Désir Fatal

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Les deux dernières missions qui leur avaient été assignées avaient été si dangereuses qu’elle avait failli se faire tuer les deux fois. Mais c’est Vincent qui a pris les risques à sa place en se rendant pendant qu’elle s’enfuyait. Et chaque fois, il se faisait brutalement tuer. Une fois son corps abandonné quelque part, il revenait toujours complètement guéri.

Du coup, reconnaissant qu’il devenait trop dangereux pour elle de rester dans les parages, Vincent lui avait proposé de l’aider à s’échapper. Et par hasard, leur mission suivante les ramena au musée où ils s’étaient rencontrés. Le travail consistait à voler un appareil censé neutraliser tous les démons qui se trouvaient à une centaine de mètres de lui quand il était déclenché. Et ça, ça les arrangeait bien, en même temps.

Ils avaient prévu, pour cette mission, qu’un seul d’entre eux rentrerait. Leurs espoirs se fondaient principalement sur le fait que quand Vincent donnerait l’appareil à Masters, le démon se concentrerait dessus, mais, comme il s’agissait d’une arme contre ceux de son espèce, il n’irait pas après Lacey tout de suite, ce qui lui donnerait le temps d’aller trouver la formule magique dont elle avait besoin pour contrebalancer la marque qu’il lui avait faite.

Ils étaient parvenus à voler l’objet facilement. Aux yeux de Lacey, celui-ci ressemblait beaucoup à un Rubik’s Cube en métal à dix côtés couverts de symboles dorés au lieu de couleurs. Ils en profitèrent pour assommer les gardes et leur voler leurs armes. C’est à ce moment-là que Vincent se tourna vers elle pour lui faire un joli petit discours d’adieu et un baiser sur la joue.

Les ennuis commencèrent quand ils sortirent du musée pour trouver des maîtres démons qui les attendaient avec toute leur horde. Masters avait beaucoup ri en disant que la marque qu’il avait faite à Lacey l’avait averti de ce qu’elle planifiait… jusqu’au fait qu’elle soit la petite-fille du Caméléon et qu’elle courait vers lui et son coffre-fort, rempli de choses très intéressantes… comme, par exemple, l’âme de l’orbe.

Puis il a hoché la tête en direction de Vincent pour le remercier de ne pas lui avoir dit quels étaient les vrais pouvoirs de la marque.

Elle avait regardé Vincent d’un air accusateur, puis lui avait arraché l’appareil de la main en priant pour qu’il fonctionne au moment où il commencerait à se mettre en marche. C’est parce qu’elle avait gardé en tête une photo du Cube qu’elle parvint sans effort à rapidement en relier les symboles.

Les uns après les autres, les démons se mirent à tomber dans une douleur atroce, mais pas Masters… non, cet enfoiré commençait à marcher droit vers elle avec une lueur enragée dans les yeux.

C’est là que Vincent changea de camp. En effet, elle n’avait pas remarqué qu’il avait pris une vieille lame cachée au même endroit que le Cube. Il l’avait en main et il la tenait contre la gorge du démon. D’un mouvement sec, le démon plongea une main dans la poitrine de Vincent qui lui ressortit par le dos.

- Vas t’en, lui grogna Vincent en fermant les yeux alors que la tête du démon tombait sur le sol.

Puis, les autres démons, depuis leur position allongée, la regardèrent. C’est à ce moment-là qu’elle posa très vite le Cube à ses pieds et fit exactement ce que Vincent lui avait dit de faire… elle courut aussi vite qu’elle le put.

Elle n’avait aucun moyen de savoir si Masters avait dit à quelqu’un d’autre ce qu’il savait d’elle et priait pour que ce fils de pute cupide n’ait pas partagé ses secrets de peur qu’un autre démon le devance dans sa course à l’âme d’orbe légendaire. Ses pensées revenaient vers Vincent, se demandant s’il allait bien ou s’il était torturé pour avoir eu un rôle dans son évasion.

