Pour Toi, Pour Toujours

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CHAPITRE DEUX

La plage était d’une beauté époustouflante sous le soleil. Emily avait du mal à croire qu’il fasse si beau à cette époque de l’année. Il faisait aussi chaud et c’était aussi lumineux que n’importe quel jour d’été.

Ils se promenaient ensemble, laissant les deux chiens en liberté pour qu’ils puissent courir devant eux et aboyer sur les vagues.

Une fois qu’ils eurent trouvé un bon endroit pour s’installer, Daniel aida Emily à se mettre par terre. Elle s’assit jambes croisées, son ventre rond blotti confortablement entre ses cuisses. Chantelle s’était éloignée, pleine d’exubérance vis-à-vis de ce qui semblait être leur dernière chance de profiter de la plage cette année.

Daniel prit la main d’Emily et la caressa tendrement.

— Que penses-tu de ma promotion ? demanda-t-il. Tu t’inquiètes des heures supplémentaires qui me garderont loin de chez nous ?

— Eh bien, de combien de temps parlons-nous ? demanda Emily. Elle était maintenant prête à en savoir plus sur les subtilités, à envisager les défis auxquels ils pourraient être confrontés.

— Jack ouvre le magasin à huit heures, commença-t-il. Ce n’est pas le problème, vraiment. J’ai l’habitude de commencer mes journées tôt et ça ira bien avec les horaires de l’école. C’est l’atelier de menuiserie qui est le plus gros problème. Il y a des moments où nous recevons une grosse commande et où nous n’avons pas beaucoup de temps pour l’exécuter. Avant, quand je n’étais qu’un salarié, je n’en étais qu’un parmi tant d’autres et, tout au plus, cela ajoutait une heure ou deux de plus à chaque journée de travail. Nous pouvions répartir la charge. Mais comme c’est moi qui superviserai l’utilisation de l’équipement et qui serai le seul responsable de la qualité, je vais devoir être sur place pour chaque commande, et tout suivre jusqu’à son terme, tout comme Jack le faisait auparavant. Tu sais à quel point les journées pouvaient être longues de toute façon. Maintenant, je ne ferai plus partie de l’équipe. J’en aurai la charge, et on attend de moi que je sois là pendant les périodes d’activité intense.

Plus Daniel en parlait, plus Emily sentait son anxiété augmenter. La promotion tombait plutôt mal. L’idée que Daniel ne soit pas là quand le travail commencerai l’inquiétait. Et le congé paternité ? Pourrait-il en obtenir un ?

Mais au-delà de son anxiété, elle débordait de bonheur pour lui. Elle était aussi extrêmement fière de Daniel et ne voulait pas le décourager. Il avait tant accompli depuis qu’elle l’avait connu. Et en plus, elle avait Amy là pour prendre le relais.

— Je suis juste si heureuse pour toi, dit-elle. Tu le mérites, après tout ton travail acharné.

— L’augmentation nous serait à coup sûr utile, répondit Daniel, sa main libre touchant doucement le ventre d’Emily. Puisque nous aurons bientôt plus de bouches à nourrir.

Emily sourit et soupira de satisfaction. Malgré les difficultés auxquelles elle était confrontée, elle attendait impatiemment l’avenir et de rencontrer la petite Charlotte.

Quand Daniel reparla, il eut l’air un peu mélancolique.

— Plus de responsabilités, c’est plus de stress. J’espère que j’aurai encore assez d’énergie pour passer du temps avec les enfants.

— Tu feras des merveilles, l’encouragea Emily. Je sais que tu le feras.

Même si elle était mesure de jouer le rôle d’épouse supportrice à l’extérieur, Emily était toujours très inquiète concernant le changement de poste de Daniel. Il avait tendance à laisser le stress l’affecter, ou à se sentir accablé par les attentes qu’il percevait. C’était quelque chose qu’elle admirait chez lui. Mais cela pouvait aussi se faire au détriment de la famille, car il avait parfois l’impression de devoir faire passer tout le reste du monde avant eux. Il n’était pas toujours aisé pour Emily de se rappeler que la raison même pour laquelle il faisait parfois passer d’autres choses en premier, c’était pour elles – elle, Chantelle, l’auberge et, bien sûr, la petite Charlotte.

