pauvres et de basse condition un moyen sûr d'avoir accès auprès des grands, et d'en obtenir des honneurs et des récompenses. Quelques princes arabes avaient pour usage de donner aux poëtes qui leur récitaient des vers, leurs propres habits pour récompense; les troubadours en recevaient souvent de pareilles des seigneurs dont ils visitaient les cours, et dont ils savaient flatter l'amour propre et amuser les loisirs 417. Enfin chez les deux nations, ainsi que chez les Espagnols, il n'y eut pas seulement des Troubadours, trouvères ou poëtes, mais des jongleurs, jugleors ou chanteurs, qui exécutaient les chants des poëtes, en s'accompagnant de la viole ou de quelques autres instruments.

Des traits si multipliés de ressemblance peuvent-ils laisser le moindre doute, et ne reste-t-il pas prouvé que la poésie des Troubadours provençaux dut sa naissance et quelques uns de ses caractères au voisinage de l'Espagne et à l'exemple des Arabes; que leur langue se sentit aussi de ce commerce; qu'elle n'en profita peut-être guère moins que de ses anciens rapports avec le grec de Marseille, et que ces causes réunies lui donnèrent cette supériorité qu'aucune langue moderne ne pouvait lui disputer alors, mais qu'elle ne devait pas garder long-temps.

Si l'on veut avoir une idée juste de cette poésie, dont la destinée fut si brillante et si fugitive, il ne faut pas se figurer les Troubadours comme ayant toujours eu pendant ce peu de durée le même genre de talent, la même existence dans le monde et le même succès. L'art de faire des vers et celui de les chanter n'étaient point d'abord séparés. Les poëtes étaient Troubadours et jongleurs à-la-fois. Ce dernier titre fut même le seul qu'ils portèrent dans les premiers temps; et le mot jonglerie, qui fut pris ensuite dans un sens si défavorable, désignait alors le plus noble des talents et le premier des arts. C'est ce que nous voyons très-positivement dans un morceau précieux d'un Troubadour du treizième siècle 418, qui déplore la dépravation et l'avilissement de la jonglerie. Il demande s'il convient de nommer jongleurs des gens dont l'unique métier est de faire des tours, de faire jouer des singes et autres bêtes. «La jonglerie, dit-il, a été instituée par des hommes d'esprit et de savoir, pour mettre les bons dans le chemin de la joie et de l'honneur, moyennant le plaisir que fait un instrument touché par des mains habiles. Ensuite vinrent les Troubadours pour chanter les histoires des temps passés, et pour exciter le courage des braves en célébrant la bravoure des anciens. Mais depuis long-temps tout est changé. Il s'est élevé une race de gens qui, sans talents et sans esprit, prennent l'état de chanteur, de joueur d'instruments et de Troubadour, afin de dérober le salaire aux gens de mérite qu'ils s'efforcent de décrier. C'est une infamie que de pareilles espèces l'emportent sur les bons jongleurs; et la jonglerie tombe ainsi dans l'avilissement».

On s'était si fort habitué à voir les jongleurs faire des tours d'adresse ou de passe-passe, qu'un autre Troubadour du même siècle 419 donnant dans une de ses pièces des conseils à un jongleur, lui recommande de joindre ce talent à tous les autres. «Sache, lui dit-il, bien trouver, bien rimer, bien proposer un jeu parti. Sache jouer du tambour et des cimbales, et faire retentir la symphonie. Sache jeter et retenir de petites pommes avec des couteaux; imiter le chant des oiseaux; faire des tours avec des corbeilles; faire attaquer des châteaux, faire sauter 420 au travers de quatre cerceaux, jouer de la citole 421 et de la mandore, manier la manicarde 422 et la guitare, garnir la roue avec dix-sept cordes 423, jouer de la harpe, et bien accorder la gigue 424 pour égayer l'air du psaltérion. Jongleur, tu feras préparer neuf instruments de dix cordes. Si tu apprends à en bien jouer, ils fourniront à tous tes besoins. Fais aussi retentir les lyres et résonner les grelots 425».

