Pour Toujours et A Jamais

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« Le maire m’a accordé un délai », répondit Emily. « Vous étiez à la réunion, Trevor. Je suis surprise que vous ayez manqué ça. »

« Je m’en fiche si le maire Hansen a dit qu’il n’y avait pas d’urgence pour les rembourser, cela ne dépend pas de lui. Cela dépend de la banque. Et j’ai été en contact avec eux pour les informer de votre occupation illégale de la maison et de l’entreprise illégale que vous dirigez. »

« Vous êtes un crétin », dit Daniel en faisant face à Trevor d’un air protecteur.

« Laisse », dit Emily, qui posa une main sur son bras. La dernière chose dont elle avait besoin était que Daniel s’emporte.

Trevor esquissa un sourire suffisant. « Le délai du maire Hansen ne durera pas longtemps et ne tiendra certainement pas d’un point de vue légal. Et je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour m’assurer que votre B&B coule et ne refasse plus jamais surface. »

CHAPITRE TROIS

Emily observa Trevor qui s’éloignait dans la foule.

Dès qu’il fut parti, Daniel se tourna vers Emily, un air de profonde inquiétude sur le visage. « Ça va ? »

Emily ne put s’en empêcher. Elle plongea dans son large torse, pressant son visage dans son pull. « Qu’est-ce que je vais faire ? » dit-elle d’une voix haletante. « Les impôts vont ruiner mon affaire avant qu’elle n’ait même commencé. »

« Hors de question », dit Daniel. « Je ne laisserais pas ça se produire. Trevor Mann n’a jamais montré d’intérêt pour ta propriété jusqu’à ce que tu arrives et la transformes en quelque chose de convoitable. Il est simplement jaloux de voir à quel point ta maison est bien mieux que la sienne. »

Emily essaya de rire à sa blague, mais ne réussit à émettre qu’un faible gloussement. L’idée de quitter Daniel et retourner à New York sur un échec lui pesait lourdement sur l’esprit.

« Il a raison, cependant », dit Emily. « Ce B&B ne fonctionnera jamais. »

« Ne parle pas comme ça », dit Daniel. « Tout ira bien. Je crois en toi. »

« C’est vrai ? », dit Emily. « Parce que je crois à peine en moi. »

« Alors, peut-être qu’il est maintenant temps de commencer. »

Emily leva les yeux pour croiser ceux de Daniel. Son expression honnête lui donna le sentiment que, éventuellement, elle pourrait vraiment le faire.

« Eh », dit Daniel, les yeux brillant soudain malicieusement. « Il y a quelque chose que je veux te montrer. »

Daniel ne paraissait pas découragé par sa morosité. Il la prit par la main et la tira à travers la cohue, la menant dans la direction de la marina. Ensemble, ils descendirent sur les quais.

« Tadam ! », s’exclama Daniel, en désignant d’un geste le bateau magnifiquement restauré qui s’agitait sur l’eau.

La dernière fois qu’Emily avait vu l’embarcation, elle était à peine en état de naviguer. Maintenant elle luisait comme si elle était neuve.

« Je n’arrive pas à y croire », balbutia-t-elle. « Tu as réparé le bateau ? »

Daniel acquiesça. « Yup. J’y ai mis beaucoup de sueur et d’effort. »

« Je peux le voir », dit Emily.

Elle se souvint comment Daniel lui avait raconté qu’il avait atteint une sorte de barrière mentale avec la réparation du bateau, qu’il ne savait pas pourquoi mais il se sentait incapable de travailler dessus. Le voir maintenant rendait Emily plus que fière, non seulement car il avait été merveilleusement remis en état, mais aussi car il avait réussi à affronter les problèmes qui l’avaient bridé. Elle lui rendit son sourire, sentant un fourmillement de bonheur en elle.