— Je me demande pourquoi Jack n’a pas promu l’un des autres, se demanda Daniel à haute voix. Je suis relativement nouveau là-bas comparé à certains des anciens.

— Probablement parce que tu es jeune, dit Emily. Parce que tu travailles dur pour ta famille. Ou peut-être parce qu’il sait que tu as le talent pour le faire tout seul.

Daniel fronça les sourcils.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Je veux dire que tu pourrais facilement ouvrir ton propre atelier de menuiserie. Ce n’est pas comme si nous n’avions pas l’espace nécessaire quelque part sur place. On pourrait convertir une des granges, après tout. Et maintenant tu as une sacrée expertise dans la fabrication de meubles. Je veux dire, tu as fait le berceau pour Charlotte pendant ton temps libre et il est phénoménal ! Les gens paieraient cher pour quelque chose comme ça, un berceau unique pour leur bébé. Tu n’as qu’à regarder le prix de ma chaise d’allaitement pour voir ça ! Elle rit en se souvenant des milliers de dollars qu’Amy avait dépensés pour le fauteuil à bascule et le pouf pour elle.

Daniel, d’un autre côté, était silencieux. Son expression était un peu rêveuse et lointaine.

— À quoi penses-tu ? lui demanda Emily.

Il reprit ses esprits.

— Je pense juste que tu as peut-être raison de dire que Jack m’a promu pour me garder au lieu de me perdre.

— Que j’ai peut-être raison ? plaisanta Emily. J’ai tout à fait raison ! Tu pourrais diriger une entreprise de fabrication de meubles sur mesure pour enfants. Ou tu pourrais même construire des bateaux si tu le voulais. Tu as le talent pour faire tout ce que tu veux.

C’était si évident pour Emily, mais Daniel avait l’air stupéfait, comme si cette pensée ne lui avait jamais traversé l’esprit.

— Je n’y avait jamais vraiment pensé de cette façon, dit-il. C’est juste un boulot pour moi, tu sais.

— Juste un boulot ! Tu es parfois trop humble pour ton propre bien, poursuit Emily. Combien de personnes ont ce genre de capacités, d’après toi ? Tu as du talent, Daniel. Tu dois juste penser plus grand parfois.

Au lieu d’être encouragé par ses paroles, Daniel parut alors se rétracter.

— Je vois grand, marmonna-t-il, sur la défensive. Je ne suis juste pas aussi bon que tu sembles le penser.

— Ce n’est pas que moi, lui dit Emily, doucement. Jack le pense clairement aussi.

Elle n’avait pas eu l’intention d’insister si fort. Elle voulait seulement que Daniel comprenne qu’il avait un talent et que cela pouvait le mener loin. Mais il semblait fléchir, se dégonfler sous le poids de sa perception.

Silencieusement, il tourna le visage vers le sable, puis se mit à ramasser des cailloux et à les jeter sur la plage.

C’est à ce moment-là que le portable d’Emily se mit à sonner. Elle soupira, d’un côté soulagée d’avoir été sauvée par le gong, mais de l’autre frustrée d’être privée de la chance d’aller au fond de l’apparent changement d’humeur de Daniel.

Elle fouilla dans son sac et attrapa son téléphone portable. Avec surprise, elle vit que l’appelant était l’agent immobilier responsable de l’île. Il lui clignotait comme un phare.

— C’est eux ! s’exclama-t-elle à haute voix, sentant l’excitation monter dans sa poitrine.

Daniel leva brusquement les yeux de là où il avait jeté des cailloux. De la rive, Chantelle se retourna au son de la voix d’Emily.

— C’est le courtier !

Emily appela Chantelle à l’autre bout de la plage.

Les deux chiens reflétaient les mouvements de Chantelle, tous les trois traversant la plage en direction d’Emily, soulevant des nuages de sable derrière eux.