Certes, on ne pouvait pas le tuer de façon permanente, mais elle était bien consciente qu’il y avait bien pire que d’être mort… et être brutalement tué encore et encore faisait partie de ces choses.

Elle regarda son épaule en pensant une fois de plus qu’elle devait absolument trouver ce sortilège pour contrebalancer sa marque et pour que Vincent ne se soit pas sacrifié pour rien. Elle laissa l’eau chaude de la douche laver ses larmes silencieuses en redoublant de détermination.

À l’étage, Ren arrêta soudainement de faire les cent pas et fixa le sol en entendant l’eau circuler dans les tuyaux. Un sourire sournois s’afficha sur son visage quand il réalisa qu’il se tenait juste au-dessus de la salle de bain du bas où se trouvait Lacey. Son regard suivit le bruit jusqu’au mur, où les tuyaux qui faisaient circuler l’eau descendaient jusqu’au sol et entraient dans le bunker.

Elle était sous la douche depuis suffisamment longtemps et il était prêt à reprendre son interrogatoire.

Il marcha jusqu’aux tuyaux et posa une main sur celui qu’il voulait et ferma les yeux, se concentrant sur la température du cumulus. Ses lèvres s’étiraient dans un sourire satisfait alors que du givre commença à apparaître sur le tuyau en laiton se trouvant sous ses doigts. Le cri qui résonna dans le bunker fit sursauter tout le monde, sauf lui.

Dans la douche embuée, l’eau était passée de chaud à glacé en moins d’une seconde, ce qui avait fait bondir Lacey sous le pommeau. Dans sa surprise, elle avait glissé sur le fond de la baignoire en emportant presque le rideau de douche avec elle.

- Lacey ! cria Gypsy avec inquiétude.

Lacey se détacha du rideau de douche et le mis de côté, soulagée de constater qu’il était toujours à sa place.

- Tout va bien, hurla Lacey en concentrant son regard sur le pommeau. Mais il faut que tu changes ton cumulus ! L’eau est passée de chaud à un froid polaire en moins d’une seconde.

Derrière la porte de la salle de bain, Gypsy fronça les sourcils en se demandant ce qui avait pu causer un tel changement de température. Un peu plus tôt dans la journée, elle avait pu prendre une douche sans rencontrer ce genre de problème.

- Je vais demander à Ren de s’occuper de ça, l’informa-t-elle au travers de la porte. Il est assez bricoleur et bien souvent, tout se remet à fonctionner après ses interventions.

Lacey tourna la tête et regarda attentivement la porte. En entendant l’explication de Gypsy, elle sut immédiatement ce qu’il venait de se passer.

- Alors là, c’est la guerre, souffla-t-elle entre ses dents.

Elle n’eut pas le choix et dut rentrer à nouveau sous la douche pour se rincer les cheveux.

Le sourire jusqu’aux oreilles, Ren était juste au-dessus d’elle, assis sur le sol le dos contre le mur. Quelques instants plus tard, il entendit des pas dans l’escalier et ne cacha pas son sourire lorsqu’il vit Nick arriver vers lui.

- J’en étais sûr ! s’exclama ce dernier dans un murmure. Mais je dois admettre que c’était bien vu de ta part.

Ren lui répondit en tapotant le tuyau :

- Je sais… il m’arrive aussi d’avoir de bonnes idées.

Nick fit parcourir une main dans ses cheveux :

- Je vais rester dans les parages… Gypsy vient juste de lui dire que tu aimais bien bricoler.

Le sourire de Ren s’accentua encore plus :

- Rho mince alors ! C’est vraiment dommage !

- On dirait pourtant que tu t’amuses bien, l’accusa Nick.

- En effet, confirma Ren. Je vais maint’nant descendre, histoire de voir si je peux voir quel est le problème du cumulus de Gypsy.

Nick renifla et secoua la tête pendant que Ren retournait au bunker. Il aimait beaucoup le fait que l’attention de Ren soit maintenant concentrée sur Lacey, et non sur Gypsy.