Mais en même temps, elle était teintée de tristesse, car il s’agissait là d’une autre forme de transport qui pourrait l’éloigner d’elle. De ses longues chevauchées à moto sur les falaises, à ses déplacements dans les villes voisines dans son camion, Daniel était toujours en mouvement. Qu’il veuille voir le monde, explorer, était si évident à ses yeux qu’il n’y avait aucun doute. Elle savait que, tard ou jamais, Daniel aurait besoin de quitter Sunset Harbor. Si elle allait partir avec lui quand le temps viendrait était quelque chose qu’Emily n’avait pas encore décidé dans son esprit.

Daniel lui donna un petit coup de coude timide. « Je devrais te dire merci. »

« Pourquoi ? », dit Emily.

« Pour le moteur. »

C’était Emily qui lui avait acheté le nouveau moteur, comme un remerciement pour toute l’aide qu’il lui avait fournie pour préparer le B&B, et comme une tentative d’encouragement à réparer le bateau.

« Pas de problèmes », dit Emily, qui se demandait à présent si le présent n’allait pas se retourner contre elle. Si réparer le bateau n’éveillerait pas l’envie qu’avait Daniel de partir.

« Donc », dit Daniel, en désignant l’embarcation, « comme remerciement, je pense que tu devrais m’accompagner pour son voyage inaugural. »

« Oh ! », dit Emily, surprise par la proposition. « Tu veux faire une sortie en bateau ? Maintenant ? » Elle n’avait pas voulu sonner aussi stupéfaite.

« À moins que tu ne le veuilles pas », dit Daniel, qui se frottait la nuque d’un air embarrassé. « Je pensais juste que nous pourrions avoir un rendez-vous. »

« Oui, bien sûr », dit Emily.

Daniel bondit sur le bateau et tendit la main. Emily la prit et se laissa guider par lui pour descendre. Le vaisseau tanguait sous elle, la faisant chanceler.

Daniel mit le moteur en route et propulsa le bateau hors du port. Ils traversèrent l’océan étincelant. Emily respira de grandes bouffées d’air océanique, observant Daniel qui barrait à travers les eaux. Il paraissait tellement à l’aise à diriger le bateau, de la même manière que sa moto semblait être devenue une extension de lui-même. Daniel était le genre d’homme fait pour être en perpétuel mouvement, et en le regardant à ce moment-là, Emily vit à quel point il devenait vivant et heureux quand il était à la poursuite de l’aventure.

L’idée la rendit encore plus mélancolique. Le désir de Daniel d’explorer le monde était plus qu’un rêve ; c’était une nécessité. Il était impossible qu’il soit capable de rester à Sunset Harbor pour longtemps encore. Elle n’avait pas décidé non plus de combien de temps elle resterait. Peut-être leur relation était-elle vouée à l’échec. Peut-être que cela n’allait être qu’une chose fugace, un moment parfait saisi dans le temps. Cette pensée agita de désespoir l’estomac d’Emily.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? », demanda Daniel. « Tu n’as pas le mal de mer, non ? »

« Peut-être un peu », mentit Emily.

« Eh bien, nous y sommes presque », ajouta-t-il, le doigt pointé vers l’avant.

Emily jeta un coup d’œil et vit qu’ils se dirigeaient vers une île minuscule sur laquelle ne se dressait pas grand-chose hormis une paire d’arbres et un phare abandonné. Emily se redressa, surprise.

« OH MON DIEU ! », s’écria-t-elle.

« Qu’est-ce qu’il y a ? », demanda Daniel, le ton paniqué.

« Mon père avait une peinture de cette île dans notre maison à New York ! »

« Tu en es sûre ? »

« À cent pour cent ! Je n’arrive pas à y croire ! Je ne m’étais jamais rendu compte que c’était la représentation d’un endroit réel. »

Les yeux de Daniel s’écarquillèrent. Il semblait tout aussi surpris par la coïncidence qu’Emily.