Une fois arrivée à Emily, Chantelle s’arrêta en dérapant et les chiens coururent autour d’eux en cercles, l’eau de mer salée imbibant leur fourrure, tout en jappant, leur sens instinctif de compréhension leur indiquant que quelque chose d’excitant allait se produire.

Emily répondit à l’appel, le souffle court, et mit directement le haut-parleur. La famille se pressa en avant, regardant le téléphone avec impatience. C’était comme si le petit bloc de plastique tenait tout leur avenir en son pouvoir.

— Nous sommes tous là, expliqua Emily. Sur des charbons ardents. Alors, quelles sont les nouvelles ?

Depuis qu’ils avaient fait leur offre, Emily s’était préparée au pire. En fait, elle s’était convaincue que cela ne se réaliserait pas, qu’ils n’auraient pas l’île. Ce n’était pas le genre de chose qui arrivait aux gens normaux. Mais malgré qu’elle se soit répétée à maintes reprises que cela n’arriverait pas, elle n’avait pas réussi à étouffer ce petit soupçon d’excitation en elle, cette lueur d’espoir qui défiait la partie pessimiste de son esprit avec le simple mantra, et si… ?

Le courtier parla, la voix crépitante sur la ligne.

— De bonnes nouvelles, dit-elle. Votre offre a été acceptée. L’île est à vous !

Emily ne pouvait pas croire ce qu’elle venait d’entendre. Les parasites sur la ligne lui avaient-ils fait entendre ce qu’elle voulait ? Mais quand elle regarda Daniel dans les yeux, elle les vit scintiller de surprise et d’euphorie. Lorsque Chantelle bondit dans les airs et se mit à sautiller en agitant les bras, Emily sut qu’il n’y avait aucun doute.

Les chiens commencèrent à aboyer face à l’agitation de Chantelle, bondissant avec leurs pattes détrempées, laissant des marques de sable mouillé partout sur ses vêtements.

— Vraiment ? bégaya Emily en s’efforçant d’entendre la ligne crépitante à travers le vacarme. On l’a vraiment ?

— Vous l’avez vraiment fait, répondit le courtier. Emily pouvait entendre le sourire dans sa voix. Bien sûr, il y a encore des papiers à signer et à remplir. Mais vous êtes la bienvenue pour une visite en attendant. Elle finit avec un petit rire.

 

Emily était si stupéfaite qu’elle en avait perdu ses mots. Daniel prit le relais, se penchant plus près du téléphone portable entre eux.

— Vous voulez dire qu’on peut y aller maintenant ? demanda-t-il, le regard fixé sur Emily plutôt que sur le téléphone. En tant que propriétaires officiels ?

Depuis le haut-parleur, la voix du courtier se fit entendre, petite et robotique.

— Vous pouvez le faire.

Chantelle s’accroupit alors et passa les bras autour du cou de son père, si exubérante qu’elle le fit presque tomber par terre.

— On va sur l’île maintenant ? lui cria-t-elle à l’oreille.

Daniel grimaça, mais il arborait un grand sourire. Les bras de Chantelle étaient enroulés autour de son cou comme les tentacules d’une pieuvre et il leva les mains pour desserrer sa prise tout en levant les sourcils vers Emily.

— Qu’en penses-tu ? Et si nous y allions pour la voir en tant que ses propriétaires ?

Emily toucha son ventre, sentant la forme de la petite Charlotte à l’intérieur. Elle devenait de plus en plus protectrice au fil des semaines, et ne voulait pas soumettre son enfant en pleine croissance à quoi que ce soit de désagréable. Mais la mer était calme aujourd’hui, et elle était certaine qu’elle n’aurait pas le mal de mer pendant le trajet.

— Allons-y, dit-elle.

Chantelle cria avec joie.

Daniel se pencha vers le téléphone, criant presque maintenant à cause du bruit des chiens et des enfants, tandis que Chantelle le tirait sans ménagement dans tous les sens tant elle était excitée.

— Vous nous avez rendus extrêmement heureux, dit-il au courtier. Merci pour tout.

— De rien, monsieur Morey, répondit le courtier.

