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Histoire littéraire d'Italie (3

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Outre Sigismonde et Guiscard, Dryden a encore imité du Décaméron, Théodore et Honorie, aventure plus bizarre qu'intéressante, dont les acteurs n'ont pas les mêmes noms dans Boccace 109; et Cimon et Iphigénie 110, autre aventure toute romanesque, mais qui ne manque pas d'intérêt. Il a très-bien connu, et franchement déclaré la source de ces deux fictions comme de la première; mais il n'a pas connu de même l'origine d'une fiction plus importante, dont il a fait un petit poëme en trois livres, sous le nom de Palémon et Arcite. Il l'a tirée du vieux Chaucer, dont il a rajeuni quelques autres fables. Il avait espéré, dit-il, pouvoir lui en attribuer l'invention 111; mais il a été détrompé en lisant à la fin de la septième Journée du Décaméron que Fiammette et Dionée chantent les aventures de Palémon et d'Arcite. Il en conclut que cette histoire était écrite avant Boccace, mais que le nom du premier auteur est inconnu. Nous avons vu ce que c'est que Palémon et Arcite et pourquoi Dionée et Fiammette chantent leurs aventures; Arcite et Palémon sont les deux héros du poëme de la Théséide. Chaucer avait tiré leur histoire de ce poëme de Boccace, que Dryden apparemment ne connut pas. Il ne connut pas davantage le Filostrado; et voici ce qui le prouve. Chaucer a fait un poëme en cinq livres, intitulé Troïle et Criséide; Dryden croit que l'ouvrage original dont il l'a tiré fut écrit par un vieux poëte lombard: mais Troïle, fils de Priam, et Chryséis, fille de Calchas sont, comme nous l'avons vu, les deux héros du Filostrato, et Chaucer a suivi de point en point l'intrigue et tous les incidents de ce poëme.

Dryden s'est encore trompé en parlant de Griselidis, la dernière et la plus intéressante de toutes les Nouvelles du Décaméron. Celle fable, dit-il, est de l'invention de Pétrarque; il l'envoya à Boccace, de qui elle parvint à Chaucer 112. Ce qu'il y a de surprenant, ce n'est pas qu'un poëte anglais se soit mépris sur ce point d'histoire littéraire italienne; c'est qu'il lui suffisait de lire Chaucer pour ne pas tomber dans cette erreur. Dans ses Fables de Cantorbery (Cantorbery Tales), ouvrage évidemment calqué sur le Décaméron de Boccace, Chaucer a mis cette Nouvelle sous le titre de Fable du Clerc, parce que c'est un clerc, c'est-à-dire, un ecclésiastique qui la raconte. Voici ce qu'il fait dire à ce conteur dans le prologue 113: «Je vais vous conter une fable que j'ai apprise à Padoue, d'un digne Clerc, connu par ses paroles et par ses œuvres. Il est maintenant mort et cloué dans sa bière: je prie Dieu pour le repos de son ame; ce Clerc était François Pétrarque, poëte lauréat, dont la douce éloquence répandit un éclat poétique sur l'Italie entière 114, etc.» Ce fut vraisemblablement lorsqu'il fit partie d'une ambassade envoyée à Gênes, en 1373, par Édouard III, que Chaucer trouva l'occasion d'aller faire cette visite à Pétrarque, qui approchait alors de sa fin. Il se partageait entre le séjour de Padoue et celui de sa maison d'Arqua. Chaucer arriva sans doute au moment où l'ami de Boccace venait de lire le Décaméron pour la première fois. Il était si enchanté, comme on l'a vu dans sa Vie 115, de cette Nouvelle de Grisélidis, qu'il la récitait à tout le monde, et que, pour le plaisir de ceux qui n'entendaient pas la langue vulgaire, il la traduisit en latin. Peut-être même Pétrarque donna-t-il à Chaucer une copie de sa traduction 116: peut-être enfin est-ce aux éloges que Chaucer entendit un homme de l'âge et de la réputation de Pétrarque faire du Décaméron et de son auteur, qu'il dut la première idée de composer à peu près sur le même dessin, ses Fables de Cantorbéry; c'est ainsi que toutes les parties de l'histoire littéraire se tiennent et s'éclairent mutuellement.

Du Décaméron de Boccace, Grisélidis, ce modèle unique de douceur, de patience et de résignation conjugale, passa dans tous les recueils de Romans et de Nouvelles, fut traduite dans toutes les langues, monta sur tous les théâtres; et sous toutes les formes elle a toujours excité le même intérêt. Mais où Boccace lui-même l'avait-il prise? Si ce fait avait quelque importance, il ne laisserait pas d'être difficile à éclaircir, tant ceux qui ont cru résoudre la question l'ont embrouillée 117! Heureusement il n'en a aucune. Quelque part que Boccace ait puisé le sujet de cette Nouvelle, soit dans un vieux manuscrit français, qu'il est pourtant peu vraisemblable qu'il ait pu connaître, soit dans quelque ancienne chronique qui se sera perdue depuis, soit même dans des traditions orales, dont il fit souvent usage 118, il s'est rendu ce sujet tellement propre, par la manière simple, naïve et touchante de le traiter, que c'est bien réellement à lui qu'elle appartient.