Ses inquiétudes emportées par la surprise inattendue, Emily enleva rapidement ses baskets et chaussettes. Elle attendit tout juste que le bateau s’échoue avant de sauter. Les vagues lui léchèrent les mollets. L’eau était froide mais elle la sentit à peine. Elle traversa l’eau en courant, jusqu’à la plage sableuse et mouillée, puis encore un peu plus loin. Elle s’arrêta et leva les mains pour créer un espace rectangulaire entre ses doigts et ses pouces, puis ferma un œil. Elle se déplaça un peu pour que le phare soit à droite, le soleil à côté, et que le vaste océan s’étire au loin de l’autre côté. Et voilà ! L’angle exact de la peinture qui avait été dans sa maison familiale !

Cela ne surprenait pas Emily que son père possède une telle peinture. Il était obsédé par les objets anciens – y compris des œuvres d’art – mais ce qui étonnait Emily était le fait que la peinture soit parvenue à leur maison. Sa mère avait toujours été très douée pour garder leurs vies à Sunset Harbor et New York séparées, comme si elle ne pouvait entretenir les passe-temps absurdes de son époux que pendant deux semaines dans l’année, et seulement tant que c’était hors de sa vue, n’empiétant pas, d’aucune manière que ce soit, sur sa maison parfaitement propre et nette. Donc comment diable avait-il réussi à lui faire accepter la peinture du phare dans la maison familiale ? Peut-être, parce qu’elle avait été camouflée comme étant un lieu imaginaire, n’avait-elle pas réalisé que la peinture représentait en fait une partie de Sunset Harbor. Emily sourit en son for intérieur, se demandant si son père avait en fait été si rusé.

« Eh », dit Daniel, la ramenant au moment présent. Elle se tourna pour le voir trimballant vers elle un panier en traversant le sable mouillé.

« Désolé », répondit Emily, puis elle se précipita en avant pour l’aider à le porter. « Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? Ça pèse une tonne. »

Ensemble, ils amenèrent le panier sur la plage et Daniel défit les attaches maintenant le couvercle. Il sortit une couverture en tartan et l’étendit sur le sable.

« Ma dame », dit-il.

Emily rit et s’assit sur le plaid. Daniel commença à déballer différentes nourritures du panier, y compris du fromage et des fruits, ensuite une grande bouteille de champagne et deux flûtes de cristal.

« Du champagne ! », s’exclama. « Quelle est l’occasion ? »

 

Daniel haussa les épaules. « Aucune occasion en particulier. J’ai juste pensé que nous devrions célébrer ton premier client. »

« Ne me le rappelle pas », dit Emily avec un grognement.

Daniel fit sauter le bouchon du champagne et leur versa à chacun un verre.

« À M. Kapowski. »

Emily fit trinquer son verre contre le sien, les lèvres tendues dans un sourire. « M. Kapowski. » Elle prit une gorgée, laissant les bulles éclater sur sa langue.

« Tu ne te sens pas encore sûre de toi pour tout ça, n’est-ce pas ? », dit Daniel.

Emily haussa les épaules, les yeux concentrés sur le liquide dans son verre. Elle le fit tourner et regarda la trajectoire du flot de bulles changer à l’intérieur, dérangé par le mouvement, avant de se calmer de nouveau. « Je n’ai juste pas beaucoup foi en moi », dit-elle finalement, avec un grand soupir. « Je n’ai jamais vraiment rien accompli avant. »

« Et ton travail à New York ? »

« Je veux dire rien que j’ai toujours voulu. »

Daniel remua les sourcils. « Et moi ? »

Emily ne put s’empêcher d’avoir un petit rire. « Je ne te vois pas comme une réussite en tant que telle… »

« Tu devrais », l’interrompit-il jovialement. « Un gars stoïque comme moi. Ce n’est pas comme si j’étais le gars avec lequel il est le plus facile d’engager la conversation au monde. »

Emily rit, puis planta un long baiser somptueux sur ses lèvres.

« C’était pour quoi ? », dit-il une fois qu’elle eut reculé.

« Un merci. Pour ça. » Elle fit un signe de la tête vers le petit pique-nique étalé devant eux. « Pour être ici. »

Daniel semblait hésiter, puis Emily réalisa pourquoi : parce qu’être présent n’était pas une chose à laquelle Daniel pourrait toujours se tenir. Voyager était dans son sang. À un certain point il faudrait qu’il prenne la route.

