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Childéric, Roi des Francs, (tome premier)

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CHANTS GUERRIERS
 
Où sont-ils ces beaux jours de gloire,
Ces jours de force, de valeur,
Où digne enfant de la victoire,
Des miens je surpassois l'ardeur?
Pourquoi faut-il de la vieillesse,
Eprouvant la lâche foiblesse,
Loin des combats et des dangers,
N'attendre la mort qu'avec peine,
Et tomber ainsi qu'un vieux chêne
Que déracine un vent léger?
 
 
Honneur au héros qui succombe,
Et qui, vainqueur dans les combats,
Descend fièrement vers la tombe
Où la valeur guide ses pas.
Il ne verra point sa vieillesse
Dans une honteuse foiblesse,
Loin de la gloire et du danger,
N'attendre la mort qu'avec peine,
Et tomber ainsi qu'un vieux chêne
Que déracine un vent léger.
 
FIN DU LIVRE QUATRIÈME

CHILDÉRIC.
LIVRE CINQUIÈME

SOMMAIRE DU LIVRE CINQUIÈME

Viomade reconnoît dans le vieillard, qui est aveugle, un des compagnons de Draguta; il demande l'hospitalité, qu'il n'obtient qu'avec peine; il est conduit par Gelimer dans sa grotte, où il fait un repas depuis long-tems nécessaire. L'espoir se glisse dans son cœur; il découvre le javelot de Childéric; sa joie égale sa surprise. Son entretien avec Gelimer sous les chênes. Un jeune chasseur paroît, c'est Childéric, qui s'élance dans les bras de Viomade. Leurs transports. Alarmes de Gelimer. Le jeune prince, dont il ignoroit la naissance, lui expose les motifs de son silence, et le rassure. Ils rentrent dans la grotte; là Viomade raconte à Childéric tous les événemens qui l'intéressent, lui fait sentir combien son retour en France est nécessaire pour contenir les troupes et l'ambition d'Egidius; lui peint la douleur que son absence cause au roi, la mort d'Aboflède. Childéric verse des larmes, et l'heure du sommeil interrompant cet entretien, le prince conduit Gelimer sur la couche sauvage, et partage la sienne avec Viomade.