 

Il s'est approprié de même, de quelque source qu'il l'ait tirée, la Nouvelle de Titus et Gisippe qui, dans la même Journée, précède celle de Grisélidis 119, et qui, dans un genre tout-à-fait différent, est peut-être plus intéressante encore. Le Grand d'Aussy veut qu'elle soit la même que le Fabliau des Deux bons Amis 120. Boccace n'y a fait, selon lui, que quelques légers changements. Il en a fait de bien importants à l'original que notre Fablier et lui ont imité chacun à leur manière. Dans le Conteur français, l'un des deux amis est Égyptien, l'autre Syrien, et la scène se passe à Bagdad. Ces circonstances et plusieurs autres, et le caractère même de l'aventure, décèlent une origine orientale 121; mais dans le Fabliau dont le Grand d'Aussy a sûrement conservé ce qu'il y avait de meilleur, il n'y a pourtant d'autre intérêt que celui de l'action même: point de passion, point d'éloquence, point de charme. Tout cela se trouve au contraire avec profusion dans Boccace.

Il a transporté ses acteurs à Athènes et à Rome, sous le triumvirat d'Octave. C'est dans Athènes que Titus Quintius Fulvus, jeune romain envoyé par son père pour étudier la philosophie grecque, devient éperduement amoureux de Sophronie, que son jeune ami Gisippe était près d'épouser. Il veut se laisser mourir plutôt que de trahir l'amitié; mais il ne peut lui cacher son secret. Gisippe le force d'accepter le sacrifice qu'il lui fait de sa maîtresse: il s'agit de décider ses parents, ceux de Sophronie et Sophronie elle-même à ce changement; Titus convoque les deux familles et les réunit dans un temple, où il fait, par un discours public, plein d'adresse et de véhémence, plier toutes les volontés à la sienne. Il épouse Sophronie et l'emmène à Rome. Là, commence une seconde action, suite et complément de la première. Gisippe, ruiné par des troubles civils, exilé, chassé d'Athènes, vient à Rome, se laisse accuser d'un meurtre qu'il n'a pas commis, et condamner à mort sans daigner se défendre. Titus le reconnaît au tribunal, et se déclare auteur du crime pour sauver les jours de son ami. Le débat le plus généreux s'ouvre devant le préteur. La justice est embarrassée et ne sait quel arrêt prononcer. Le vrai coupable, un brigand chargé d'autres crimes, touché de ce spectacle, poussé par sa destinée et par la voix même d'un Dieu qui parle au-dedans de lui 122, se fait connaître au juge et rend la vie aux deux amis. Le triumvir Octave, devant qui la cause est évoquée, les met tous deux en liberté, et le coupable lui-même pour l'amour d'eux.

Toute cette Nouvelle, et surtout dans la première partie, ce monologue passionné de Titus qui se reproche son amour pour la future épouse de Gisippe, et cette controverse si forte et si neuve entre les deux amis, dont l'un veut faire accepter à l'autre le sacrifice de ce qu'il a de plus cher, l'autre se défend de recevoir ce sacrifice, et cède, quand il le reçoit enfin, aux instances et aux ordres de l'amitié plus qu'aux violents désirs de l'amour, et cette harangue solennelle de Titus aux deux familles rassemblées, et enfin le sublime éloge de l'amitié, par où la Nouvelle est terminée, sont peut-être ce qu'il y a de plus éloquent dans le Décaméron entier, et par conséquent dans toute la littérature italienne. La connaissance qu'avait Boccace, et qui était alors si rare, de l'antiquité grecque et romaine, et l'emploi qu'il a fait de ces grands noms et de ces nobles souvenirs d'Athènes et de Rome, rehaussent encore cette Nouvelle, et l'on est tenté de la croire extraite d'un ouvrage ancien qui s'est perdu. Le succès n'en fut pas moindre que celui de Tancrède et de Gismonde. Elle fut aussi traduite en latin par le savant Beroalde 123; elle le fut encore par un jeune cardinal, petit-neveu du pape Jules III, et dédiée par lui à ce pontife 124. Voilà des honneurs sans doute que n'obtinrent et ne méritèrent jamais ces vieux Fabliaux, si vantés lorsqu'ils étaient ensevelis dans la poudre des manuscrits, mais qu'on a discrédités à jamais en les produisant au grand jour.