Mais qu’en était-il d’elle ? Elle n’avait pas fait de plan définitif pour rester à Sunset Harbor. Elle avait déjà passé six mois ici – un long moment pour être loin de New York, loin de chez elle et de ses amis. Et pourtant, avec le soleil couchant au loin, projetant des rayons orange et rose dans le ciel, elle ne pouvait pas penser à un autre lieu où elle aimerait mieux être. À ce moment précis, à cet instant même, tout était parfait. Elle avait l’impression de vivre au paradis. Peut-être qu’elle pourrait vraiment faire de Sunset Harbor son chez-soi. Peut-être Daniel voudrait-il s’installer avec elle. Il était impossible de connaître le futur ; elle devrait juste prendre chaque jour comme il venait. Au moins elle pouvait rester ici jusqu’à ce que l’argent se tarisse. Et si elle travaillait assez dur, rendait le B&B viable, alors ce jour-là pourrait ne pas avoir lieu avant très longtemps.

« À quoi est-ce que tu penses ? », demanda Daniel.

« Au futur, j’imagine », répondit Emily.

« Ah », dit Daniel, le regard baissé vers ses genoux.

« Pas un bon sujet de conversation ? », s’enquit Emily.

Daniel haussa les épaules. « Pas toujours. N’est-ce pas mieux de simplement essayer de profiter du moment présent ? »

Emily n’était pas sûre de la manière de prendre cette déclaration. Était-ce la preuve de son désir de quitter cet endroit ? Si l’avenir n’était pas un bon sujet de conversation, était-ce parce qu’il avait des visions d’un futur déchirement ?

« Je suppose », dit-elle doucement. « Mais parfois il est impossible de ne pas anticiper. C’est aussi bien de faire des plans, tu ne penses pas ? » Elle essayait d’encourager gentiment Daniel, de lui faire donner juste une bribe d’information, n’importe quoi qui pourrait la faire se sentir plus stable au sein de leur relation.

« Pas vraiment », dit-il. « Je m’efforce vraiment de garder mon esprit dans le présent. Ne t’inquiète pas pour le futur. Ne t’appesantis pas sur le passé. »

Emily n’aimait pas l’idée de lui s’inquiétant pour leur futur, et devait s’arrêter d’exiger de savoir exactement ce pour quoi il fallait s’inquiéter. À la place, elle demanda, « Y a-t-il beaucoup de choses sur lesquelles s’attarder ? »

Daniel n’en avait pas beaucoup révélé sur son passé. Elle savait qu’il avait souvent déménagé, que ses parents avaient divorcé et que son père buvait, qu’il attribuait à son propre père le mérite de lui avoir donné un avenir.

« Oh oui », dit Daniel. « Tout un tas. »

Il retomba dans le silence. Emily voulait qu’il en donne plus, mais pouvait dire qu’il n’en était pas capable. Elle se demanda s’il savait combien elle se languissait d’être la personne à qui il s’ouvrait.

Mais avec Daniel ce n’était que patience. Il parlerait quand il serait prêt, s’il était prêt un jour.

Et si ce jour devait arriver, elle espérait qu’elle serait encore dans les parages pour écouter.

CHAPITRE QUATRE

Le matin suivant, Emily se réveilla tôt, décidée à ne pas encore rater le créneau du petit-déjeuner. À sept heures précise, elle entendit le bruit de la porte de la chambre du client s’ouvrir et se refermer doucement, ensuite les petits pas de M. Kapowski tandis qu’il descendait les escaliers. Emily sortit de l’endroit où elle avait traîné dans le couloir et se tint en bas des marches, les yeux levés vers lui.

« Bonjour, monsieur Kapowski », dit-elle avec assurance, un sourire plaisant sur le visage.