LIVRE CINQUIÈME

Tandis que le vieillard chantoit, Viomade qui suivoit sa voix, s'étoit approché et l'examinoit; à son habillement, à ses traits, il reconnut bientôt un des compatriotes de Draguta, succombant sous le poids des années, et réchauffant aux rayons du soleil ses membres glacés. Comment a-t-il pu apprendre la langue inusitée dans sa patrie? sans doute c'est lui qui a gravé l'inscription que vient de lire Viomade; un sentiment confus s'empare de son cœur; cependant il demande avec confiance l'hospitalité. Aux premiers sons de sa voix, le vieillard a frémi, un terrible courroux a enflammé tous ses traits. Qui es-tu? s'écrie le Hun palissant; qui es-tu, ô toi qui osa approcher de la caverne de Gelimer? Viens-tu pour en troubler la paix? viens-tu persécuter un malheureux vieillard que le tems accable, privé de la clarté des cieux et sans défense? Rassurez-vous, reprit Viomade; je suis moi-même un malheureux égaré; la faim me tue; secourez ma misère; accordez-moi un peu de nourriture et quelques heures de repos, ensuite je continuerai ma route. Oh! reprit Gelimer, il fut un tems où la plainte du malheureux parvenoit vîte à mon cœur, où je lui tendois les bras, plein de confiance et d'humanité. Dans ce tems, je ne les connoissois pas encore ces hommes si méchans; ils ne m'avoient point banni de ma patrie comme un criminel, séparé de mon épouse et de mon fils; je n'avois pas, sur une autre terre, retrouvé d'autres barbares. J'avois encore des yeux pour interroger ceux de l'homme, pour lire sur son front, siége de l'ame. Tu me trompes, cruel étranger; ta voix me semble celle des destins, et tes paroles ont l'accent sinistre du chant de mort; oui, tu viens ici conduit par la haine, tu viens me dérober mon trésor! O vieillesse douloureuse! odieuse impuissance! ô rage et désespoir inutiles! A ces mots, Gelimer penche sa tête et paroît accablé de sensations terribles; Viomade respectant sa douleur, en laisse calmer les trop vifs ressentimens. Alors le vieillard reprenant la parole ajouta: Ces lieux sont éloignés de toute habitation, aucune route n'y conduit; comment, malheureux, les as-tu découverts? Parle; quel étoit ton dessein? Ah! si tu es un Franc, si tu viens dans de barbares projets, fuis cruel, fuis la caverne de Gelimer! il recevroit plutôt tous les monstres affamés des bois, qu'un de ces Francs qu'il abhorre. D'où venois-tu, quand tu as parcouru la route ignorée de ma sombre retraite? Pourquoi, comment se peut-il que tu y sois parvenu? que venois-tu y chercher? Hélas! j'aurai confié mes jours et mon bonheur aux entrailles de la terre, et les hommes ne me laisseront pas mourir paisible! J'aurai creusé le sein des rochers pour y cacher mes derniers jours, et leur barbarie viendra m'y poursuivre! Eloigne-toi, te dis-je; ne m'adresse pas des paroles trompeuses; on ne trompe plus Gelimer. Je ne puis m'éloigner, reprit Viomade, décidé à demeurer auprès de cet homme extraordinaire, et à se procurer, par adresse ou par force, une nourriture dont il a besoin, et des renseignemens auxquels il a confiance, sans trop s'en rendre raison. Je ne puis m'éloigner; mes forces sont épuisées par la faim, j'ai perdu mes flèches pendant le dernier orage, et je n'ai pu chasser; j'expire, si tu me refuses des secours; je vais attendre la mort à tes côtés. Oh! cruel, dit Gelimer avec un geste passionné, tu le sais, tu le sais donc que le mortel jeune et bienfaisant doit venir bientôt, qu'il aura pitié de ta peine et horreur de mes refus? Eh bien! puisqu'il le faut, aide-moi à me soulever, et regarde là-bas; en face de ces chênes qu'entoure un banc de mousse, tu dois apercevoir l'entrée d'une caverne dont les arbrisseaux cachent une partie; c'est-là qu'il faut guider mes pas, c'est-là que je t'offrirai la nourriture des sauvages habitans des cavernes et des déserts. Viomade, toujours appuyé sur la branche d'arbre qu'il a arrachée pendant l'orage, soutient les pas chancelans du vieillard, et parvient à une grotte spacieuse et charmante, qu'il trouve remplie de meubles et d'objets inconnus dans ces climats. Sur une table sont des viandes cuites; dans un vase d'une terre argileuse et durcie au feu, il trouve un vin de fruit excellent, des gâteaux faits de différentes sortes d'amandes, du miel et des fruits secs. Viomade s'attendoit peu à des mets si abondans, et qui lui paroissent si étrangers à ces climats; il admiroit l'intérieur de la grotte, que tapissoient les longs rameaux toujours verds du Tuga de Chine, les branches piquantes et ornées de leurs grappes rouges du buisson ardent; un ruisseau limpide traversoit la grotte et murmuroit sur de petits cailloux, légers obstacles qui s'opposent foiblement à son cours et irritent ses flots volontaires; deux cavités pratiquées dans l'enfoncement, renferment deux lits de peaux d'ours: ils sont deux, cela est certain. Viomade excité par une secrète espérance, mêle adroitement à l'expression de la reconnoissance, des témoignages d'étonnement sur la langue que parle