Ce ne fut pas sans dessein que Boccace termina par une Journée remplie de ses histoires pathétiques et décentes, un recueil où il sentait qu'il avait bien des choses à se faire pardonner. L'ouvrage entier, placé entre la belle description de la peste qui le commence, et la Nouvelle de Griselidis qui le finit, avait en quelque sorte deux sauve-gardes contre la sévérité des lecteurs. C'est l'effet qu'il produisit sur Pétrarque lui-même, qui n'avait eu, il est vrai, le temps que de le parcourir. «Ce qu'on y trouve de trop libre, écrivait-il à son ami 125, est suffisamment excusé par l'âge que vous aviez quand vous l'avez fait, par le style, la langue, la légèreté même du sujet et des personnes qui paraissaient devoir lire un tel ouvrage. Dans un grand nombre de choses plaisantes et badines, j'en ai trouvé quelques-unes de pieuses et de graves. Je ne pourrais cependant en porter un jugement définitif, ne m'étant arrêté particulièrement sur aucun endroit; mais j'ai fait comme ceux qui parcourent ainsi un livre; j'ai lu, avec plus d'attention que le reste, le commencement et la fin. Dans l'un, vous avez, à mon avis, décrit avec vérité et déploré avec éloquence le malheureux état de notre patrie pendant cette peste terrible, qui forme, dans notre siècle, une époque si lugubre et si funeste; vous avez placé, dans l'autre, une dernière histoire, bien différente de plusieurs de celles qui la précèdent. Elle m'a plu, elle m'a touché au point que, parmi tant de sujets d'inquiétude qui me font, pour ainsi dire, m'oublier moi-même, j'ai voulu la confier à ma mémoire, pour me pouvoir procurer à moi-même, toutes les fois que je le voudrais, le plaisir de me la rappeler, et de la raconter à des amis réunis pour causer ensemble, si j'en trouvais l'occasion. C'est ce que j'ai fait peu de temps après; et voyant qu'on avait eu beaucoup de plaisir à m'écouter, il m'est venu dans l'esprit, qu'une histoire si agréable pourrait plaire à ceux mêmes qui n'entendent pas notre langue 126. J'ai donc entrepris de la traduire, moi qui ne traduirais pas volontiers les ouvrages de tout autre que vous, etc.»

 

Il était digne du caractère de Pétrarque et de son indulgente amitié, d'aller au-devant des excuses que pouvait donner son ami pour les libertés qu'il avait prises. Nous sommes convenus cependant, et personne ne peut le nier, que ces libertés étaient un peu fortes. Elles ne se bornaient pas à des anecdotes scandaleuses, racontées souvent avec une franchise d'expression qui serait surprenante dans la bouche de jeunes femmes sages et honnêtes, telles que les dépeint l'auteur, ou de jeunes gens bien nés et attentifs à leur plaire, si ce n'était pas un effet et une preuve de la licence qui régnait alors dans les discours, lors même qu'elle n'était pas dans les mœurs. Ces libertés attaquaient souvent des objets qu'on regardait comme plus sacrés encore que la morale; elles blessaient un sentiment plus susceptible et plus chatouilleux que la pudeur. Je ne parle pas seulement des aventures cyniques, dont les prêtres et les moines sont les principaux acteurs, ni même de certaines diatribes lancées contre les uns et contre les autres, mais principalement contre les moines, telles qu'on en trouve plusieurs, aussi étendues que violentes, dans divers endroits du Décaméron 127: je parle d'attaques plus vives, parce qu'elles sont plus directes, et qu'on ne sait réellement comment concilier avec les opinions religieuses que Boccace, comme Pétrarque, comme Dante, comme tant d'autres grands hommes, conservèrent toujours, au milieu même d'une vie qui n'y était pas tout-à-fait conforme.

Sans se donner la peine de feuilleter, on n'a qu'à ouvrir la première Journée, et en lire de suite les trois premières Nouvelles; on verra dans la première un coquin de Ser Ciappelletto, scélérat impénitent et endurci, qui se moque, au lit de mort, d'un pauvre imbécille de confesseur, lui fait, dans le plus grand détail, une confession niaise, et, après la vie la plus scandaleusement débordée, qu'il couronne par ce dernier acte, meurt en odeur de sainteté, au moyen de cette confession hypocrite, est révéré comme un saint après sa mort, a plus de dévots, plus de neuvaines, et fuit autant de miracles qu'aucun autre. Dans la seconde, un marchand juif, très-honnête homme, mais entêté de ses rêveries hébraïques, tiraillé par un ami pour se faire chrétien, prend le parti d'aller à Rome, afin d'observer de près celui qu'on appelle le Vicaire de Dieu sur terre, et les cardinaux, et toute cette cour. S'ils sont tels qu'il en puisse conclure que la foi du Christ vaut mieux que celle de Moïse, il se fera baptiser; sinon, il restera juif. Son ami craint les suites d'un tel examen, et veut le détourner de ce voyage; mais il n'en peut venir à bout. Le juif, arrivé à Rome, y voit, depuis le pape, les cardinaux et les prélats, jusqu'au dernier des courtisans, un train de vie dont on doit s'attendre qu'il va éprouver un grand scandale, et qui paraît devoir le rendre inébranlable dans sa foi; tout au contraire; de retour à Paris, et interrogé par son ami: Je me rends, dit-il, je ne puis résister à une preuve si forte. Le pasteur et tous les autres, qui devraient être les fondements et les soutiens de votre religion, semblent employer tous leurs soins, tout leur art, tout leur génie pour la détruire. Ils n'en peuvent venir à bout; elle croît sans cesse, et devient chaque jour plus florissante, plus brillante et plus respectée. J'en conclus que c'est Dieu lui-même qui en est le fondement et le soutien. Ma résolution est donc prise; qu'on me baptise et n'en parlons plus.