Ren entra dans le salon juste à temps pour entendre la douche s’arrêter de couler. Il regarda Gypsy, qui était assise sur le canapé, le visage figé dans un froncement de sourcils.

- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il en arborant un air innocent.

- Mon cumulus ne fonctionne plus, tout d’un coup, expliqua Gypsy en regardant la porte de la salle de bain. Lacey m’a dit que l’eau chaude est devenue froide comme ça, poursuivit-elle en claquant des doigts.

- Ça craint ! lui rétorqua Ren, ce qui fit que Nick tourna la tête pour qu’elle ne voie pas son sourire apparaître.

Lacey sortit de la douche en frissonnant et se sécha vite. Enveloppant une serviette autour d’elle, elle avança jusqu’au miroir qui se trouvait au-dessus de l’évier et se rendit compte qu’elle avait l’air bien mieux maintenant qu’elle ne se cachait plus sous une couche de saleté et de vêtements beaucoup trop grands pour elle.

Prenant la brosse à cheveux de Gypsy, elle commença à la passer dans ses longs cheveux noirs. Se retournant, elle continua de les brosser tout en ouvrant le coffre… et sourit en voyant tous les vêtements qu’elle avait laissés en partant. Elle se battit contre l’envie de tout jeter en l’air pour pouvoir s’y rouler dedans. Il fallait bien dire que ses affaires lui avaient manqué !

Elle prit une robe pourpre électrique et une paire de sandales noires et les plaça sur le dessus de sa poitrine avec une parure de sous-vêtements. Se retournant face au miroir, elle termina de se brosser les cheveux et reposa la brosse sur le lavabo. La tête penchée d’un côté, elle contempla un moment la petite collection de cosmétiques de Gypsy, et s’efforça de s’en appliquer rapidement pour enfin se sécher les cheveux.

Elle regarda de nouveau dans le miroir et eut le souffle coupé quand elle vit que la marque qui était sur son épaule s’étendait maintenant beaucoup plus qu’avant, et que, à la place de son propre reflet, c’était une silhouette noire qui la regardait. Un véritable cri de terreur lui sortit de la bouche quand cette ombre noir sombre sortit du miroir pour l’atteindre.

Elle trébucha à reculons et faillit se prendre les pieds dans le coffre dans sa précipitation pour l’éviter. Son dos heurta le mur de la salle de bain pendant que des bras trop longs continuaient à tenter de l’attraper et que des lèvres effrayantes se déplaçaient dans un rythme qu’elle pouvait qualifier de sorte d’incantation.

 

Elle fit un bond en l’air quand la porte vola brusquement à l’intérieur de la salle de bain. Ren se tenait debout sur le seuil, suivi par Gypsy. Lacey les regarda avec de grands yeux et voulut crier une fois de plus en constatant que l’image 3D du démon avait disparu et qu’une mince couche de cristaux de glace recouvrait maintenant le miroir.

Le souffle de Ren se figea dans sa poitrine quand il remarqua sa transformation de sale garçon de rue en peau douce et souple aux cheveux soyeux et propres, avec un corps qui lui faisait regretter de ne pas avoir été à la place du savon. Il savait qu’elle était belle, mais il l’avait sous-estimée. Ses yeux rétrécirent immédiatement sur sa serviette qui était légèrement ouverte et qui laissait à sa vue un morceau de mamelon.

Il se força rapidement à détourner ses yeux en suivant son regard vers le miroir et fronça les sourcils en voyant la couche de glace qui s’y était formée. Le miroir choisit ce moment précis pour se fissurer sous la glace en émettant un bruit inquiétant dans le silence.

Les yeux de Lacey s’élargirent devant le regard suspect de Ren et tentèrent rapidement de trouver un moyen de le détourner du miroir.

- Et pour qui tu te prends à défoncer la porte de la salle de bain pendant que j’y suis, hein ? Sale pervers ? lui cria-t-elle tout en se redressant pour remettre sa serviette en place.

- On pensait juste que tu avais un problème, répondit doucement Gypsy.