M. Kapowski sursauta.

« Oh. Bonjour. Vous êtes réveillée. »

« Oui », dit Emily en maintenant son ton assuré, même si elle ressentait tout autre chose. « Je voulais m’excuser pour hier, pour ne pas avoir été disponible pour vous préparer le petit-déjeuner. Avez-vous bien dormi ? » Elle remarqua les cernes autour de ses yeux.

M. Kapowski hésita pendant un instant. Il plongea nerveusement les mains dans les poches de son costume froissé.

« Hum…non, en fait », répondit-il finalement.

« Oh non », dit Emily, inquiète. « Pas à cause de la chambre, j’espère ? »

Mr Kapowski paraissait agité et gauche, frottant son cou comme s’il avait plus à dire mais ne savait comment.

« En vérité », réussit-il enfin, « le coussin était assez bosselé. »

« Je suis tellement désolée pour ça », dit Emily, qui s’en voulait de ne pas l’avoir testé.

« Et hum…les serviettes étaient rêches. »

« Elles le sont ? », dit Emily, perturbée. « Pourquoi ne venez-vous pas vous asseoir dans la salle à manger », dit-elle, luttant pour empêcher sa voix de paniquer, « et faites-moi part de vos préoccupations. »

Elle le guida dans la grande salle à manger et ouvrit les rideaux, laissant la pâle lumière du matin filtrer dans la pièce, mettant en avant sa dernière exposition de lys de Raj, dont l’odeur imprégnait la pièce. La surface de la longue table en acajou, de style banquet, étincelait. Emily adorait cette pièce ; elle était si opulente, si sophistiquée et ornée. Cela avait été la pièce parfaite pour mettre en valeur une partie de la vaisselle ancienne de son père, et elle était gardée dans une vitrine faite du même bois d’acajou sombre que la table.

« C’est mieux », dit-elle, le ton restant enjoué et désinvolte. « Maintenant, voudriez-vous me dire pour votre chambre pour que nous puissions l’arranger ? »

M. Kapowski ne semblait pas être à l’aise, comme s’il ne voulait vraiment pas parler.

« Ce n’est rien, vraiment. Juste le coussin et les serviettes. Et peut-être aussi le matelas était très ferme et hum…un peu fin. »

Emily hocha de la tête, agissant comme si ses mots ne touchaient pas l’angoisse dans son cœur.

« Mais vraiment, c’est bon », ajouta M. Kapowski. « J’ai le sommeil léger. »

« Bien, d’accord », dit Emily, réalisant que le faire parler était un plan d’action pire que de le laisser insatisfait de sa chambre. « Alors, que puis-je vous faire pour le petit-déjeuner ? »

« Œufs et bacon, si ce n’est pas trop demander », dit Mr Kapowski. « Frits. Et des toasts. Avec des champignons. Et des tomates. »

« Pas de problèmes », dit Emily, qui s’inquiétait de ne pas avoir tous les ingrédients qu’il venait de lister.

Emily se précipita dans la cuisine, réveillant immédiatement Mogsy et Rain. Les deux chiens commencèrent à japper pour avoir leur petit-déjeuner, mais elle ignora leurs gémissements tout en se précipitant vers le réfrigérateur, où elle vérifia ce qu’il y avait à l’intérieur. Elle fut soulagée de voir qu’elle avait du bacon, même s’il n’y avait pas de champignons ou de tomates. Au moins il y avait du pain dans la panière, un surplus que Karen, du magasin général, avait déposé l’autre jour, et des œufs qu’elle pouvait se procurer grâce à Lola et Lolly.

Regrettant son choix de chaussures, Emily sortit précipitamment par la porte de derrière, traversa l’herbe couverte de rosée, et alla au poulailler. Lola et Lolly se pavanaient dans leur enclos. Elles inclinèrent toutes deux la tête au bruit de ses pas approchants, s’attendant à ce qu’elle les approvisionne en maïs frais.

« Pas encore, petites poulettes », dit-elle. « M. Kapowski passe en premier. »

Elles lui donnèrent des coups de bec par mécontentement, tandis qu’Emily se précipitait vers le poulailler où elles déposaient leurs œufs.