Enfin, dans la troisième Nouvelle, le sultan Saladin veut éprouver un autre juif, et le prendre par ses paroles pour tirer de lui de l'argent. Il lui demande quelle est celle des trois religions, juive, musulmane, ou chrétienne, qu'il croit être la véritable. Le juif, qui devine l'intention du sultan, se tire ainsi d'affaire. Un homme riche, lui dit-il, avait dans son trésor, entre beaucoup d'autres bijoux, une bague du plus grand prix. Il voulut en perpétuer la propriété dans sa famille, et régla, par son testament, que celui de ses fils, à qui il aurait laissé cette bague ou cet anneau, serait reconnu son héritier, respecté et honoré par ses frères comme leur aîné. Le premier qui en hérita fit de même, le second encore, et ainsi des autres, jusqu'à ce que l'anneau parvint à un homme qui avait trois fils également beaux, également vertueux, également obéissants à leur père, et qu'en récompense il aimait tous également. Ne voulant donner à aucun des trois la préférence, il fit faire par un ouvrier habile, deux autres anneaux si parfaitement semblables au premier, que, ni lui ni l'ouvrier lui-même, ne pouvaient plus les reconnaître. Il donna en mourant à chacun de ses fils, en cachette des deux autres, un de ces trois anneaux. Le père mort, chacun des frères réclama l'hérédité, et présenta son anneau pour preuve. La ressemblance totale des trois anneaux occasiona un procès qui embarrassa tellement les juges, quand ils voulurent décider quel serait le véritable héritier du père, que la cause fut appointée, et qu'elle l'est encore. J'en dis autant, ajouta le juif, des trois lois données aux trois peuples par Dieu leur père. Chacun croit voir son héritage, sa loi, ses commandements; mais lequel les a véritablement? Cette question est encore indécise comme celle des trois anneaux.

L'apologue est ingénieux et l'allégorie sensible. Il n'y a point là d'impiété, mais seulement une opinion tolérante qui ne pouvait être celle d'un sectateur exclusif d'aucune religion. La tolérance même, et la philosophie, qui n'est autre chose que la tolérance des opinions comme des religions, ne tiendraient pas un autre langage; mais, dans le pays où le Décaméron parut, ce langage devait exciter un grand scandale. En effet, cette Nouvelle et les deux précédentes, et plusieurs autres encore, ont été sévèrement censurées, non seulement en Italie, mais ailleurs; les papistes se sont fâchés des attaques qu'ils ont cru leur être portées, et les hétérodoxes ont encore plus nui à Boccace, en le louant des licences qu'il avait prises avec le clergé romain, comme s'il avait, avant Luther, professé les opinions de ce réformateur. Mais, contre toutes ces accusations, il a eu, dans le dernier siècle, un très-grave et très-zélé défenseur. Monseigneur Bottari, prélat aussi orthodoxe que savant, a fait, dans l'académie de la Crusca, une suite de lectures sur le Décaméron, où il s'est proposé de le justifier pleinement 128. D'après ce courageux apologiste, Boccace, dans la première de ces trois Nouvelles, eut pour but de démontrer combien il est difficile de distinguer la véritable vertu de l'hypocrisie, et combien de faux jugements on porte sur le salut de ceux que l'on voit mourir; il voulut, et ici et dans une grande partie de son ouvrage, dissiper, par son éloquence et par les créations de son génie, des ténèbres et des erreurs qui étaient alors presque généralement répandues. Se moquer des prétendus saints, comme il y en a eu dans différents pays, et M. Bottari en citait un grand nombre, ce n'est pas manquer de respect à ceux qui le sont véritablement. Si, dans la seconde Nouvelle, Boccace porte un rude coup aux abus qui régnaient à la cour de Rome, il est d'accord avec Dante, avec Pétrarque, avec les historiens et presque tous les écrivains de son siècle. Est-ce donc attaquer la foi que de dévoiler les vices et les turpitudes de ceux qui devraient en être les soutiens?

La Nouvelle des trois anneaux a donné lieu à des accusations plus graves, mais qui n'étaient pas mieux fondées. N'a-t-on pas prétendu que Boccace, pour l'avoir faite, devait être réputé le véritable auteur de ce livre Des trois Imposteurs qui a fait tant de bruit dans le monde, sans avoir jamais existé? M. Bottari n'a pas eu de peine à triompher de cette accusation absurde. Quand à l'opinion qui paraît en résulter d'une indifférence totale entre les trois cultes, Boccace, selon lui, a voulu l'avilir et la discréditer en la mettant dans la bouche d'un usurier juif. Au reste, il ne fut pas l'inventeur de ce conte. On le trouve dans l'ancien recueil des Cent Nouvelles, dont une partie avait précédé les siennes 129; il ne fit, disent ses défenseurs, que le revêtir de sa brillante et merveilleuse éloquence 130. Ses vives et fréquentes sorties contre les moines 131 et la peinture qu'il a souvent faite de leurs bons tours 132 l'ont fait accuser d'avoir mal parlé des hommes consacrés à Dieu. M. Bottari, dans ses leçons, ne l'en excuse pas; il croit qu'il est pour cela même infiniment digne d'éloges. Il compare ses plus fortes invectives contre les déportements des moines aux plaintes que les plus saints personnages de son siècle formaient sur le même sujet, et il les trouve entièrement conformes. Il conclut qu'on n'a pas le droit, quand on vit aussi mal, d'échapper à la censure; qu'il ne tenait qu'aux moines de la rendre calomnieuse en vivant bien, et que, s'ils ne l'ont pas fait, c'est leur faute.