Ils raccrochèrent et Emily et Daniel se rassirent avec les expressions stupéfaites équivalentes, tous deux l’air aussi étourdis l’un que l’autre alors qu’ils commençaient à intégrer leur nouvelle réalité. Chantelle courait à toute allure, jetant leurs affaires n’importe comment dans un sac, se déplaçant comme si elle était en avance rapide.

— Allez, gémit-elle. Allons-y !

Daniel passa à l’action, se mit debout et aida Emily à se relever. Le port était à une courte distance à pied, mais Emily savait qu’elle devait y aller doucement. Chantelle courut devant avec les chiens, s’arrêtant périodiquement pour se dépêcher de revenir, doublant ainsi la distance qu’elle parcourait par rapport à Daniel et Emily.

En chemin, ils croisèrent Cynthia et Jeremy, sortis pour une balade à vélo.

— On a acheté une île ! les appela Chantelle à leur passage en leur faisant signe de la main.

Cynthia fronça les sourcils.

— On aurait dit que tu avais parlé d’une île ? répondit-elle.

— C’est ça ! cria Chantelle en sautillant.

Emily rit. Personne n’allait croire ce qu’ils avaient fait, qu’ils s’étaient acheté une île au large du Maine ! Elle avait du mal à le croire elle-même.

— Regarde, c’est Amy et Harry ! cria alors Chantelle.

Emily plissa les yeux devant elle et vit que le couple amoureux était assis ensemble sur un banc au bord du port, en pleine conversation. On aurait dit que c’était quelque peu intense, avec Amy penchée et qui faisait de grands gestes, Harry secouant la tête catégoriquement avec ce qui semblait être une expression sévère sur son visage. Emily se demanda encore une fois ce qui se passait avec eux. Elle avait vraiment l’impression qu’ils se disputaient.

— Vous pensez qu’ils voudront venir voir notre île ? demanda Chantelle.

Emily était sur le point de lui dire de les laisser tranquille, mais avant qu’elle n’ait eu une chance de répondre, Chantelle s’était déjà dépêchée de détaler. Chantelle était en mission et Emily était trop lente pour la rattraper.

Elle vit Chantelle les atteindre et les regarda s’écarter brusquement, choqués par l’interruption. Elle ne pouvait rien entendre de cette distance, mais elle pouvait voir les faux sourires sur leurs visages, et les regards tendus cachés dans leurs expressions.

Au moment où elle et Daniel arrivèrent jusqu’au trio, Chantelle avait déjà annoncé la nouvelle. Amy se retourna et étreignit Emily.

— Tu es folle, tu sais ça ? dit son amie. Une île ?!

— C’est une extension de l’auberge, essaya d’expliquer Emily.

— Mais tu viens juste de réparer la maison de Trevor, dit Amy en riant. Et il y a encore le spa à ouvrir, et le restaurant.

D’un geste, elle désigna Harry, qui serait le gérant du nouveau restaurant une fois qu’il aurait ouvert. Leurs regards se croisèrent, leurs sourires clairement dessinés, puis Amy détourna de nouveau rapidement les yeux. Pas assez vite pour qu’Emily ne s’en rende pas compte. Elle connaissait son amie par cœur. Il se passait définitivement quelque chose entre elle et Harry. La facilité qui existait habituellement entre eux semblait forcée. Elle se demandait ce que cela pouvait être.

Soudain, Chantelle interrompit la conversation avec des cris passionnés.

— Allez, allez, allez, allez ! Elle avait clairement perdu patience concernant la conversation “ennuyeuse” des adultes et tirait sur la main d’Amy. Est-ce qu’on peut aller sur l’île maintenant ?

Daniel s’adressa à Harry.

— Vous êtes tous les deux les bienvenus pour venir avec nous. Puisque tu es pratiquement un des employés maintenant, c’est logique que tu sois là !

Harry sourit.

— J’ai hâte d’assister à l’inauguration de chez Trevor, dit-il. Je suis prêt à m’y attaquer !

— Heureuse de l’entendre, répondit Emily, rayonnante. Alors, qu’en pensez-vous ? Excursion sur l’île ?