Lacey soupira longuement :

- Eh bien, comme vous pouvez le voir, tout va bien pour moi. J’ai cru voir un truc bizarre dans la glace, mais c’est tout. Maintenant, excusez-moi, dit-elle en claquant une fois de plus la porte sur Ren. J’t’avais bien dit de ne pas venir me mater, le nargua-t-elle.

- Ren, le réprimanda Gypsy.

Puis elle ferma la bouche en claquant ses lèvres quand elle remarqua son regard dur et déterminé.

Lacey ouvrit la bouche pour crier, mais aucun son ne sortit. Si c’était une guerre personnelle qu’elle avait déclaré à Ren, elle ne parvenait pas à trouver quoi que ce soit qui vaille la peine de le surpasser.

- Putain, qu’est-ce qu’il est canon ! murmura-t-elle en jetant une fois de plus un regard nerveux dans le miroir. Ne se sentant plus du tout en sécurité, elle s’habilla en vitesse.

Ren sourit en entendant ce compliment mais cela ne dura pas longtemps car ses pensées se tournèrent vers le miroir et l'étrange formation de glace. S’il avait rendu l'eau des tuyaux très froide, cela n'aurait pas pu affecter le miroir… ni rien d'autre dans la salle de bain, d’ailleurs. Non... le cri de Lacey avait été aussi réel que la peur qu'il avait lue sur son visage quand il avait ouvert la porte pour la première fois.

Désireux de donner à Ren plus de temps seul avec Lacey pour, espérons-le, allumer l'étincelle qui, comme il pouvait le voir, était déjà là, Nick jeta un œil sur son téléphone portable, puis il se retourna pour regarder Gypsy :

- Tu es prête ? Il est presque neuf heures.

Les yeux de Gypsy s’allumèrent et elle lui sourit, impatiente de débuter son premier jour de travail. Elle était un peu plus que curieuse de savoir comment elle allait s'y prendre pour inviter ses clients non humains, un par un, dans sa boutique lorsqu'ils entreraient en contact avec sa barrière. Ce serait aussi amusant de voir quelqu'un qu'elle connaissait depuis des années essayer d’entrer et de ne pas pouvoir le faire... Au moins, aujourd'hui serait une journée très instructive.

- Eh bien, je suis contente que les humains normaux puissent entrer sans invitation, sinon je devrais rester à la porte toute la journée comme une hôtesse du Wal-Mart. Bonjour, vous pouvez entrer, maintenant ! gloussa-t-elle en balayant sa main devant elle, ce qui fit sourire Nick.

Gypsy regarda Ren par-dessus son épaule :

- Allez, à vous deux d’jouer, maint’nant !

Elle partit en trombe dans les escaliers avant que Ren puisse dire quoi que ce soit.

Les lèvres de Nick se mirent à trembler, mais il ne dit rien non plus en voyant Ren froncer les sourcils. Enfonçant les mains encore plus profondément dans ses poches, il suivit Gypsy à l’étage pour pouvoir mettre en place la pancarte qu’il avait faite pour Halloween. Si la plupart des gens penseraient qu’il ne s’agissait que d’une décoration d’Halloween, elle indiquait clairement : Tous les inhumains doivent demander la permission avant d’entrer. Il avait l’intention de la mettre sur la porte juste au niveau des yeux afin qu’elle soit vue par tout le monde.

Ren se frotta le menton en regardant attentivement la porte de la salle de bain. Il avait raison quand il pensait que Lacey portait avec elle un vaporisateur de parfum quand elle s’était introduite dans les locaux, la veille. Maintenant qu’elle venait de se doucher, il pouvait sentir sa véritable odeur.

Il pouvait également sentir sa peur, associée au son de sa respiration saccadée alors qu’elle se hâtait de s’habiller. Elle lui avait encore menti. Ce qu’elle avait vu dans ce miroir lui avait vraiment fait peur et il était bien conscient que lui demander ne lui ferait pas forcément de bien. C’est à ce moment-là qu’il décida que la coupe était pleine.