Pierre Vidal, au contraire 426, dans la plus longue et la meilleure pièce qui nous reste de lui, donnant aussi des conseils à un jongleur, voudrait ramener l'art à sa dignité, et ne voit que la jonglerie qui puisse corriger les vices et la corruption du siècle. Il le dit très-positivement. Ces vices ont passé des rois et des comtes à leurs vassaux. «Le sens et le savoir ont disparu chez les uns comme chez les autres; et les chevaliers, autrefois loyaux et vaillants, sont devenus perfides et trompeurs. Je ne vois qu'un remède au désordre: c'est la jonglerie; cet état demande de la gaîté, de la franchise, de la douceur et la de prudence… N'imitez point ces insipides jongleurs qui affadissent tout le monde par leurs chants amoureux et plaintifs.

Il faut varier ses chansons… se proportionner à la tristesse et à la gaîté des auditeurs éviter seulement de se rendre méprisable par des récits bas et ignobles 427».

Mais il ne reste point de monuments de ces temps primitifs de la poésie provençale, où le titre de jongleur annonçait ce qu'on entendit ensuite par celui de Troubadour. Ce n'est qu'à cette seconde époque de l'art que l'on en peut commencer l'histoire; et ce sont des têtes couronnées que l'on trouve, pour ainsi dire, à l'ouverture de cette ère poétique.

On met peut-être un peu gratuitement au nombre des Troubadours cet empereur Frédéric Barberousse qui, après avoir si mal employé pendant un long règne ses grands talents militaires et son courage, se croisa dans sa vieillesse, passa en Asie, à la tête de quatre-vingt-dix mille hommes, et mourut de saisissement pour s'être baigné dans un petit fleuve de Silicie, dont les eaux étaient trop froides, comme autrefois Alexandre dans le Cydnus 428. Frédéric passait pour aimer la poésie et les poëtes. Lorsqu'après avoir ravagé la Lombardie, et rasé pour la seconde fois Milan, il fut reçu à Turin par Raymond Bérenger le jeune, comte de Provence, Raymond l'alla visiter, suivi d'une troupe nombreuse de gentilshommes, d'orateurs et de poëtes provençaux, et fit chanter devant lui par ses poëtes plusieurs chansons provençales. «L'empereur, dit dans son vieux langage l'historien des Troubadours, estant esbay de leurs belles et plaisantes inventions et façon de rhythmer, leur feist des beaux présens, et feist un épigramme en langue provensale à la louange de toutes les nations qu'il avait suivies en ses victoires».

Cette épigramme, ou plutôt ce couplet, est de dix vers sur deux seules rimes. Le galant empereur ne fait qu'exprimer dans chaque vers ce qui lui plaît le plus dans chaque nation.

 
Plas my cavalier françès
E la donna Catalana,
E l'onrar 429 del Ginoès,
E la court de Castellana.
Lou cantar Provensalès
E la dansa trivisana
E lou corps Aragonnès
E la perla Julliana 430
La mans e kara 431 d'Anglès,
E lou donzel de Thuscana.
 

Cela prouve bien que Frédéric savait conserver, au milieu des ravages et des désastres de la guerre, beaucoup de politesse et de liberté d'esprit; mais nous n'avons de lui que cet impromptu, et ce n'est pas assez pour le mettre au rang des poëtes.

Le plus ancien Troubadour, dont il nous soit resté des ouvrages, est un prince; c'est Guillaume IX, comte de Poitou et duc d'Aquitaine, mort en 1127. On compte parmi eux un roi d'Angleterre, Richard Ier; deux rois d'Aragon, Alphonse II et Pierre III; un roi de Sicile, Frédéric III; un dauphin d'Auvergne, un comte de Foix 432, un prince d'Orange 433, etc. Ces poëtes couronnés qui figurèrent dans les événements publics de leur siècle, offrent quelquefois dans leurs poésies des circonstances qui ont échappé à l'histoire. Le premier de tous, cependant, Guillaume IX, ne paraît guère dans les siennes que comme un franc Troubadour, et s'y montre tel qu'il fut dans sa vie licencieuse et déréglée. Ce qui ne l'empêcha point de partir pour la Terre-Sainte, où l'on dit que, malgré les fatigues et les dangers d'une croisade malheureuse, son humeur gaie et même un peu bouffonne ne l'abandonna pas 434.