« Vous vous moquez de moi », marmonna-t-elle alors qu’elle regardait à l’intérieur pour ne rien y découvrir. Elle tourna le visage vers les poules, mains sur les hanches. « De tous les jours où vous ne pondez pas, vous avez choisi aujourd’hui ! »

Ensuite, elle se souvint de tous les essais d’œufs pochés qu’elle avait entrepris la veille. Elle avait dû en utiliser au moins cinq ! Elle leva les mains au ciel. Pourquoi Daniel m’a-t-il fait m’inquiéter pour les œufs pochés ? pensa-t-elle avec frustration.

Emily retourna à l’intérieur, déçue de ne pas pouvoir fournir le petit-déjeuner que monsieur Kapowski voulait ce jour-ci aussi, et elle commença à faire griller le bacon. Que ce soit dû à son anxiété ou son manque d’expérience, Emily semblait incapable d’exécuter même les tâches simples. Elle renversa le café sur tout le plan de travail, puis laissa le bacon sous le grill pendant trop longtemps, de telle façon que les bords étaient croustillants et noirs. Le nouveau grille-pain – un remplacement de celui qui avait explosé et abîmé la cuisine – paraissait avoir des réglages bien plus délicats que le dernier, et elle réussit à brûler le toast aussi.

Quand elle regarda ce qu’elle avait produit, le petit-déjeuner fini dans l’assiette, Emily fut loin d’être satisfaite. Elle ne pouvait pas servir repas en désordre. Elle alla donc dans la buanderie et racla le tout dans les gamelles des chiens. Au moins avec les chiens nourris c’était une chose de cochée sur sa liste des choses à faire.

De retour dans la cuisine, Emily essaya encore une fois de créer le repas que Mr Kapowski avait commandé. Cette fois-ci, s’assembla mieux. Le bacon n’était pas trop cuit. Le toast n’était pas brûlé. Elle espérait juste qu’il lui pardonnerait pour les ingrédients manquants.

Elle jeta un regard à sa montre et vit que cela faisait presque trente minutes, et son cœur palpita.

Elle hâta de retourner dans la pièce.

« Nous y voilà, monsieur Kapowski », dit Emily, réapparaissant dans la salle à manger avec le plateau du petit-déjeuner. « Je suis désolée pour l’attente. »

Elle se rendit compte, tandis qu’elle approchait de la table, que M. Kapowski s’était endormi. Incertaine si elle devait être soulagée ou ennuyée, Emily posa le plateau et commença à faire marche arrière silencieusement pour sortir de la pièce.

La tête de M. Kapowski se souleva soudain. « Ah », dit-il, en jetant un coup d’œil au plateau. Le petit-déjeuner. Merci. »

« Je crains de ne pas avoir d’œufs, ou de tomates, ou de champignons aujourd’hui », dit-elle.

M. Kapowski parut déçu.

Emily sortit dans le couloir pour prendre quelques profondes respirations. La matinée avait été incroyablement pleine de travail, compte tenu de la somme d’argent qu’elle allait finalement toucher pour ses efforts. Si elle voulait maintenir l’affaire, elle devrait devenir un peu plus efficace. Et elle avait besoin d’une alternative au cas où Lola et Lolly aient un autre jour sans œufs.

À ce moment précis, il émergea de la salle à manger. Il s’était écoulé moins d’une minute depuis qu’elle lui avait servi la nourriture.

« Est-ce que tout va bien ? », demanda Emily. « Avez-vous besoin de quelque chose ? »

Une fois encore, M. Kapowski semblait réticent à parler.

 

« Hum…la nourriture est un peu froide. »

« Oh », dit Emily, en panique. « Par ici, laissez-moi la réchauffer pour vous. »

« En fait, c’est bon », dit M. Kapowski. « Il faut que je monte, vraiment. »

« D’accord », dit Emily, qui se sentit découragée. « Vous avez une chose agréable de prévue pour la journée ? » Elle essayait de sonner comme une hôtesse de B&B plutôt qu’une fille affolée, même si elle se sentait bien plus comme la seconde.