Sortant son téléphone portable de sa poche, il composa le numéro de Storm. Il attendit et sourit lorsque son interlocuteur décrocha à la moitié de la première sonnerie.

- Je vais voir si je peux te trouver Zachary, lui dit Storm en raccrochant brusquement.

Ren n’eut même pas le temps de lui parler. Cela ne l’étonna même pas de voir apparaître les deux hommes dans le salon de Gypsy.

- Mais, bordel, Storm ? Pour qui tu t’prends ? se plaignit Zachary en rentrant sa chemise déboutonnée dans son pantalon défait. Il fallait qu’il ait une discussion avec lui sur le fait qu’il se permette de débouler comme ça à n’importe quel moment de sa vie pour le téléporter avec lui n’importe où. Il poursuivit :

- Tu vois pas que j’étais en train de faire quelque chose d’important ?

- Cela ne prendra qu’une minute, dit Ren en souriant rien qu’en pensant à ce que Zachary était justement en train de faire. Il connaissait assez bien le sens de l’humour de Storm pour le savoir… bref, c’était un moment parfait.

Il enleva ses lunettes de soleil et les glissa dans sa poche en se disant qu’il devrait regarder Lacey droit dans les yeux pendant un moment afin d’utiliser le pouvoir du Phénix.

Chapitre 4

Lacey finit de s’habiller en évitant le miroir autant que possible en se plaignant au fond d’elle-même. Pourquoi ce type a-t-il insisté pour venir à sa rescousse ? Elle allait très bien, merci beaucoup. Bien sûr, elle avait eu ses moments d’angoisse, mais elle s’en était bien sortie. Son irritation l’avait vidée. Et comme elle savait que les démons l’avaient trouvée, elle se dit que ses jours étaient comptés et qu’elle n’aurait sûrement pas le temps de prendre sa revanche.

Elle ferma le coffre et l’enfonça dans un coin avant de contourner le mur pour pouvoir rester hors du reflet du miroir et d’atteindre tranquillement la porte.

Le sourire de Ren devint carrément méchant quand la poignée commença à tourner et il se téléporta directement devant la porte de la salle de bain. Il ne la laissa pas faire plus d’un pas avant de tendre rapidement une main pour lui prendre le front tout en lui serrant l’arrière de la tête de l’autre main pour qu’elle reste immobile.

Inclinant la tête en l’air, il se pencha en avant et planta son regard de mercure dans le sien.

Lacey entrouvrit la bouche pour lui hurler dessus, mais sa voix lui fit soudainement défaut quand elle vit de sombres flammes éclater dans ses beaux yeux argentés. En un instant, les flashes de certains événements qui se sont produit au cours de l’année dernière commencèrent à courir si vite dans sa tête qu’elle eut du mal à les suivre. Le flot d’émotions qui suivit ces visions l’accablait.

Effrayée par ce qu’il lui arrivait, elle tenta de sortir de l’étreinte de Ren, mais son esprit s’engourdit et elle ne pouvait plus bouger.

Ren tenait encore Lacey alors qu’une multitude de souvenirs inondaient son esprit en lui laissant tout voir, et même éprouver certaines émotions qui les accompagnaient. Son entêtement l’empêcha de tomber à genoux par terre. Il vit tout, à partir de sa rencontre avec Vincent, jusqu’à sa vision de la créature passant à travers le miroir de la salle de bain.

Il se mit à respirer lourdement du nez en voyant ses moments intimes avec Vincent, ressentant une jalousie presque aveuglante teintée de haine envers l’homme qui l’avait mise dans cette situation dangereuse. Comment osait-il la toucher si tendrement après lui avoir montré un tel mépris ?

Las d’en avoir autant vu, il relâcha Lacey dans un grognement sévère qui fut immédiatement suivi d’une fissure bruyante qui résonna dans le calme de la pièce.

Sa tête claqua d’un côté quand sa paume heurta son visage. Il savait qu’il l’avait bien mérité, mais il n’avait aucune raison de s’excuser pour cette intrusion.