Gelimer. Je l'appris, lui répondit le Hun, d'un prisonnier fait devant Cologne, à cette fameuse journée qui coûta tant de sang à ma triste patrie. Ce combat fut le dernier où ma valeur s'est signalée. Hélas! depuis ce tems, enchaîné par la douloureuse vieillesse, inutile à ma patrie, séparé de tous les miens, poids honteux que la terre porte à regret, sans la pitié d'un enfant, j'aurois depuis long-tems succombé, et cette terre qui autrefois m'a vu levé, fier et superbe, auroit reçu mes restes inanimés et abandonnés aux monstres des forêts. O empire du tems! que n'ai-je pu t'échapper par une mort glorieuse au milieu des combats, et avant d'être devenu, de vaillant et robuste, foible et languissant. Viomade qui a recueilli chaque parole du Hun, en a reçu une vie nouvelle; l'espoir remplit son cœur: une secrète inquiétude l'agite, il se lève de table, examine chaque meuble, interroge chaque objet, il sent qu'il a raison d'espérer. Cependant rien ne lui avoit encore répondu; il cherche dans les cavités qui recèlent les couches sauvages; celle qu'il examine d'abord n'offre rien à sa curiosité; il s'approche de la seconde, et tombe à genoux muet de surprise, d'admiration; la joie inonde son ame. Là, suspendu à la roche, il voit le javelot même de Childéric; il n'en croit pas ses yeux seuls, ses mains le détachent, ses lèvres le pressent, et des larmes qu'il ne peut retenir tombent brûlantes sur l'arme sacrée. Les mouvemens de Viomade ont échappé à Gelimer; mais surpris et inquiet du silence qu'observe l'étranger, il lui demande fièrement à quoi il s'occupe, et Viomade rougissant du mensonge qu'il prononce, s'excuse en tremblant sur la fatigue et sur le besoin de sommeil qu'il éprouve. Gelimer lui montre son lit; mais avant qu'il y cherche le repos, il se fait conduire sur le banc de mousse et sous les chênes. Viomade libre de s'abandonner aux pensées qui le ravissent, rentre promptement dans cette grotte où il a trouvé le bonheur; il prend encore ce javelot, signal de sa prochaine félicité; il cherche à découvrir quelque autre objet qui confirme son espoir, mais rien ne se présente à ses yeux. Où est-il, ce fils du roi? pourquoi ne se montre-t-il point encore? Gelimer n'a point fixé l'heure de son retour, il l'attendoit pourtant; mais il tarde trop à l'impatience de Viomade: il ne peut demeurer plus long-tems dans l'inaction, il sort de la grotte et va voler sur les pas du jeune prince; mais s'il s'égare, si en s'éloignant il perdoit l'instant du retour? Ces craintes l'arrêtent, il revient sur ses pas et va s'asseoir près de Gelimer, dont il espère obtenir quelques détails. Mais à son approche le Hun a frissonné, une vive terreur s'est peinte sur son visage, il est demeuré triste et rêveur; revenant à lui: Etranger, dit-il, te voilà reposé, prends dans ma caverne tout ce qui peut t'être nécessaire, prends mon arc et mes flèches, choisis dans tout ce que je possède ce qui peut servir à ton voyage; mais au nom de l'hospitalité même, quitte ces lieux dans l'instant. En vérité, je ne le puis, répondit Viomade; mes pieds sont tellement douloureux, qu'il me seroit impossible de suivre mon chemin. Ah! Gelimer, permettez que je reste encore. Fatal étranger, reprit le vieillard, tu abuses de mon triste sort. O dieux de ma patrie! protégez-moi. Alors s'éloignant de Viomade autant que le permet le banc sur lequel ils sont assis, posant sa tête sur ses mains, il paroît réfléchir profondément. Interrompant tout-à-coup sa rêverie: Quel âge as-tu, dit-il à Viomade? J'ai vu cinquante fois la saison de Mars, reprit le brave. Age terrible, s'écria Gelimer avec violence; âge où l'homme est ennemi cruel de l'homme, où il a déjà perdu sa franchise, sa candeur; où le feu des passions délicieuses ne le brûle plus, où il connoît et jouit de la vengeance, de la rapacité, de l'ambition; âge où encore dans toute sa force, il n'est plus sensible, où tous les secrets mobiles des hommes lui sont connus, où enfin, refroidi par la jouissance, détaché par la réflexion, il cesse d'espérer, parce qu'il a cessé de croire; il cesse d'aimer, parce qu'il n'estime plus; où il cesse d'être heureux, parce que, privé des illusions qui enchantent les premières années de la jeunesse, il marche avec la vérité austère, vers le triste but de la vie. Mais, ô dieux! ajoutoit-il avec une émotion plus douce, et se parlant à lui-même: il ne vient point, celui dont l'approche éloigne de moi les souvenirs déchirans et les noirs soucis, tel qu'un vent léger écarte loin du soleil les sombres nuages; il ne vient pas celui dont la voix douce comme le chant de l'oiseau matinal, réjouit mon cœur, y porte la paix, le réchauffe d'une vive amitié. Tcie, ô mon cher Tcie! où es-tu? O toi! encore aux beaux jours de la candeur et de la bonté, hélas! tu subiras la loi immuable du tems, de ce tems qui détruira tes vertus, comme il altèrera ta beauté; tu seras coupable, tu deviendras vieux. Oh! puisse l'ange de la mort te frapper brillant encore de jeunesse et d'innocence!