Elle n’était pas certaine que l’invitation serait la bienvenue, d’autant plus qu’elle avait déduit qu’ils avaient interrompu une dispute, qu’Amy au moins n’était manifestement pas d’humeur, mais Harry parla le premier, en l’interrompant avant qu’elle n’ait eu la chance de décliner.

— Absolument, dit-il. Nous n’avons rien d’autre à faire aujourd’hui, n’est-ce pas, Ames ?

Amy jeta rapidement un coup d’œil à Harry, et Emily vit l’exaspération dans ses yeux à propos de ce qui avait été laissé en suspens entre eux.

— Bien sûr, répondit Amy, le ton trop jovial, comme si elle était heureuse pour tous les autres. Elle sourit à Emily, mais ne put cacher la peine dans ses yeux à sa meilleure amie. Son sourire vacilla comme si elle avait réalisé qu’on l’avait surprise en train de faire semblant. Au moins, son bonheur paraissait authentique lorsqu’elle lança un bras autour des épaules de Chantelle, pensa Emily.

— Autant voir dans quel pétrin tu t’es fourrée ! Elle regarda Emily par-dessus la tête de Chantelle.

“Ça va ?” articula silencieusement Emily à Amy.

Amy hocha de la tête une fois, d’un air décidé, puis répondit de la même manière, “Plus tard”.

Quelle que soit l’ambiance qu’Emily avait décelée entre Harry et Amy, elle avait eu raison de penser qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Elle s’inquiétait pour son amie et était déterminée à se retrouver seule avec Amy afin d’aller au fond des choses.

Mais pour l’instant, Emily choisit de se concentrer sur son propre moment de bonheur, un voyage en bateau avec ses amis et sa famille vers l’île de leurs rêves.

CHAPITRE TROIS

Le soleil étincelait à la surface de l’eau tandis que le bateau fendait les petites vagues. Ils dansaient sur l’eau et Emily serrait son ventre, protectrice. Heureusement, elle n’avait pas le mal de mer.

— Je ne pense pas que nous ayons jamais eu autant de monde sur le bateau avant, fit remarquer Chantelle. Quatre adultes, un enfant, deux chiens. Et un bébé dans le ventre de maman, bien sûr.

Emily rit.

— C’est une sacrée aventure, dit-elle.

Amy resta silencieuse pendant le trajet, les bras croisés autour de sa taille, le visage tourné vers l’océan. Son expression était celle d’une profonde contemplation. Elle était clairement perdue dans ses pensées, et Emily se demanda à nouveau ce qu’elles étaient. Être sur l’océan, Emily elle-même l’avait découvert, invitait au mieux à une réflexion tranquille, et pouvait facilement mener l’esprit à une crise existentielle. Elle observa son amie avec anxiété.

Harry, par contre, soit n’avait rien en tête, soit était très doué pour le cacher. Il discutait ouvertement avec Daniel et Chantelle au sujet des types de poissons qui pouvaient être pêchés dans l’océan, de leurs plans pour l’île et de la navigation en général.

— Maintenant que nous avons une destination à atteindre en bateau, cela arrivera beaucoup plus souvent, disait Daniel. Nous transporterons des gens ici tout le temps, pour des fêtes et des pique-niques.

— Ça a l’air génial, dit Harry de son habituelle manière joyeuse.

Chantelle regardait son père avec beaucoup d’attention.

— Pouvons-nous fêter Thanksgiving ici ? demanda-t-elle, les yeux écarquillés.

— J’en doute, répondit Daniel. Il faudra beaucoup de temps pour installer le puits, résoudre le problème de la plomberie et des générateurs solaires pour l’électricité. C’est beaucoup plus que quelques mois de travail, et les conditions hivernales qui s’annoncent bientôt n’aideront pas. Désolé, petite, il y a trop à faire d’ici Thanksgiving pour que ce soit possible.

Chantelle fit la moue, l’air abattue.