- Sale connard ! Comment oses-tu me faire ça ? enragea Lacey.

Voyant les flammes disparaître de ses yeux d’argent, elle sut tout de suite qu’il avait pu parcourir ses souvenirs un par un.

- Pour qui tu t’prends, hein, en te permettant d’envahir mes pensées de la sorte ?

- Ah, tu vois, c’est ce genre de réactions auxquelles je fais face, moi aussi, ajouta Zachary dont le visage se fendit d’un grand sourire.

Lacey regarda autour de Ren pour voir qui avait parlé mais elle n’aperçut que deux autres hommes qui semblaient s’être désagrégés dans les airs.

- Pourquoi ? Hein ? insista Lacey en rejetant complètement le fait qu’elle venait de voir deux personnes téléportées hors de la pièce, comme transportées vers leur vaisseau mère. Ça ne la dérangea pas autant que le fait que l’homme qui était face à elle venait de lui voler tous ses secrets.

- Et tu as le culot de me traiter de voleuse ?

Ren la regarda avec une expression stoïque :

- Tu ne m’en aurais pas parlé, de toute manière, et pourtant, rappelle-toi bien que… j’ai quand même eu la gentillesse de te poser la question plusieurs fois. Tu ne m’as pas laissé d’autre choix que de faire appel à un ami très puissant pour m’aider à obtenir les réponses dont j’avais besoin. D’ailleurs, c’est une bonne chose, parce que tu t’es empêtrée dans un tas de problèmes.

- C’est à moi de régler ces problèmes, et pas à toi, répliqua Lacey.

Il se pencha vers elle et sourit quand elle recula contre le cadre de la porte.

- Pour ton information : ici, tout le monde n’est pas méchant. On pourrait même t’aider à te sortir de ce pétrin.

Il arqua un sourcil sombre avant de remettre ses lunettes de soleil.

- Je suis désolée si je suis un peu nerveuse à l’idée de faire confiance aux gens en ce moment… surtout s’il s’agit d’un démon, dit Lacey qui aurait préféré qu’il retire ses lunettes de soleil. Tu peux certainement comprendre pourquoi.

- Je pourrais te confier un de mes secrets les plus précieux, si ça peut t’aider à te sentir mieux, proposa Ren calmement. Je suis un humain, mais je possède la capacité de… copier… ou plutôt, de prendre les pouvoirs des créatures paranormales, dans la mesure où elles restent dans mon éventail de succubes.

Lacey fronça les sourcils :

- Succubes ? Je croyais que ce terme ne s’appliquait qu’aux créatures de genre féminin… en fait, je sais bien qu’il s’agit des femelles, mais du coup, ça ne fait pas de toi un incube ?

Ren secoua la tête :

- Je ne suis pas un véritable succube, c’est juste que nous avons toujours appelé cela comme ça, sachant que je semble aspirer n’importe quel pouvoir de nulle part quand quelqu’un en a assez en lui pour que je puisse le faire. Et ce n’est pas par choix non plus… ça arrive, que je le veuille ou non. Et si je suis entouré de plus d’une de ces créatures, alors je puise plus qu’un seul type de pouvoir.

- Tu es donc un voleur, souligna Lacey avec un sourire satisfait.

Le sourire de Ren concordait avec le sien, mais il corrigea très vite son hypothèse :

- Je ne peux pas leur enlever leur pouvoir, mais je peux les égaler, ce qui est très utile lorsque je me retrouve contre l’un d’entre eux.

 

- Si tu ne sais pas vraiment ce que tu es, comment sais-tu que tu n’es pas un démon, ou du moins un peu comme un métis ? demanda-t-elle curieusement.

- Parce que le sang des démons est noir, dit Ren en se rappelant la façon dont Vincent avait gagné sa confiance.

Il jeta un coup d’œil sur le coupe-papier placé sur le bureau de Gypsy. En le saisissant, il se trancha la paume et lui fit voir la couleur cramoisie qui avait eu le temps de perler quelques secondes avant que la plaie ne commence à guérir.