Boccace s'est moqué des faux miracles opérés par les fausses reliques. Il a surtout pris à tâche de les tourner en ridicule dans une de ses Nouvelles les plus comiques, ou un certain frère Oignon 133 vient, au nom du baron messire Saint-Antoine 134, patron de son couvent, recueillir les aumônes ou plutôt les libéralités des bons paysans de Certaldo. Pour les rassembler en grand nombre, il promet qu'il leur fera voir et toucher une plume de l'ange Gabriel, restée dans la chambre de la Vierge à Nazareth, après l'annonciation. Or, cette plume, qu'il portait avec lui dans une cassette, était tirée de la queue d'un perroquet, oiseau qui était encore alors très-peu connu en Toscane 135. Deux jeunes gens du lieu, tandis qu'il dîne et qu'il dort, lui jouent le tour d'ouvrir la cassette, d'enlever la plume, et de mettre des charbons à la place. Frère Oignon, qui ne se doute de rien, se rend devant l'église à l'heure marquée, fait sonner les cloches, rassemble autour de lui tout le village, fait sa prière, ouvre sa cassette, et la voit remplie de charbons. On le croirait déconcerté: il ne l'est point du tout. Il lève les mains au ciel, remercie Dieu, referme la cassette, et se met à raconter un voyage imaginaire et ridicule qu'il dit avoir fait de Florence à Jérusalem. Là, le patriarche lui montra toutes les reliques qu'il possédait. Elles étaient innombrables; frère Oignon cite les plus belles: c'était un doigt du Saint-Esprit, aussi entier et aussi sain qu'il fut jamais, le toupet du séraphin qui apparut à S. François, un ongle de Chérubin, quelques rayons de l'étoile qui apparut au mages en Orient, une fiole de la sueur de S. Michel quand il se battit avec le diable, etc. Le bon patriarche voulut bien se détacher pour lui de quelques parties de son trésor. Il lui donna, dans une petite bouteille, un peu du son des cloches du temple de Salomon; il lui donna encore la plume de l'ange Gabriel dont il leur a parlé, et des charbons qui avaient servi à griller S. Laurent. Ces reliques, depuis son retour, ont été éprouvées par des miracles. Il les porte avec lui, tantôt l'une, tantôt l'autre, dans des cassettes toutes pareilles, si complètement pareilles, qu'il lui arrive quelquefois de s'y tromper, et de prendre la plume de l'ange Gabriel pour les charbons de S. Laurent. Cette fois, c'est tout le contraire; mais cela est égal, ou plutôt Dieu lui-même a voulu ce quiproquo. La fête de S. Laurent arrive dans deux jours: c'est le moment où ses reliques peuvent être le plus efficaces: il leur apportera la plume une autre fois. Alors il ouvre la cassette: toutes ces bonnes gens se pressent pour voir les charbons de S. Laurent, et donnent à frère Oignon tout ce qu'ils peuvent pour obtenir de les toucher. Le frère, d'un grand sérieux, prend de ces charbons dans sa main, et sur les gilets blancs, sur les camisoles blanches, sur les voiles blancs des femmes, il se met à tracer de grandes croix noires. Les bons Certaldois ainsi croisés, s'en vont les plus contents du monde. Les deux jeunes gens, qui avaient joué le tour, témoins de la présence d'esprit du moine, viennent l'embrasser, et lui rendent sa plume, qui ne lui valut pas moins l'année suivante que celle-là les charbons.

Le savant prélat Bottari s'est expliqué, dans trois de ses leçons 136, à justifier cette Nouvelle. La véritable intention de l'auteur fut, dit-il, d'ouvrir les yeux de ses contemporains, qui n'étaient rien moins qu'éclairés sur les vraies et les fausses reliques, et qui s'y laissaient tromper tous les jours. Il réunit donc dans une de ses fables toutes les impostures de ce genre qui couraient le monde; et au lieu d'une simple exposition qui eût été sèche et ennuyeuse, il y donna la forme piquante que l'on voit dans ce récit, pour réveiller les esprits, dissiper le sommeil de l'ignorance, et déconcerter les manœuvres de ceux qui abusaient de la simplicité du peuple, en confondant avec la religion les superstitions les plus absurdes. Boccace fut en cela d'accord, à sa manière, non seulement avec de très-saints personnages, mais avec l'autorité même des Pères et des conciles qui se déclarèrent avec force contre de semblables impostures 137.

Malgré les cris des moines et le blâme des amis de la décence des mœurs, le Décaméron, publié par son auteur vers le milieu du quatorzième siècle 138, circula librement en Italie: les copies s'en multiplièrent à l'infini: il fut placé dans toutes les bibliothèques. L'imprimerie vint un siècle après, et, dès 1470, il en parut une édition que l'on croit de Florence 139, une seconde à Venise, l'année suivante, une troisième meilleure à Mantoue deux ans après 140, et, depuis lors, un grand nombre d'autres. Avec les éditions, se multipliaient les déclamations et les prohibitions des moines; avec ces prohibitions, les éditions, mais irrégulières, tronquées, et s'éloignant toujours de plus en plus de la pureté du texte; lorsqu'en 1497, le fanatique Savonarole échauffa si bien les têtes des Florentins, qu'ils apportèrent eux-mêmes dans la place publique les Décamérons, les Dantes, les Pétrarques et tout ce qu'ils avaient de tableaux et de dessins un peu libres, et les brûlèrent tous ensemble, le dernier jour de carnaval; c'est ce qui a rendu si rares les exemplaires de ces premières éditions.