— Mais nous pourrons visiter l’île autant que le temps nous le permet, lui dit Emily. Et comme on ne tournera plus en rond, mais qu’on aura un endroit où aller, je pense qu’on pourra sortir plus souvent qu’avant.

Chantelle réfléchit un instant à ses paroles, puis son expression redevint joyeuse.

Emily sourit à Daniel. Il semblait soulagé qu’elle ait si bien géré la situation et Emily en ressentit une grande fierté. Son instinct maternel semblait s’aiguiser à mesure que la date de son accouchement approchait.

Au bout d’un moment, ils atteignirent l’île et l’ancienne jetée qui était à peine encore debout. Le panneau décoloré qui annonçait que l’île était à vendre se tenait toujours là.

— Tu peux commencer par le mettre par terre ! dit Emily à Chantelle.

Chantelle n’eut pas besoin de se le faire dire deux fois. Elle sauta du bateau, courut jusqu’au panneau et l’arracha.

Pendant qu’il amarraient le bateau, Daniel désigna d’un geste une pile de vieux cageots de pêche.

— Mets-le ici. On peut faire un feu de joie.

L’idée d’un feu de joie semblait ravir Chantelle. Elle sautillait avec excitation.

Emily descendit prudemment du bateau sur la terre ferme, essayant d’assimiler l’étrange réalité, le fait qu’elle possédait maintenant cette île, qu’elle était sienne. Contrairement à l’auberge dont elle avait hérité et à celle de Trevor, dont elle avait héritée et qui était entrée en sa possession par testament, c’était la première chose qu’elle avait vraiment achetée, elle et Daniel ensemble. C’était la leur, et l’écrasante pertinence de cela la frappait encore plus profondément maintenant qu’elle se tenait sur ses rives.

Derrière elle, Amy et Harry descendirent du bateau. Ils arboraient tous les deux des expressions perplexes tandis qu’ils parcouraient des yeux l’île sauvage et envahie par la végétation, les débris éparpillés des années passées. Amy, en particulier, devait penser qu’Emily était devenue folle en achetant cette parcelle de terre déserte, entourée par l’océan, remplie d’écureuils et d’oiseaux. Si elle pensait que Sunset Harbor n’était pas civilisé, que devait-elle penser de l’île ?

— Je sais qu’il n’y a pas grand-chose à voir, pour l’instant, avoua Emily. Mais il y a tellement de potentiel.

— Bien sûr, répondit Amy, l’air troublé alors qu’elle marchait doucement sur le sol accidenté. Ses vêtements haute-couture semblaient plus déplacés que d’habitude.

— Vous voulez une visite ? demanda Emily.

Harry hocha de la tête avec enthousiasme, mais Amy n’émit qu’une faible confirmation désintéressée.

— Je vais vous montrer ! s’écria Chantelle.

Elle montra le chemin, se dirigeant vers les arbres avec Harry et Amy sur ses talons. Leurs pas et leurs voix bruyantes perturbaient les écureuils noirs qui habitaient l’île, les faisant se précipiter dans les arbres.

Pendant qu’Emily marchait après eux, plus lentement à cause de son dandinement de femme enceinte, elle pouvait entendre Chantelle faire des annonces avec excitation.

 

— Nous allons avoir une cabane dans les arbres ici, leur dit Chantelle. Ce sera un bateau pirate dans lequel Charlotte et moi pourrons jouer. Et c’est là que sera la salle de bal du château des fées magique.

Daniel, après avoir fini d’attacher le bateau, arriva à côté d’Emily et l’aida à traverser les fourrés. Ils arrivèrent jusqu’aux autres, Emily haletant légèrement de l’effort et de l’exaltation qu’elle ressentait d’être ici.

Amy leva les sourcils alors qu’ils s’approchaient, surprise et intéressée.

— Est-ce que tu vas faire tout le travail toi-même ? demanda-t-elle à Daniel. On dirait qu’il y a beaucoup à faire. Trop pour un seul homme, surtout un futur père.

En son for intérieur, Emily sourit ; son amie avait toujours ses intérêts à cœur et savait à quel point Emily trouvait cela difficile chaque fois que Daniel était loin de la maison.