Les muscles de l’estomac de Lacey se serrèrent à la vue de cette blessure qu’il s’était auto-infligé. Elle regarda rapidement son visage, se sentant coupable de lui avoir fait faire ça juste pour lui prouver qu’il ne mentait pas. D’une certaine façon, il lui rappelait Vincent… humain ou pas.

- Et comme tu peux le voir, je saigne très bien, et mon sang est rouge, dit Ren en remettant le coupe-papier sur le bureau. Je suis complètement humain tant qu’il n’y a que des humains à proximité… mais hélas, il se trouve que c’est la guerre contre les démons, ici à Los Angeles. Cet endroit grouille de démons et d’autres créatures paranormales en ce moment. Je connais même quelques Dieux qui traînent dans les parages. Mes pouvoirs ont tendance à changer à mesure qu’ils entrent et sortent de mon champ de portée.

- Mais pourquoi tu me dis tout ça ? demanda Lacey qui savait très bien que c’est quelque chose qu’il aurait dû garder pour lui… du moins, c’est ce qu’elle aurait fait.

- Prends ça comme une sentence de t’avoir arraché la vérité en la retirant de tes souvenirs. Je suis désolé d’en être arrivé là, lui dit Ren de manière très honnête. Je sais que je peux être un vrai salaud, mais sache simplement ceci : je vais faire de mon mieux pour te protéger si tu me le permets. Cela signifie que la prochaine fois que quelque chose sort d’un miroir pour te sauter dessus, ne mens pas… mais appelle-moi.

Lacey cligna des yeux lorsqu’il dit « appelle-moi » et son esprit vacilla :

- Tu ne peux pas lire mes pensées en ce moment, hein ? demanda-t-elle en sentant la chaleur monter sur ses joues.

Ren fronça les sourcils et essaya d’entendre ce qu’elle pensait, mais tout ce qu’il trouva n’était que du silence. Puis il réalisa qu’elle avait plus qu’une marque sur le corps. Il l’avait vu quand elle avait presque perdu sa serviette dans la salle de bain. Il se demandait quels autres secrets elle cachait.

- Le petit symbole tatoué juste sous ton sein gauche est en fait une barrière qui empêche les autres de lire tes pensées, dit-il en réalisant subitement pourquoi il pouvait maintenant entendre celles de Nick sans aucun problème, mais qu’il ne pouvait pas entendre celles de Lacey même en se concentrant.

Alors qu’elle fixait Ren, Lacey sentit ses joues s’embraser sans pouvoir décider si c’était parce qu’elle était excitée ou énervée. Pas besoin d’être un génie pour comprendre quelles étaient ses intentions quand il est entré dans la salle de bain. Elle avait même juré avoir vu l’argent de ses yeux briller au travers de ses lunettes de soleil alors qu’il la regardait pendant que son rythme cardiaque accélérait.

- Dans ce cas… je suis heureuse de constater que ce tatouage fonctionne, parvint-elle à articuler avant de lui tourner autour pour sortir le coffre de la salle de bain.

Elle allait bientôt mourir, mais elle devait ranger ses vêtements et en plus, elle ne pouvait pas rester là à le regarder toute une journée… et bizarrement, tout ça l’excitait drôlement.

Comme il n’entendait plus rien d’autre, Nick s’éloigna du haut de l’escalier, point de vue d’où il pouvait tout entendre, et alla dans la partie principale du magasin, où il sourit en levant le pouce à l’attention de Gypsy, ce qui la fit sourire affectueusement.

Il jeta un coup d’œil dans le magasin pour compter le nombre de clients qui naviguaient dans les rayons. Jusqu’à présent, il y en avait cinq et elle n’avait pas eu à les inviter. Il garda les yeux sur la leader du groupe Wicca qui s’approcha de Gypsy pour savoir si la commande qu’elle avait effectuée la semaine dernière était arrivée.