On sait assez quels malheurs éprouvèrent le courage bouillant de cet autre croisé célèbre, Richard, surnommé Cœur-de-Lion 435. Dans la prison où il fut jeté à son retour, il se consola par un sirvente (sorte de poésie satirique), où il n'épargne pas les amis froids qui le laissaient languir dans cette dure captivité 436. Dans une autre pièce du même genre, composée plusieurs années après qu'il eut recouvré sa liberté, il reproche au dauphin d'Auvergne et au comte Gui, son cousin, de ne se pas déclarer pour lui contre le roi Philippe Auguste, comme ils l'avaient fait une autre fois 437. Mais en attaquant le dauphin d'Auvergne, il provoquait un de ses rivaux en poésie, plus exercé que lui à ce genre de combats. Le dauphin ne manqua pas de répondre. Son sirvente est assaisonné de plaisanteries assez fines, et qui ne durent pas être sans amertume pour le poëte roi. Tout cela était de bonne guerre, et fournit sur les mœurs de ce siècle, sur le ton de franchise et de liberté qu'un simple seigneur pouvait se permettre avec un roi, quand il ne voyait pas en lui son suzerain, des traits qui ne sont pas indifférents pour l'histoire 438.

384William Jones, ibid., p. 332.
385Ce chapitre a été considérablement augmenté; il est ici double de ce qu'il était quand je le lus à l'Athénée de Paris, et j'ai dû le partager en deux sections. L'obligation où j'ai été, pour un autre travail, de recourir aux sources et aux manuscrits provençaux, m'a engagé à lui donner cette étendue, et m'en a fourni les moyens.
386Cette Histoire fut imprimée en 1614, en un gros vol. in-fol.
387Lyon, 1575, petit in-8°.
388L'autre est l'île de Sainte-Marguerite.
389Mort en 1196.
390Il mourut en 1408.
391T. II, p. 162, note 2.
392Ibid., note 1.
393Les Vies des Troubadours et les titres y sont de même écrits en rouge, les poésies en noir; les lettres initiales des pièces et de chaque couplet historiées et enluminées, et le portrait en pied de chaque Troubadour peint sur un fond d'or en couleurs vives et bien conservées.
394Sous le même numéro que dans la Vaticane.
395Les pièces provençales seules, avec leurs variantes, remplissent quinze volumes; huit autres sont remplis d'extraits, de traductions, etc.
396Trois vol. in-12, Paris, 1774.
397Ce second volume de l'Istoria della volgar poesia de Giovan Mario Crescimbeni, parut en 1710; le premier avait paru dès 1698. On avait déjà une traduction italienne des Vies de Nostradamus, par Giovan. Giudice, imprimée à Lyon la même année que l'ouvrage original, 1575, mais si mal écrite et si remplie de fautes, ajoutées à celles de l'auteur français, qu'elle ne pouvait être d'aucun usage. Voyez la préface de Crescimbeni.
398Nous devons à M. Roquefort, jeune homme très-instruit dans nos antiquités littéraires, un bon Glossaire de la Langue romane (Paris, 1808, deux forts volumes in-8°.) ouvrage qu'il se propose encore d'améliorer.
399Fauchet, de l'Origine de la Langue et Poésie françaises, liv. I, ch. 4.
400Andrès, Orig. Progr. e St. at. d'ogni Lett., t. I, c. ii.
401Constance, fille de Robert Ier, duc de Bourgogne.
402Le 25 mai 1085. Ce n'est donc pas au milieu du onzième siècle, comme le dit Andrès, mais vers la fin.