« Oh, non, je voulais dire qu’il faut que je rentre chez moi », corrigea M. Kapowski.

« Vous voulez dire que vous libérez la chambre ? », demanda Emily, décontenancée.

Elle sentit un frisson froid se propager à travers son corps.

« Mais je vous avais inscrit pour trois nuits. »

M. Kapowski avait l’air embarrassé.

« Je, hum, juste besoin de rentrer. Je paieraien une fois, cependant. »

Il semblait être pressé de partir et même quand Emily suggéra de lui faire une réduction sur le prix des deux petits-déjeuners qu’il n’avait pas mangés, il insista pour seulement payer la note en entier et partir sur-le-champ. Emily se tint à la porte et le regarda s’éloigner en voiture, en se sentant comme une incompétente absolue.

Elle ignorait combien de temps elle était restée là debout, déplorant le désastre qu’avait été son tout premier client, mais elle s’avisa du bruit de son portable sonnant à l’intérieur. Grâce à la réception terrible qu’elle avait dans la vieille maison, le seul endroit où Emily pouvait capter le réseau était à côté de la porte d’entrée. Elle avait une table spéciale dans le hall juste pour son téléphone – une très belle pièce ancienne, qu’elle avait récupérée dans une des chambres fermées du B&B. Elle marcha à pas mesurés dans cette direction, se préparant mentalement à voir de qui il s’agissait.

Il n’y avait pas beaucoup de bonnes options. Sa mère n’était pas entrée en contact depuis cet appel tardif et plein d’émotion qu’elles avaient partagée, au cours duquel elles avaient discuté de la vérité sur la mort de Charlotte et, plus précisément, le rôle d’Emily – ou son absence – dans celle-ci. Amy ne l’avait pas contactée depuis sa tentative cavalière de “sauver” Emily de sa nouvelle vie, même si elles avaient fait la paix depuis. Ben, l’ex d’Emily, avait appelé de nombreuses fois depuis qu’elle était partie, mais Emily n’avait pas répondu à un seul de ses appels, et maintenant leur fréquence paraissait diminuer.

Elle se tint prête tandis qu’elle regardait l’écran. Le nom qui clignotait fut une surprise à voir. C’était Jayne, une vieille amie d’école de New York. Elle connaissait Jayne depuis qu’elle était très jeune, et au fil des ans elles avaient développé le type d’amitié grâce à laquelle des mois pouvaient s’écouler avant qu’elles ne se parlent, mais à la seconde où elles se retrouvaient c’était comme si le temps n’était pas passé. Jane avait probablement entendu par Amy, ou par les ouï-dire, pour la nouvelle vie d’Emily et appelait pour l’interroger à propos du changement soudain et abrupt qu’elle avait fait.

Emily répondit à l’appel.

« Em ? », dit Jane, la voix tressautant et le souffle irrégulier. « Je viens juste de croiser Amy pendant mon jogging. Elle a dit que tu avais quitté New York ! »

Emily cligna des yeux, son esprit n’était à présent plus habitué au débit de parole rapide que toutes ses amies new-yorkaises partageaient. L’idée de courir tout en ayant une conversation téléphonique était maintenant étrangère à Emily.

« Ouais, cela fait quelque temps maintenant en fait », dit-elle.

« De combien de temps parlons-nous ? », demanda Jayne, le bruit de ses foulées audibles sur la ligne.

La voix d’Emily était faible et pleine d’excuses. « Hum, eh bien, environ six mois. »

« Argh, il faut que je t’appelle plus souvent ! » Jayne était à bout de souffle.

Emily pouvait entendre le trafic en fond, les klaxons des voitures, le bruit sourd des baskets de Jayne qui frappaient sur la chaussée. Cela évoqua une image très familière dans l’esprit d’Emily. Elle avait été cette personne il y avait seulement quelques mois de ça, toujours occupée, ne se reposant jamais, le portable vissé à l’oreille.