Gypsy se rendit dans l’arrière-boutique et il la suivit au cas où le paquet soit lourd mais il s’arrêta dans son élan quand il entendit la sonnette. Son sixième sens était bien plus élevé que celui d’un humain, et Nick dut réprimer son grognement tout en se retournant pour voir deux démons derrière la porte.

Et même s’ils ressemblaient beaucoup à des anciens militaires avec leurs coupes de cheveux et leurs expressions sévères, il était récemment devenu un pro pour repérer les démons. Comme des vampires sans âme, leur odeur les trahissait toujours.

Un très beau jeune homme entra dans le magasin avant de faire une pause. Regardant ses deux compagnons par-dessus son épaule qui étaient encore debout juste sur l’extérieur du seuil, il voulut rire quand il les vit regarder juste devant eux sur le sol, l’air agité.

Voyant qu’ils le regardaient d’un air accusateur, il se contenta de sourire et de hausser les épaules en disant :

- Désolé les gars.

Il pouvait dire qu’ils savaient qu’il n’était pas désolé du tout vu la façon dont ils le dévisagèrent, mais à vrai dire, il ne s’en souciait pas du tout.

Les ignorant, il se retourna et laissa son regard parcourir le magasin pour tenter d’y trouver le vieux bonhomme ou sa petite-fille.

Nick se plaça debout sur toute sa stature et glissa une main dans la poche de son trench où la doublure de la poche était découpée, lui donnant un accès facile à d’autres choses cousues dans le cuir. Il avait là tout un petit arsenal discret d’armes qu’il n’hésiterait pas à utiliser sans attirer l’attention des autres clients.

Il suivit l’homme qui se dirigeait vers le comptoir et remarqua qu’il ne regardait rien d’autre dans le magasin. Nick avait l’impression que l’étranger n’était pas là en tant que client et que ses chiens de garde démoniaques qui le regardaient à travers la fenêtre n’étaient pas un bon signe pour le retour de Gypsy dans le monde des affaires.

L’étranger regarda curieusement Gypsy qui sortait de l’arrière-boutique une boîte en main pour se rendre à l’autre comptoir où une femme l’attendait.

Nick changea de place, pour se mettre entre Gypsy et cet homme étrange qui la regardait.

- En quoi puis-je vous aider ?

L’homme le regarda une fois de plus d’un air ennuyé. Il détestait s’adresser au videur du magasin, mais il n’était pas intimidé non plus. Il fouilla dans la poche intérieure de sa veste pour en sortir une enveloppe.

- Je ne suis qu’un messager et ne veux aucun mal à qui que ce soit. J’ai une invitation pour le propriétaire de cet établissement.

Nick saisit l’enveloppe, mais l’homme la lui retira pour la remettre dans sa veste.

- Elle est uniquement à l’attention du propriétaire, lui dit l’étranger avec un accent anglais et un haussement de sourcil élégant.

Nick inspira profondément mais ne sentit qu’une odeur d’humain. Il se retourna et se pencha contre le comptoir, regardant en arrière les deux démons qui regardaient l’étranger avec des yeux sombres.

- Vous êtes en étrange compagnie, pour un humain, commenta Nick qui ne s’attendait pas à obtenir de réponse de sa part. Il n’en eut pas, d’ailleurs.

Gypsy regarda par la fenêtre et vit les deux hommes fixer le magasin au lieu d’y entrer. Elle tourna immédiatement son regard en direction de Nick, le trouvant avec un homme qu’elle n’avait jamais vu avant.

Il arborait une soyeuse chevelure d’ébène légèrement bouclée qui lui atteignait presque les épaules et une épaisse boucle d’oreille en or. Ses joues bronzées étaient nues, mais il avait une moustache et un bouc bien rasés de même largeur, ce qui fait que ses lèvres parfaites semblaient encadrées. Et la perfection ne s’arrêtait pas là : elle avait remarqué ses longs cils foncés par-dessus son regard brun sombre qu’elle jugea comme étant langoureux.