La prononciation du français langue étrangère

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Niveau de connaissances n Valeur d’exactitude moyenne
1 : Je ne sais pas de quoi il s’agit. 3 0,83
2 : Je sais de quoi il s’agit, mais je n’ai pas vraiment des connaissances. 8 0,96
3 : J’ai quelques connaissances. 37 0,87
4 : J’ai des bonnes connaissances. 37 0,83

Tab. 6 :

Réponse à la question (1), portant sur le niveau de connaissances en phonétique et phonologie, numéro de personnes ayant donné cette réponse et valeur d’exactitude moyenne correspondante.

En résumé, nous pouvons donc constater qu’il ne suffit pas d’avoir de bonnes connaissances théoriques en phonétique et phonologie pour réussir à évaluer de manière plus précise l’intonation d’un.e apprenant.e. Il est probable que cela s’explique, au moins en partie, par le fait que les thèmes de phonétique et phonologie enseignés tant aux enseignant.e.s en formation comme aux étudiant.e.s de linguistique dans le cadre de leurs études universitaires ne touchent souvent que le niveau segmental tandis que les aspects suprasegmentaux tels que l’intonation sont laissés de côté.

5 Discussion et conclusion

Dans la présente étude, nous avons analysé un petit corpus de parole lue produit par des apprenan.t.e.s germanophones monolingues et bilingues (allemand-turc). La comparaison de l’intonation des deux groupes, effectuée au moyen de valeurs de proéminence attribuées à chaque syllabe par le logiciel ANALOR, n’a pas révélé de différences significatives. Cependant, les deux groupes d’apprenant.e.s diffèrent des locuteur/trice.s natif/ve.s surtout par la production fautive d’accents toniques supplémentaires sur les syllabes finales des mots lexicaux. Cela implique que les deux groupes d’apprenant.e.s n’aient pas encore acquis l’unité de base de l’intonation du français, à savoir la phrase accentuelle.

En résumé, les résultats de notre étude empirique montrent que, contrairement aux résultats des études précédentes sur différents aspects de phonologie segmentale, comme, p. ex., le délai d’établissement du voisement (cf. l’état de l’art dans la Section 2), les apprenant.e.s germano-turc/que.s du FLE ne bénéficient guère de leur arrière-plan plurilingue en ce qui concerne la maîtrise de l’intonation de la langue cible – contre notre attente. Comme l’ont montré les analyses effectuées sur un petit corpus de parole lue, notre hypothèse d’un transfert positif de la langue d’origine vers le FLE ne pouvait être corroborée que dans une mesure très limitée, puisque les mélodies légèrement plus proches de la langue cible produites par les bilingues ne correspondaient pas à des différences significatives. Un avantage bilingue général (Wattendorf et al. 2014) n’a pas non plus pu être confirmé. La raison en est, semble-t-il, le fait que non seulement les apprenant.e.s monolingues allemand.e.s, mais aussi les bilingues mésinterprètent le mouvement F0 ascendant en position finale de la phrase accentuelle du français comme accent final de mot (transfert négatif de l’allemand vers le français).

La tâche d’évaluation du degré d’accent a néanmoins révélé que l’intonation des monolingues (groupe M) est perçue comme étant légèrement plus proche de la cible native et par les évaluateur/trice.s natif/ve.s et par les futur.e.s professeur.e.s. Puisque cette différence ne correspond pas aux valeurs de proéminence mesurées dans les productions des deux groupes, d’autres facteurs, tels que le débit de parole ou de petites erreurs segmentales, doivent en être responsables. Par conséquent, de tels facteurs devraient être pris en considération dans de futures études.

Cependant, notre étude a montré que les productions plus proches de la langue cible sont reconnues comme telles par les enseignant.e.s du FLE germanophones ainsi que par des juges natif/ve.s. Toutefois, les connaissances en phonétique et phonologie semblent ne pas avoir affecté la précision des évaluations. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que dans la plupart des cas la prosodie ne fait pas partie des connaissances fondamentales enseignées dans les cours de linguistique universitaires. Les connaissances auto-évaluées en phonétique et phonologie se réfèrent donc probablement plutôt au niveau segmental.