403«Les Espagnols, dit l'estimable auteur de l'Essai sur la Littérature Espagnole (Paris, 1810, in-8°.), se glorifient d'avoir eu parmi eux des Troubadours, dès les douzième et treizième siècles. Raymon Vidal et Guillaume de Berguedan, tous les deux Catalans, étaient des Troubadours, ainsi que Nun (c'est-à-dire Hugues) de Mataplana». Mais ces trois poëtes, dont nous avons les chansons, écrivirent en langue provençale; et il paraît prouvé par le recueil même intitulé Poësias antiguas, imprimé à Madrid, 4 vol. in-8°., que les poésies espagnoles les plus anciennes sont du quatorzième siècle.
404Andrès, ub. supr.
405L'un dans sa lettre à Segrais, sur l'origine des Romans; l'autre dans son Histoire de la Poésie française, ouvrage agréable, mais de peu de fonds, et dont j'avoue qu'on ne peut s'appuyer que faiblement.
406Stor. e rag. d'ogni Poes., t. VI, lib. II, p. 299.
407Cœlum nitescere, arbores frondescere,Vites lœtificœ pampinis pubescere,Rami baccarum ubertate incurvescere, etc.
408Hœc omnia vidi inflammari,Priamo vi vitam evitari,Jovis aram sanguine turpari.
409De la Langue et Poésie françaises, liv. I, c. 3.
410Ibid., c. 7.
411De la Langue et Poésie françaises. Cette traduction se trouve dans Thesaurus antiquitatum Teutonicarum, avec beaucoup d'autres poésies latines du neuvième siècle, toutes rimées. Voici les quatre vers cités par Fauchet: Nu vuill ih scriban unser heilEvangeliono deil,So vuir nu hiar BigunnunIn frankisga zungun; c'est-à-dire, selon Fauchet: Je veux maintenant écrire notre salut,Qui consiste dans l'évangile;Ce que nous avons commencéEn langage français.
412Recherches de la France, liv. VII, c. 3.
413C'est un passage de son histoire de Germanie, Res. Germanicœ, imprimée en 1693.
414Pasquier les traduit tous mot à mot; selon lui, les quatre premiers sont littéralement ainsi: Ores veux-je écrire notre salut.De l'évangile partie,Que nous ici commençonsEn françoise langue.
415Antich. ital. Dissertaz. 40, t. II, p. 437.
416Voyez Andres, ub. supr. t. I, c. ii.
417«Nos Trouvères, dit le président Fauchet, allaient par les cours resjouir les princes; meslans quelquefois des fabliaux qui étoient contes faits à plaisir, ainsi que des nouvelles, des servantois aussi, esquels ils reprenaient les vices, ainsi qu'en des satyres, des chansons, lais, virelais, sonnets, ballades, traitans volontiers d'amours, et par fois à l'honneur de Dieu; remportant de grandes récompenses des seigneurs, qui bien souvent leur donnaient jusques aux robes qu'ils avaient vestues; lesquelles ces jugliors ne failloient de porter aux autres cours, afin d'inviter les seigneurs à pareille libéralité». De la Langue et Poésie françaises, l. I, c. 8.
418Giraut Riquier. Il était de Narbonne, et fut très-favorisé du roi de Castille Alphonse X; c'est à peu près tout ce qu'on sait de lui. Le passage cité est tiré d'une pièce très-curieuse adressée à ce roi, sous le titre de Supplication au roi de Castille, au nom des jongleurs. Voyez Millot, t. III, P. 356.
419Girant de Calanson; il était de Gascogne, et n'est connu lui-même que sous le titre de jongleur. Voy. Millot, t. II, p. 28.
420Sans doute des singes.
421Et non pas citales, comme on le lit dans Millot (Voyez le Glossaire de la Langue Romane, de M. Roquefort, au mot citole.)
422Lisez le manicorde ou manichordion: c'était une sorte d'épinette. (Voyez La Borde, Essai sur la Musique, t. I, p. 301.)