Cependant l'autorité restait muette: vingt-cinq ou vingt-six papes se succédèrent depuis la première publication de ce livre, sans qu'aucun d'eux en défendit l'impression ni la lecture; mais d'éditions en éditions, il n'était presque plus reconnaissable. Malgré les soins de quelques éditeurs plus éclairés ou plus soigneux 141, la corruption du texte paraissait sans remède: les Juntes 142, les Aldes eux-mêmes 143 firent mieux, mais ne firent point encore assez bien. Quelques jeunes lettrés toscans, honteux de laisser en cet état l'ouvrage en prose qui honorait le plus leur langue, se réunirent, rassemblèrent les éditions les moins incorrectes, recherchèrent les meilleurs manuscrits, et produisirent, avec le plus grand succès, la fameuse édition donnée par les héritiers des Juntes, en 1527. Mais pendant le reste de ce siècle, tous les éditeurs ne la prirent pas pour modèle: il y en eut même de fort savants 144 qui prétendirent corriger le texte à leur manière et ne firent que le gâter et le corrompre. Les censures du concile de Trente, les prohibitions de Paul IV, septième successeur de Léon X, et celles de Pie IV, successeur de Paul, y portèrent un autre coup. Il y eut à cette époque, entre les éditions, une lacune de quatorze ou quinze ans. Enfin, Cosme Ier., grand duc de Toscane, demanda au pape Pie V que l'interdit fût levé et qu'on rendit au public la faculté de se procurer ce livre si utile pour l'étude de la langue, et le modèle le plus parfait de l'élquence italienne. Le pape écouta ces représentations, et sans vouloir céder sur les points qui lui paraissaient dangereux, il consentit à des arrangements.

Il s'ouvrit alors une négociation sérieuse et des opérations en règle. Il s'agissait d'un recueil de contes, et l'on eût dit que la cour de Rome et celle de Florence discutaient les intérêts les plus graves. Le grand-duc nomma une commission composée de quatres membres de l'académie de Florence, qu'il chargea de faire au Décaméron les corrections qui seraient indiquées. On choisit un bel exemplaire de l'édition d'Alde Manuce que l'on envoya à Rome. Le maître du sacré palais et un dominicain, évêque de Reggio et confesseur du pape, marquèrent sur cet exemplaire, en présence de Sa Sainteté, tous les endroits qu'ils jugèrent dignes de censure; il y en eut, et en grand nombre, dont la discussion, ou même la simple lecture, dut être plaisante, entre ces trois personnages. Le Décaméron, mutilé par leurs censures, fut renvoyé à Florence, en 1571. Les quatre commissaires, ou députés, passèrent deux ans à défendre, autant qu'ils purent, les passages censurés et supprimés. Pie V mourut; la négociation se suivit avec Grégoire XIII, son successeur; après une correspondance très-vive et très-animée, le texte fixé par les députés florentins, fut approuvé à Rome par les réviseurs. On garde dans la bibliothèque Laurentienne cette correspondance curieuse des commissaires avec Rome, le grand-duc et le prince de Toscane. Le livre fut enfin imprimé à Florence, sept ans après 145; c'est l'édition dite des Députés. Elle est plus conforme que toutes les précédentes au texte original, dans ce que les censeurs ont respecté; mais les retranchements qu'ils avaient faits excitèrent bien des mécontentements et des murmures. On s'en plaignit à Florence en prose et en vers, tandis qu'à Rome on jetait feu et flamme contre les endroits irrespectueux pour l'église et contraires aux mœurs qu'on y avait laissé subsister encore. On demandait à grands cris une seconde correction, et dans l'index publié par le très-scrupuleux pontife Sixte V, il fut expressément porté que le Décaméron serait corrigé de nouveau: ce qui fut exécuté en 1582 146, et ne satisfit pas davantage. Depuis ce temps, on a pris le parti fort sage de ne s'en plus occuper. Les éditions nombreuses qui se sont faites en Hollande, en Angleterre et en France, et les éditions complètes qui avaient, en Italie, précédé les corrections, et celles qui ont été faites depuis, conformément à ces premières, rendent inutiles celles où ces corrections ont été suivies. Vouloir faire du Décaméron un livre entièrement orthodoxe, un livre dont on puisse dire:

La mère en prescrira la lecture à sa fille,

est une entreprise folle, et l'on a bien fait d'y renoncer.

Tel qu'il est, c'est un des monuments les plus précieux qui existent de l'art de conter et de l'art d'écrire. «Cet ouvrage, dit expressément M. Denina, quoique moins grave que la comédie du Dante, et moins poli que les poésies de Pétrarque, a fait cependant beaucoup plus pour fixer la langue italienne. Les écrivains du seizième siècle n'en parlent qu'avec un enthousiasme presque religieux. Mais en mettant à part ce qu'il y a peut-être d'exagéré dans leurs éloges, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'outre l'artifice dans la conduite et dans la composition générale, qui est merveilleux, et qui n'a été égalé par aucun autre auteur de Contes ou de Nouvelles, soit italien, soit étranger, on y voit encore fidèlement représentés, comme dans une immense galerie, les mœurs et les usages de son temps, non-seulement dans les caractères et les personnages de pure invention, mais encore dans un grand nombre de traits d'histoire qui y sont touchés de main de maître 147