« Donc quels sont les potins ? », dit Jayne. « Dis-moi tout. J’imagine que Ben ne fait plus partie du décor ? »

Jayne, tout comme tous les amis et la famille d’Emily, n’avait jamais aimé Ben. Ils avaient été capables de voir qu’Emily avait été aveugle durant ces sept années – qu’il n’était pas si bien pour elle.

« Vraiment sorti de ma vie », répondit Emily.

« Et y a-t-il quelqu’un de nouveau dans le cadre ? », demanda Jayne.

« Peut-être… », dit évasivement Emily. « Mais c’est récent et un peu instable donc je préfèrerais ne pas porter malheur en en parlant. »

« Mais je veux tout savoir ! », cria Jayne. « Oh, ne quitte pas. J’ai un autre appel. »

Emily patienta tandis que la ligne se faisait silencieuse. Quelques instants après, les bruits de New York remplirent de nouveau ses oreilles quand Jane se reconnecta.

« Désolée chérie », dit-elle. « Je devais prendre ça. Le boulot. Bon écoute, Amy a dit que tu avais un B&B là-bas ou quelque chose ? »

« Mmh mmh », répondit Emily. Elle se sentait légèrement tendue à propos du B&B, depuis qu’Amy l’avait tant décrié, le qualifiant d’idée stupide, sans mentionner tout le changement dans la vie d’Emily mal avisé.

« Est-ce que tu as des chambres de disponibles en ce moment ? », demanda Jayne.

Emily fut interloquée. Elle ne s’était pas attendue à une telle question. « Oui », dit-elle, pensant à la chambre maintenant abandonnée de Mr Kapowski. « Pourquoi ? »

« Je veux venir ! », s’exclama Jayne. « C’est le week-end du Memorial Day, après tout. Et j’ai désespérément besoin de sortir de la ville. Je peux la réserver ? »

Emily hésita. « Tu n’as pas à faire ça, tu sais. Tu peux juste venir et rester en tant que visiteur. »

« Pas question », répondit Jayne. « Je veux le traitement complet. Serviettes propres tous les matins. Œuf et bacon au petit-déjeuner. Je veux te voir en action. »

Emily rit. De toutes les personnes auxquelles elle avait parlé de sa jeune entreprise, Jayne était la plus encourageante.

« Eh bien, laisse-moi t’enregistrer officiellement alors », dit Emily. « Combien de temps va durer ton séjour ? »

« Je sais pas, une semaine ? »

« Super », dit Emily, une petite boule de joie roulant dans le ventre. « Et quand arriveras-tu ? »

« Demain matin », dit Jayne. « Autour de dix heures. »

La boule de joie se fit plus grande encore. « D’accord, patiente avec moi un moment pendant que je t’inscris. »

Un peu étourdie par l’excitation, Emily mit son téléphone en attente et se précipita jusqu’à l’ordinateur au bureau de réception, où elle se connecta au programme de réservation des chambres et entra les informations de Jayne. Elle se sentit fière d’elle-même pour avoir techniquement rempli le B&B tous les jours depuis qu’il avait ouvert, même s’il n’avait qu’une chambre à remplir, et n’avait ouvert que depuis deux jours…

Elle retourna promptement à son téléphone, et décrocha. « Ok, tu es enregistrée pour une semaine. »

« Très bien », dit Jayne. « Tu avais l’air très professionnelle. »

« Merci », répondit timidement Emily. « J’apprends encore à maîtriser tout ça. Mon dernier client a été un désastre. »

« Tu pourras tout me dire demain », dit Jayne. « Je ferais mieux d’y aller. J’entame mon seizième kilomètre, donc il faut que j’économise mon souffle. À demain ? »

« Je suis impatiente », répondit Emily.

L’appel se termina et Emily sourit en son for intérieur. Elle n’avait pas réalisé à quel point sa vieille amie lui manquait jusqu’à ce qu’elle lui ait parlé. Voir Jayne demain serait un merveilleux antidote au désastre qu’avait été M. Kapowski.