— Non ! s’exclama Daniel en riant. Nous avons d’excellents entrepreneurs pour cela. Deux jeunes, tout droit sortis de la fac. Ils ont hâte d’ajouter des choses à leur portfolio, donc nous attendons de belles choses d’eux.

— Et à part les bateaux pirates et les châteaux magiques, où seront les véritables parties de l’hôtel ?

— Eh bien, il y aura une cabane de trois pièces que nous voulons commencer à vendre comme une sorte de retraite pour écrivain. Tracy va aussi faire des ateliers de yoga sur l’île, comme des retraites bien-être d’une journée.

— Ça a l’air fantastique, dit Harry. Quelle quantité de travail penses-tu que tu feras pendant l’hiver ?

— Ça dépendra de la météo, dit Daniel. C’est dommage qu’il ait fallu tant de temps pour conclure la vente, vraiment. Cet été indien aurait pu nous donner une longueur d’avance, mais je suis sûr que ce sera terminé d’ici à ce que nous ayons organisé toutes les machines et le matériel.

Penser à l’avenir fit s’inquiéter Emily. L’île n’était plus un fantasme ou un rêve. C’était réel. Maintenant, tout devait être concret. Il y avait tant de choses à organiser et à payer, tant de composantes qui devaient être en place. Ils avaient à peine fini les rénovations chez Trevor. On aurait dit qu’ils étaient passés de Charybde à Scylla !

Mais Emily était ravie. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle et Daniel avaient eu les tripes d’acheter l’île. Non seulement ils avaient eu assez de courage pour faire un enfant ensemble, mais ils en avaient eu aussi assez pour réaliser leurs rêves, même s’ils pouvaient paraître fous. En son for intérieur, Emily sourit, sachant que par-dessus tout, ils formaient une équipe et qu’ensemble, ils étaient indestructibles.

— Maintenant, allons allumer un feu, dit Daniel en se frottant les mains avec empressement. Chantelle, est-ce que tu peux ramasser tous les morceaux de bois sur la plage ?

Elle acquiesça et détala. Elle avait toujours besoin d’avoir une tâche, toujours prête à faire sa part pour aider. Puis Daniel sortit un paquet de guimauves de la poche de sa veste. Emily riait de joie, sachant à quel point Chantelle serait heureuse quand elle reviendrait de son aller-retour à la plage pour découvrir que le plan de Daniel était de faire griller des guimauves autour du feu de joie.

— Tu aurais dû apporter ta guitare ! dit Emily.

Mais Daniel se contenta de lui sourire et l’embrassa tendrement.

— Il y aura tant d’autres occasions de chanter autour d’un feu de joie, dit-il, les yeux rêveurs. Toi, moi et les filles.

Emily le regarda, impressionnée par l’homme qu’il était, par sa beauté, et tellement excitée par leur avenir ensemble, par toutes les aventures qui les attendaient.

*

Les bouches collantes de guimauve fondue, le ventre et les joues douloureux à force de rire, le petit groupe retourna vers le bateau. Daniel avait décidé que cela suffisait pour la journée, en disant que la lumière déclinerait bientôt. De plus, il n’y avait pas encore de sanitaires sur l’île et la petite Charlotte avait tendance à régulièrement donner des coups de pieds dans la vessie d’Emily, aussi était-elle soulagée de retourner à proximité de toilettes.

Quand ils atteignirent le canal principal, Daniel trouva leur place dans le port. Il y avait très peu de navires à l’eau à présent, mais beaucoup plus que d’habitude à cette époque de l’année. Tout le monde profitait du temps chaud pour faire le plus de sorties possible avant que l’arrivée de l’hiver les prive de ce plaisir.

— Merci pour ce voyage impromptu sur votre île, dit Amy en embrassant Emily. Je ne pense pas que je me remettrai un jour de cette folie.

Emily lui sourit en écartant deux mèches de cheveux de ses yeux.

— Quand est-ce qu’on pourra sortir juste toutes les deux ? demanda-t-elle.