Par conséquent, il n’est guère surprenant que la formation prosodique joue aussi un rôle plutôt marginal dans l’enseignement du FLE à l’école (cf. aussi Gabriel/Thiele 2017 et Abel 2019). Cependant, nos résultats ont clairement montré que les réalisations plus conformes au modèle natif sont reconnues comme telles par les évaluateur/trice.s (natif/ve.s et non natif/ve.s). C’est ainsi que l’enseignement de la prosodie devrait être intensifié en classe – non seulement au niveau du contraste entre la langue d’enseignement scolaire (l’allemand) et la langue étrangère (le français), mais aussi concernant les langues d’origine très répandues en Allemagne comme le turc. Pour répondre à la question de savoir si la langue d’origine fournit une base pour un transfert positif ou si elle est prosodiquement influencée par la langue sociétale (l’allemand), de futures études devraient également inclure des analyses prosodiques de données de la parole turque produites par les apprenant.e.s multilingues. En fin de compte, il serait également souhaitable de valider les résultats obtenus dans le cadre de notre étude sur une plus grande base de données.

Remerciements

Nous remercions Elissa Pustka et deux relecteur/trice.s anonymes pour leurs commentaires et suggestions sur une version antérieure de cet article. Nous sommes également redevables à Yannic Klamp (Mayence), Bénédict Wocker (Mayence) et Nils Karsten (Amsterdam) pour leur soutien dans la préparation des données brutes ainsi qu’à Élisabeth Delais-Roussarie (Nantes) et Ingo Feldhausen (Nancy) pour leur aide avec le logiciel ANALOR. Finalement, nous tenons à remercier le Bundesministerium für Wissenschaft und Forschung (BMBF) (Ministère fédéral de la Science et de la Recherche) pour le soutien financier du projet MEZ (2014–2019), dans le cadre duquel furent relevés les données des apprenant.e.s. Il va sans dire que toute erreur restante est de la responsabilité des auteurs.

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Les accents natifs et non-natifs du français

Une étude perceptive auprès d’apprenant.e.s du FLE

Karoline Wurzer1, Johanna Wolf (Salzbourg)

1 Introduction1

En théorie, l’inclusion des variétés régionales dans l’enseignement du FLE ne devient pertinente qu’à un niveau très élevé – du moins si l’on croit le CECRL, le cadre européen commun de référence pour les langues (cf. Falkert 2019). Celui-ci ne décrit aucun lien entre l’apprenant.e et les variétés régionales2 du français du niveau A1 à B2. Ce n’est qu’au niveau C1 que la description de la compétence sociolinguistique y fait explicitement référence : « Peut reconnaître un large éventail d’expressions idiomatiques et dialectes et apprécier les changements de registres ; peut devoir toutefois confirmer tel ou tel détail, en particulier si l’accent n’est pas familier. » (Conseil de l’Europe 2001 : 95). Cependant, admettons que les apprenant.e.s soient mis.e.s en contact avec des francophones d’une variété non-standard avant d’atteindre le niveau C1 : comment vivront-ils/elles le décalage entre le français qu’ils/elles entendent et celui qu’ils/elles ont appris ? Est-ce que leur ignorance des variétés du français ne rendrait pas leurs premiers échanges encore plus problématiques, étant confronté.e.s à des difficultés qu’ils/elles ne soupçonnaient pas ?3 Suivant la théorie que la fréquence serait nécessaire à l’acquisition des unités linguistiques (cf. Bybee 2001, Ellis 2002), ne pas être familiarisé.e plus tôt avec les accents4 régionaux pourrait alors entraver sérieusement la conversation avec la bonne majorité, voire la totalité des francophones5. Si cela concerne aussi des régions françaises (puisque la variation géographique y est également présente6), cela serait particulièrement regrettable en ce qui concerne le Québec, l’Afrique subsaharienne et le Maghreb puisque ces espaces francophones hors de France ont beaucoup de poids démographique7. La question de l’intégration de la variation régionale dans l’enseignement du FLE dans les pays non-francophones (germanophones ou autres) est donc très pertinente.