109Au lieu de Théodore, c'est Nastagio degli Onesti; et au lieu d'Honorie, la fille de messire Paul Traversaro. Journée V, Nouv. VIII.
110Journ. V, Nouv. I.
111Voyez Préface des Fables ancient and modern., etc., Dryden's works, vol., II.
112Préface des Fables ancient and modern., etc., ub. supr.
113I wol you tell a Tale which that ILerned at Padowe of a worthy Clerk,As preved by his wordes and his werk:He his now ded and nailed in his cheste,I pray to God so yeve his soule reste.Franceis Petrark, the Laureat poeteHighte this Clerk, whose rethoric sweteEnlumined all Itaille of poetrie; etc. Dans les vers suivants, le Clerc anglais, ou Chaucer par son organe, critique le Clerc italien d'avoir commencé son récit par un prologue ou proœmium (a proheme), où il fait une description inutile du Mont-Vésuve, de la partie de l'Apennin qui borde la Lombardie, du Piémont et du marquisat de Saluces. Il traite cette description d'impertinente (me thinketh it a thing impertinent); elle n'est point dans la Nouvelle de Boccace, et c'est une des additions que Pétrarque y fit en la traduisant. (Voyez Fr. Petrarchœ sp. Basil, 1581, in-fol., p. 541). Il y a quelque temps qu'on annonça dans le Publiciste (24 octobre 1810), la traduction prête à paraître d'une Histoire littéraire allemande, très-estimée. On parlait de Chaucer, dans cette annonce, qui n'a rapport qu'à la littérature anglaise; on avouait que ce poëte avait composé ses Fables de Cantorbery, à l'imitation du Décaméron de Boccace; mais on y affirmait très-positivement, que «Chaucer se montre fort supérieur à l'auteur italien, par l'agrément du récit, l'esprit qui règne dans les détails, la finesse des observations, le talent avec lequel il y peint les caractères.» Je ne veux point élever autel contre autel, et soutenir mes Italiens contre les Allemands et les Anglais: Multæ sunt mansiones in domo patris mei. Je crois cependant que Boccace, si recommandable par la beauté du style, l'est peut-être plus encore par ces mêmes qualités que l'on prétend trouver en lui inférieures à ce qu'elles sont dans Chaucer. Je voudrais qu'on nous en eût donné de meilleures preuves qu'un certain portrait d'une None, rempli de traits tels que ceux-ci: À table, elle se comportait en personne fort bien élevée, ne laissait pas tomber un morceau de ses lèvres, et se gardait bien de mouiller ses doigts dans sa sauce; elle savait porter un morceau, et le tenir de façon qu'il ne tombât pas une goutte sur sa poitrine.» Ce sont là de ces peintures de caractères, ou plutôt de ces caricatures très-fréquentes dans les poëtes anglais et allemands, et qu'on ne trouve guère, il est vrai, dans les Italiens, si ce n'est dans le genre Bernesque. Il n'est pas sûr que le bon goût ait le droit de les en blâmer.
114Le texte anglais dit plus énergiquement: Éclaira, de poésie, l'Italie entière.
115Voyez tom. II, p. 431.
116Ce qui est ci-dessus, p. 109 et 110, change cette conjecture en certitude.
117Le Grand d'Aussy ne fait aucune difficulté de dire (Fabliaux, t. I, p. 269), que, «selon le Duchat, dans ses notes sur Rabelais, Griselidis était tirée d'un vieux manuscrit, autrefois de la bibliothèque de M. Foucault, intitulé le Parement des Dames, et que c'est d'après ce témoignage sans doute, que Manni, dans son Illustratione del Boccaccio, en a restitué l'honneur aux Français.» Or, Manni ne fait point cette restitution, et ne cite point le Duchat. Il dit (Istor. del Decamerone, p. 603): «Le fait a été regardé comme véritable par un auteur qui a observé que cette Nouvelle est prise d'un ancien manuscrit intitulé le Parement des Dames, de la bibliothèque de M. Foucault, et que Griselidis vivait en 1025;» et il cite en note, Bouchet, Annal. d'Aquitaine, l. III. Le Grand d'Aussy dit encore: «Philippe Foresti, historiographe italien, donne aussi cette histoire comme véritable.» C'est d'après Manni qu'il le dit; mais sait-on ce que dit Manni? le voici: «Cette histoire est rapportée comme véritable par un historiographe de profession, par le Père Philippe Foresti de Bergame, qui, dans son Supplément des Chroniques, s'exprime ainsi: «Ce trait de patience étant digne de servir d'exemple, comme je le trouve écrit dans François Pétrarque, je me suis déterminé à l'insérer dans cet ouvrage.» Le Père Foresti ne donne ici d'autre garant de l'histoire de Grisélidis, que Pétrarque, c'est-à-dire la traduction latine que Pétrarque avait faite de la Nouvelle de Boccace. C'est donc, en dernière analyse, Boccace lui-même qui est ici le garant de Foresti: la même question de savoir où Boccace avait pris cette histoire subsiste donc toujours, seulement un peu plus embrouillée qu'auparavant. Au reste, ce Foresti, que Le Grand d'Aussy transforme en autorité, était un pauvre moine