Bien qu’Amy soit souvent là, ils étaient toujours entourés de gens. Emily ne se souvenait pas de la dernière fois qu’elles s’étaient réunis pour une bonne conversation, et elle pouvait voir qu’Amy avait besoin de parler à quelqu’un en ce moment.

— Chantelle retourne à l’école demain, ajouta Emily, donc nous pourrons plus facilement avoir un peu d’intimité. Que dirais-tu d’un café chez Joe une fois qu’on l’aura déposée ?

Amy hocha de la tête et Emily remarqua l’expression de soulagement dans ses yeux en sachant qu’elle pourrait enfin se débarrasser de ce qu’elle avait à l’esprit.

Ils se séparèrent d’Amy et d’Harry, tout le monde s’embrassa et se salua, puis ils retournèrent lentement à l’auberge, épuisés par cette longue journée. Même les chiens traînaient la patte.

— Je suis fatiguée, dit Chantelle en bâillant pendant qu’ils tournaient au ralenti dans l’allée.

Devant eux se tenait l’hôtel, dont la silhouette se détachait sur un ciel bleu de plus en plus profond. Ses fenêtres dégageaient une lumière jaune, ressemblant à des étoiles scintillantes à cette distance. Emily sourit, contente. Voir l’auberge lui donnait toujours un sentiment de paix et lui donnait l’impression d’être chez elle.

— Dînons d’abord et ensuite tu pourras monter dans ta chambre, dit Emily. C’est ton premier jour d’école demain, donc tu auras besoin d’une bonne nuit de sommeil.

Chantelle avait l’air un peu triste.

— L’été est déjà fini ?

Emily acquiesça.

— J’en ai bien peur, chérie. Mais ne t’inquiète pas, tu adores l’école ! Tu reverras Bailey et Toby tous les jours. Et Gail.

— Mademoiselle Glass sera-t-elle toujours ma maîtresse ? demanda Chantelle.

Emily secoua la tête.

— Tu seras dans une nouvelle classe avec un nouvel instituteur. Ça t’inquiète ?

Chantelle s’arrêta, son expression montrant qu’elle y réfléchissait.

— Non, dit-elle finalement. Je verrai encore mademoiselle Glass dans la cour de récréation de temps en temps.

Emily sourit, puis croisa le regard de Daniel. Il souriait lui aussi.

Ils entrèrent dans l’hôtel, avec son vestibule lumineux, chaleureux et accueillant. Bryony était dans le salon sur le côté, sur son canapé préféré, entourée comme d’habitude de tasses de café à moitié vides. Elle se leva quand elle les vit, faisant cliqueter ses bracelets de métal, et se précipita vers eux. Son parfum sentait les épices.

— Les gars, je n’arrive pas à y croire ! s’extasia-t-elle. Une île ! Elle étreignit Emily. Savez-vous à quel point il y a peu d’îles dans le monde de l’hôtellerie ? Ça va être une mine d’or !

— Je suis contente de l’entendre, répondit Emily. Sinon, ça aurait pu être une erreur très coûteuse.

Daniel et Chantelle allèrent dans la cuisine pour faire à manger. Emily décida d’aller à la chambre d’enfant pendant qu’ils cuisinaient. Elle voulait regarder dans une autre boîte de Charlotte pour voir s’il y avait des jouets qu’elle pouvait transmettre au bébé.

Elle entra dans la pièce et s’assit par terre à côté d’une des nombreuses boîtes qui contenaient les vieux jouets et vêtements de sa sœur, qui avaient été ramenés d’où ils avaient été soigneusement rangés dans le grenier.

Cette tâche était toujours teintée de mélancolie. Même si Emily sentait que l’esprit de Charlotte était avec elle dans cette maison, lui souriant depuis là-haut à elle et la famille qu’elle avait construite, elle avait toujours l’impression qu’elle disparaissait un peu plus chaque jour qui passait. Le temps était censé atténuer la douleur, mais pour Emily il semblait que plus il s’écoulait de jours sans sa sœur, plus elle lui manquait, car la dernière fois qu’elles s’étaient parlées, c’était toujours un peu plus loin dans le passé.