 

Viomade écoutoit cet homme extraordinaire, il s'étonnoit de ses discours; il étoit surpris qu'au fond des bois, il eût acquis une si profonde et si triste connoissance des hommes. Il réfléchissoit sur ce qu'il venoit d'entendre, lorsqu'un léger bruit fixa l'attention du Hun; il se leva et étendit les bras vers le petit monticule avec un mouvement passionné. Viomade jeta les yeux sur l'endroit d'où le bruit partoit; il distingua celui d'une marche rapide qui froissoit les feuilles desséchées, et se sentit l'ame bouleversée; cet instant alloit décider de son sort. Bientôt il voit paroître sur la hauteur un jeune homme d'une figure mâle et douce, ses cheveux blonds et bouclés flottent au gré des vents, son arc et ses flèches sont attachés sur ses épaules; il tient deux louveteaux qu'il vient de dérober à leur mère. La jeunesse dans toute sa fraîcheur brille sur son front et anime ses joues vermeilles; c'est Bélénus lui-même qui se montre aux mortels surpris et charmés. Mais Viomade a déjà reconnu Childéric; le jeune prince, frappé à l'aspect d'un étranger, s'étoit arrêté dans le chemin et l'examinoit; tout-à-coup, jetant les louveteaux dont il est chargé, il s'élance, et plus léger que la flèche qui poursuit et atteint l'oiseau, il tombe dans les bras de Viomade en s'écriant: ô Viomade! ô tendre et fidèle ami de mon père! est-ce bien toi que j'embrasse? ô jour heureux qui te conduit vers nous, qu'il soit à jamais cher et sacré! Le brave, trop ému, ne peut répondre; il a voulu se jeter aux pieds du fils des rois, mais Childéric l'a retenu contre son cœur, et l'amour l'emportant sur le respect, le brave a osé presser dans ses bras vainqueurs et fidèles, celui pour qui ils ont combattu, pour qui ils combattront encore. O Viomade! reprit le prince, rassure-moi promptement: comment se porte la reine et mon père? Hélas! que j'ai dû leur coûter de larmes! Le brave, qui veut éloigner encore le récit de la mort d'Aboflède, répondit: Vous connoissez leur amour, vous devinez leur douleur. Mérovée est toujours le plus grand comme le meilleur des rois. J'en rends grace aux dieux qui le protègent, reprit le prince. Mais pendant cet entretien, que devenoit Gelimer? L'infortuné!.. il se livroit à la plus profonde douleur. Childéric s'en aperçut, s'avança vers lui, lui prit la main avec tendresse: ô fils des rois! lui dit Gelimer, tu m'as caché ta naissance; pourquoi? Mon ami, lui répondit Childéric, avant de vous connoître, je craignis d'être livré à Claudebaud; depuis que je vous aime, j'ai cru devoir vous laisser ignorer de quel rang, de quelle fortune je me privois pour vous. Oh! oui, dit Gelimer en l'embrassant, c'étoit bien là ta pensée; ton ame est pure comme le cristal des fontaines; ta bouche n'a jamais proféré le mensonge, la vertu habite ton cœur, un rayon divin t'anime. Ah! tous les hommes naissent bons, ajouta-t-il avec douleur, et se jetant sur son banc de mousse; c'est le tems qui détruit tout.

Viomade, l'heureux Viomade admiroit en silence le jeune et beau prince; on voyoit réunis en lui les traits superbes de Mérovée aux graces d'Aboflède; c'étoit bien le front auguste du roi, ses yeux bleus, altiers et brillans; mais les belles paupières de la reine en voiloient l'éclat, en modéroient l'ardeur; c'est son teint délicat et frais, sa bouche, son délicieux sourire. Childéric a la taille majestueuse du roi, sa marche noble; mais ses mouvemens gracieux et doux rappellent encore Aboflède; il a atteint sa dix-huitième année; il est à cet âge où la beauté s'épanouit chaque jour, où, conservant encore sa fraîcheur et ses graces, l'homme annonce déjà ce qu'il sera dans peu d'années; semblable à la fleur du pommier, qui à peine épanouie, laisse déjà entrevoir le fruit.

Les vents du soir commençoient à agiter la cime des arbres, le jour étoit sur son déclin; Childéric offrit à Gelimer de rentrer dans la grotte; il l'y conduisit lui-même, près de la table où Viomade avoit déjà pris un premier repas; alors Childéric alluma un grand feu devant l'entrée de la caverne, dont il éclairoit et réchauffoit tout l'intérieur; ensuite, ayant couvert la table de différens gibiers et de fruits secs, il se plaça entre Viomade et Gelimer. Ami, dit-il au vieillard, mangez avec nous sans inquiétude; je suis toujours Tcie, le fidèle Tcie. Va, reprit le Hun, je te connois mieux que toi-même, je ne crains rien de toi, ni près de toi; le son de ta voix rafraîchit mon cœur, comme l'eau qui désaltère le voyageur égaré. Près de toi je suis en paix, comme le timide oiseau sous l'aile de sa mère; tu fus le charme de mes yeux, je t'aime avec idolatrie, mais je t'enlève à ton père, au trône. Cher Tcie, voilà à quoi je pense! N'y pensez-pas, mon ami, je vous dois tout; que ce sacrifice est déjà payé! Permettez qu'avant l'heure du sommeil, l'ami de mon père nous raconte comment et par quel événement il a pu parvenir jusqu'à nous. Le Hun y consentit, malgré l'horreur que lui inspire toujours le brave, et la haine qu'il a conçue pour lui.