augustin de la fin du quinzième siècle (mort en 1520, âgé de quatre-vingt-six ans); il donna ce titre de Supplément des Chroniques, à l'histoire générale qu'il fit en mauvais latin, parce qu'il prétendit recueillir tout ce qui était dispersé dans plusieurs autres Chroniques, et suppléer ce qui y manquait. Cet ouvrage fut composé avant 1473. (Voyez Tiraboschi, t. VI, part. II, p. 20), époque où le Décaméron de Boccace n'était imprimé que depuis peu d'années, les premières éditions n'étant que de 1470; et il est naturel de penser que ce bon moine ne les connaissait point. Son Supplément des Chroniques ne fut publié lui-même que vers 1483, à Venise; et malgré le peu d'élégance du style et le peu de critique de l'auteur (Tirab., loc. cit.), il a été réimprimé un assez grand nombre de fois.
118Voyez ci-après, note 4.
119Journ. X, Nouv. VIII.
120Fables ou Contes, etc., t. II, p. 385.
121M. Chénier est du même avis, dans son Discours sur les anciens Fabliaux, imprimé dans le Mercure de France, au commencement de l'an 1810, et qui fait partie d'une Histoire inédite de la Littérature française, dont tous les amis des lettres doivent désirer ardemment la publication.
122I miei fati mi traggono a dover solvere la dura quistion di costoro, e non so quale iddio dentro mi stimola, etc. Bocc., loc. cit.
123Voyez sa traduction, Manni, Stor. del Decamer., p. 562.
124Le cardinal Ruberto Nobili di Montepulciano, V. ib., p. 583.
125Voyez Fr. Petrarchœ opera, p. 540.
126Pétrarque donne une raison de cette idée, qui prouve que Boccace n'avait pris que dans des traditions orales, le sujet de Grisélidis, et que c'était, en Italie, une histoire en quelque sorte populaire. «J'ai cru, dit-il, qu'elle pourrait plaire à ceux mêmes qui ne savent pas notre langue, puisque l'ayant entendu raconter depuis bien des années, elle m'avait toujours plu, et qu'elle vous avait fait, à vous-même, tant de plaisir, que vous ne l'aviez pas jugée indigne d'être écrite par vous en langue vulgaire, et d'être mise à la fin de votre ouvrage, où les règles de l'art enseignent qu'il faut placer ce qu'on a de plus fort.» Ub. supr.
127Journée III, Nouvelle VII; Journée VII, Nouvelle III, etc.
128Cet ouvrage est encore inédit. Manni en avait parlé, Hist. du Décamér., pag. 432; il en avait même inséré deux leçons, pag. 433 à 453. M. Baldelli nous apprend, Illustrazione IV, pag. 322, que l'ouvrage entier existe, et doit bientôt être imprimé; ayant eu communication du manuscrit autographe, il en a tiré les défenses de Boccace, dont je donne ici l'abrégé.
129Voyez ci-dessus, p. 82, note I.
130E solo lo rivestì di splendida e preziosa veste per opera della sua miraculosa eloquenza. M. Baldelli, ub. supr., p. 330.
131Surtout dans la violente invective de Tedaldo degli Elisei, Journ. III, Nouv. VII.
132Entre autres dans les Contes de Maset, Journ. III, Nouv. I; du Frère Albert, Journ. IV, Nouv. II; du Moine de Saint-Brancas, Journ. III, Nouv. IV; d'Alibech et de l'Hermite, ibid., Nouv. X, etc.
133Frate Cipolla, Journ. VI, Nouv. X.
134Del barone messer S. Antonio.
135Perciò che ancora, dit Boccace avec son éloquence accoutumée, non erano le morbidezze d'Egitto; se non in piccola parte, trapassate in Toscana, etc.
136Ce sont deux de ces trois leçons que Manni a publiées, et qui remplissent vingt grandes pages in-4. (433 à 453) de son livre.
137M. Baldelli, ub. supr., p. 334.
1381353.
139Elle est sans date et sans nom de lieu ni d'imprimeur, in-fol., en caractères inégaux et mal formés.
140Mantova, Petr. Adam de Michaelibus, 1472, in-fol. C'est cette édition que Salviati jugeait la meilleure de toutes les anciennes.
141Tels, entre autres, que Niccolò Delfino, patricien de Venise, 1516, Venise, Gregor. de' Gregori, in-4.
142Firenze, Filippo di Giunta, 1516, in-4.
143Venezia, Aldo, 1522, in-4. Cette édition est la meilleure de ce temps, et mérita d'être prise pour base de celle de 1527.
144Tels que le Dolce, dans les trois éditions de Giolito, Venise, 1546, 1550 et 1552; le Ruscelli, Venise, 1552, etc.
145En 1573.
146Le grand duc François Ier. confia cette correction à Leonardo Salviati, qui était alors l'oracle de la langue toscane, et formait, à lui seul, une autorité. Il se donna, dans son édition, des libertés dont personne n'osa le reprendre de son vivant; après sa mort, il n'échappa point à la critique, et Boccalini ne l'épargna pas dans sa Pietra di Paragone; mais les Avvertimenti della lingua sopra il Decamerone, que Salviati fit paraître deux ans après son édition, sont un ouvrage précieux, et vraiment classique pour l'étude de la langue. Sur toutes ces vicissitudes que le Décaméron a éprouvées, voyez le livre de Manni, Istoria del Decamerone, part. III, p. 628 et suiv.
147Vicende della Letteratura, l. II, cap. 13.