 

En parlant de francophonie, la question de définition de personne native survient rapidement et on constate que ce concept n’est pas très clair. En général, les Français.e.s, les Québécois.e.s, les Belges francophones et les Suisses romand.e.s parlent le français comme L1 alors que le français est la L2 pour la plupart des personnes du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne francophone (cf. les contributions concernant le Maghreb et l’Afrique subsaharienne dans Reutner 2017. Dans ce qui suit, nous regrouperons ces deux groupes (L1 et L2), que nous appellerons francophones ou natifs, et les mettrons en contraste avec un troisième groupe (FLE ; Français Langue Étrangère) : les personnes apprenant le français à l’école comme langue étrangère et vivant dans une région où le français ne sert pas comme langue d’usage, c’est-à-dire qu’il n’est ni langue véhiculaire ni vernaculaire.

Nous affirmons qu’il est crucial d’intégrer la variation dans l’enseignement du FLE ; cependant, avant d’entrer dans la conception didactique des moyens de sensibilisation possibles, il faut une prise de conscience préalable de l’état des choses actuelles. Contrairement à l’anglais (p. ex. Carrie 2017 ; Ladegaard/Sachdev 2006 ; Rindal 2010), il n’existe que très peu d’études traitant de la perception des variétés régionales du français par des apprenant.e.s (Bergeron/Trofimovich 2019 ; Hume/Lepicq/Bourhis 1993 ; Neufeld 1980).

Cette étude vise donc à élargir l’éventail des travaux d’investigation sur ce sujet. Dépassant la question de la compréhension, nous tenterons d’analyser la façon qu’ont les francophones L1-L2 et les apprenant.e.s FLE de percevoir les variétés régionales. Nous interrogerons deux types de normes : les normes explicites sur lesquelles s’appuie consciemment une personne pour décrire la variété la plus correcte ou la plus belle du français ; et les normes implicites, soit les critères inconscients rapprochant ou non une variété de ce même idéal.8 Nous supposons que l’évaluation de stimuli de différentes variétés sera influencée par des stéréotypes et que l’analyse de ces évaluations révèlera les attitudes perceptives inconscientes des participant.e.s. Si les évaluations des francophones s’avèrent plus stéréotypées que celles des apprenant.e.s – c’est-à-dire moins tolérantes aux variétés s’éloignant de l’idéal commun du français parisien –, il faudra réfléchir à des mesures poussant les francophones à percevoir de façon positive la diversité des variétés francophones, que ce soit leur propre variété ou les variétés des autres francophones. Par contre, dans le cas où les apprenant.e.s montrent des évaluations plus négatives que les francophones, il faudra développer des méthodes de sensibilisation dans le contexte du FLE.

Ces réflexions nous amènent à formuler la question suivante, qui nous guidera à travers ce projet et à laquelle nous essayerons de répondre à la fin de cet article (section 6, Discussion) : Qu’est-ce que les évaluations révèlent sur les normes implicites des francophones et des apprenant.e.s ? Les normes implicites convergent-elles avec les normes explicites ?

L’enjeu de ce travail consiste à analyser les évaluations de stimuli natifs et non-natifs9 par (1) un groupe natif et (2) un groupe d’apprenant.e.s (élèves et étudiant.e.s germanophones de FLE). Le but est de pouvoir comparer leurs connaissances des variétés régionales ainsi que leurs représentations mentales (explicites et implicites) des normes de prononciation (cf. aussi Chalier à paraître pour la perception des normes dans la francophonie et Pustka/Chalier/Jansen 2017 pour les représentations de normes de prononciation). Dans le cadre de cet article, nous tenterons donc de répondre aux quatre questions de recherche suivantes :

1 Les évaluations du degré d’accent, de la compréhensibilité, du caractère exemplaire (beau français)10 et de l’acceptabilité d’un accent se distinguent-elles en fonction du niveau de maîtrise du français (juges natifs/natives vs apprenant.e.s débutant.e.s vs apprenant.e.s intermédiaires) ?

2 Est-ce que la capacité à déterminer si un accent est natif ou non-natif dépend du niveau de langue de la personne qui le juge ?

3 Est-ce que la capacité à identifier correctement l’origine géographique d’un accent dépend du niveau de langue de la personne qui l’entend ?

4 Quelles sont les attitudes explicites des apprenant.e.s envers les variétés régionales ?