Viomade commença sa narration au moment où Childéric se présenta à Mérovée devant Cologne; il parla peu de la victoire par égard pour Gelimer, encore moins de la blessure qu'il avoit reçue en sauvant le roi; peignit la douleur de ce tendre père, de la reine, celle de l'armée, la sienne, quand on se fut aperçu de la perte du prince; les soins et les recherches inutiles, la démarche tendrement téméraire de la belle reine, son retour, sa douleur et sa mort. A ce récit, Childéric versa des larmes abondantes; Gelimer en laissa tomber de ses yeux depuis long-tems fermés; il se reprochoit les six années de bonheur dont il avoit joui; tous ces maux étoient son ouvrage, Gelimer le sent et gémit. Viomade reprit son récit, peignit Mérovée souffrant, Egidius aspirant au trône, la trahison de Draguta; enfin, son abandon, la joie qu'il avoit éprouvée en trouvant un chemin, l'hommage qu'il a rendu à la tombe, sa surprise en entendant chanter Gelimer, l'hospitalité qu'il en a reçue. Mais il manqua d'expressions quand il voulut peindre l'émotion que lui avoit causée la vue du javelot qui lui annonçoit son jeune maître; il put encore moins exprimer ce qu'il éprouva à sa vue, ce qu'il éprouve encore de joie et d'amour. On aime les rois, comme on ne peut aimer un homme ordinaire. Il règne autour d'eux une magnificence auguste, un rayon de gloire presque divin. Le cœur se plaît à s'élever avec cet objet qu'il déifie; l'exaltation de ce sentiment, son idolatrie même, ont quelque chose qui entraîne et enflamme; cet amour a un langage particulier, il est plus dévoué, n'ose être tendre, mais il est courageux, intrépide; il sait vaincre, il sait mourir. Tel est Viomade, telles sont les émotions qu'il éprouve, et qu'il n'essaye pas même d'exprimer. Childéric a souvent interrompu son récit; Gelimer s'est tu constamment. L'heure du repos est arrivée; Childéric éteint les feux, ferme la grotte d'une pierre taillée pour cet usage, conduit Gelimer sur la couche sauvage, l'invite au sommeil, lui répète qu'il ne l'abandonnera jamais, et partageant avec son ami son lit de plumes d'oiseaux, et recouvert de peaux d'ours, ils se livrent tous deux au bonheur d'être réunis. Viomade n'eût pas donné l'honneur d'être aussi près de son maître pour toutes les fortunes du monde, et Childéric sent avec joie à ses côtés l'ami de son père. Cependant, ils s'endorment, et le plus profond silence règne dans la grotte.

FIN DU LIVRE CINQUIÈME

CHILDÉRIC.
LIVRE SIXIÈME

SOMMAIRE DU LIVRE SIXIÈME

Gelimer se reproche d'avoir enlevé Childéric à tant de gloire; il l'aime avec tendresse, son cœur est combattu par la générosité et l'amour que lui inspire son élève; il hait Viomade. Childéric raconte ses aventures depuis le jour où il suivit son père à la défense de Cologne. Il dit comment ayant été renversé par le mouvement que fit une partie de l'armée pour voler au secours de son roi, il étoit resté long-tems évanoui, et n'avoit repris ses sens que la nuit; qu'alors il s'étoit trouvé dans une barque. Arrivé sur le bord du fleuve, et éclairé des rayons du jour, il avoit reconnu son ravisseur pour un des ennemis de son père, avoit sollicité sa liberté par des signes, voyant qu'ils ne parloient pas la même langue. L'étranger étoit demeuré inflexible, et l'avoit conduit dans cette grotte, après plusieurs jours de marche. Portrait du généreux Hun. Education du jeune prince. Gelimer obtient de sa pitié et de sa tendresse le serment de ne jamais le quitter, et de ne jamais l'arracher à ses forêts. Childéric passe plusieurs années dans l'espoir de revoir un jour sa patrie. Quels sont ses études et ses plaisirs. Gelimer est tourmenté par ses pensées; il ne sait qui l'emportera dans son cœur de tous les sentimens qui le dévorent. La nuit interrompt le récit du prince.