423Millot pense que c'était une espèce de vielle. Ce serait une horrible cacophonie, que dix-sept cordes de tons différents, touchées à la fois par des roues de vielles. L'un des dessins de la Danse aux aveugles, manuscrit du quinzième siècle, qui est à la bibliothèque impériale, représente une femme tournant de la main gauche une roue attachée par son centre à une colonne, et dont deux jantes paraissent porter des cordes tendues dans leur longueur; elle tient de la main droite une longue baguette appuyée sur son épaule, mais dont on peut croire qu'elle frappe de temps en temps les cordes tendues sur les deux jantes de la roue. La Borde, qui a fait graver très-imparfaitement ce dessin dans son Essai sur la Musique, t. I., p. 275, ne dit rien de cette roue, sinon que c'est un instrument circulaire qui lui est inconnu. Ce serait peut-être la roue à dix-sept cordes dont il est ici question. Si, ce qui est plus vraisemblable, la Roue, ou Rote, était en effet une vielle, il y a ici erreur de nombre. Le texte copié par Millot portait peut-être avec ses sept cordes, au lieu de avec dix-sept cordes; et l'on conviendra que ce serait encore beaucoup.
424Espèce de musette, selon quelques-uns, ou plutôt instrument à cordes qui s'accordait fort bien avec la harpe, comme on le voit par ces vers du Dante, cités par La Crusca, dans son Vocabulaire, au mot Giga: E come giga ed arpa, in tempra tesaDi molte corde, fan dolce tintinnoA tal da cui la nota non è intesa.Parad., c. 14.
425Millot, loc. cit.
426Voyez sa Vie dans Nostradamus et dans Crescimbeni, Vie 26; Millot, t. II, p. 266.
427Millot, ub. supr., p. 290.
428Le désir de comparer deux grands hommes a fait, dit Gibbon, que plusieurs historiens ont noyé Frédéric dans le Cydnus, où Alexandre s'était imprudemment baigné. Mais la marche de cet empereur fait plutôt juger que le Saleph, dans lequel il se jeta, est le Calycadnus, ruisseau dont la renommée est moins grande, mais le cours plus long. Decline and fall, etc., chap. 59, note 26. Ferrari, dans son Dictionnaire géographique, au mot Calycadnus, n'appelle point ce fleuve Saleph, mais Saleseus ou Salès, fleuve de Cilicie, qui traversait la ville de Séleucie, et se jetait dans la mer entre les promontoires Sarpédon et Zéphyrium.
429C'est-à-dire, l'accueil honorable, le salut, la manière de témoigner le respect et les égards. Quelques-uns lisent l'ourar, comme Voltaire dans le chapitre 82 de son Essai sur les Mœurs, etc., où il donne, par erreur, Frédéric II pour auteur de ce couplet, au lieu de Frédéric I: cela signifierait alors l'industrie, la manière d'ouvrer du Génois; mais l'autre leçon est préférable; il n'est ici question que des avantages extérieurs et des manières.
430On ne sait ce que signifie cette perle julienne.
431La main et la figure, la ciera.
432Roger Bernard III. Voyez Millot, t. II, p. 470.
433Guillaume de Baux. Voyez idem, t. III, p. 52.
434Voyez Crescimbeni, Giunta alle vite de' poeti provenzali, où il le nomme Guillaume VIII; et Millot, t. I, p. i.
435Voyez Crescimbeni, Vie XLI; Millot, t. I, p. 54.
436Le premier vers de ce sirvente est: Ja nus hom pris non dira sa raison. Le roi dit dans une autre couplet: Or sachan ben mos homs e mos baronsAnglez, Normans, Peytavins e GasconsQu'yeu non ay ia si povre compagnonQue per aver lou laissesse' en prison. Ce langage est plus français que provençal; et l'on voit que Richard était plutôt un Trouvère qu'un Troubadour.
437Ils n'y avaient gagné que le ravage de leurs terres, Richard les ayant abandonnés, et eux n'étant pas assez forts pour résister seuls au roi de France.
438Voyez, sur le dauphin d'Auvergne, Crescimbeni, Giunta alle Vite, etc.; Millot, t. I, p. 303.