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Actes et Paroles, Volume 3

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XVII
MORT DE FRANCOIS-VICTOR HUGO
26 DECEMBRE 1873

On lit dans le Rappel du 27 decembre 1873:

"Nous avons la profonde douleur d'annoncer a nos lecteurs la mort de notre bien cher Francois-Victor Hugo. Il a succombe, hier a midi, a la maladie dont il souffrait depuis seize mois. Nous le conduirons demain ou nous avons conduit son frere il y a deux ans.

"Ceux qui l'ont connu comprendront ce que nous eprouvons. Ils savent quelle brave et douce nature c'etait. Pour ses lecteurs, c'etait un ecrivain d'une gravite presque severe, historien plus encore que journaliste; pour ses amis, c'etait une ame charmante, un etre affectueux et bon, l'amabilite et la grace memes. Personne n'avait son egalite d'humeur, ni son sourire. Et il avait plus de merite qu'un autre a etre tel, ayant subi des epreuves d'ou plus d'un serait sorti amer et hostile.

"Tout jeune, il avait eu une maladie de poitrine, qui n'avait cede qu'a son energie et a sa volonte de vivre; mais il y avait perdu un poumon, et il s'en ressentait toujours. Puis, a peine avait-il eu age d'homme, qu'un article de journal ou il demandait que la France restat hospitaliere aux proscrits, lui avait valu neuf mois de Conciergerie. Quand il etait sorti de prison, le coup d'etat l'avait jete en exil. Il y etait reste dix-huit ans.

"Il sortit de France a vingt-quatre ans, il y rentra a quarante-deux. Ces dix-huit annees, toute la jeunesse, le meilleur de la vie, les annees qui ont droit au bonheur, il les passa hors de France, loin de ses habitudes et de ses gouts, dans un pays froid aux etrangers, plus froid aux vaincus. Il lui fallut pour cela un grand courage, car il adorait Paris; mais il s'etait dit qu'il ne reviendrait pas tant que l'empire durerait, et il serait mort avant de se manquer de parole. Il employa genereusement ces dures annees a son admirable traduction de Shakespeare, et rien n'etait plus touchant que de le voir a cette oeuvre, ou l'Angleterre etait melee a la France, et qui etait en meme temps le payement de l'hospitalite et le don de l'expatrie a la patrie.

"Le 4 septembre le ramena. Alors, Paris etait menace, les prussiens arrivaient, beaucoup s'en allaient a l'etranger; lui, il vint de l'etranger. Il vint prendre sa part du peril, du froid, de la faim, du bombardement. Il s'engagea dans l'artillerie de la garde nationale. Il eut la douleur commune de nos desastres et la douleur personnelle de la mort de son frere.

"On aurait pu croire que c'etait suffisant, et qu'apres la prison, apres l'exil, apres le deuil patriotique, apres le deuil fraternel, il etait assez puni d'avoir ete bon, honnete et vaillant toute sa vie. On aurait pu croire qu'il avait bien gagne un peu de joie, de bien-etre et de sante. La France ressuscitait peu a peu, et il aurait pu etre heureux quelque temps sans remords. Alors la maladie l'a saisi, et l'a cloue dans son lit pendant un an avant de le clouer pour toujours dans le cercueil.

"Son frere est mort foudroye; lui, il a expire lentement. La mort a plusieurs facons de frapper les peres. Pendant plus d'un an, son lit a ete sa premiere tombe, la tombe d'un vivant, car il a eu, jusqu'au dernier jour, jusqu'a la derniere heure, toute sa lucidite d'esprit. Il s'interessait a tout, lisait les journaux; seulement, il lui etait impossible d'ecrire une ligne; son intelligence si droite, sa raison si ferme, ses longues etudes d'histoire, son talent si serieux et si fort, a quoi bon maintenant? Ce supplice de l'impuissance intelligente, de la volonte prisonniere, de la vie dans la mort, il l'a subi seize mois. Et puis, une pulmonie s'est declaree et l'a emporte dans l'inconnu.

"La mort, soit. Mais cette longue agonie, pourquoi? Un jour, il etait mieux, et nous le croyions deja gueri; puis il retombait, pour remonter, et pour retomber encore. Pourquoi ces sursis successifs, puisqu'il etait condamne a mort? Pourquoi la destinee, puisqu'elle avait decide de le tuer, n'en a-t-elle pas fini tout de suite, et qui donc prend plaisir a prolonger ainsi notre execution, et a nous faire mourir tant de fois?

"Pauvre cher Victor! que j'ai vu si enfant, et que j'allais chercher, le dimanche, a sa pension!

"Et son pere! Ses ennemis eux-memes diront que c'est trop. D'abord, c'a ete sa fille, – et toi, mon Charles! Puis, il y a deux ans, c'a ete son fils aine. Et maintenant, c'est le dernier. Quel bonheur pour leur mere d'etre morte! C'est la que les genies ne sont plus que des peres. Tous s'en sont alles, l'un apres l'autre, le laissant seul. Lui si pere! Oh! ses chers petits enfants des Feuilles d'automne! On lui dira qu'il a d'autres enfants, nous tous, ses fils intellectuels, tous ceux qui sont nes de lui, et tous ceux qui en naitront, et que ceux-la ne lui manqueront ni aujourd'hui, ni demain, ni jamais, et que la mort aura beau faire, ils seront plus nombreux d'age en age. D'autres lui diront cela; mais moi, j'etais le frere de celui qui est mort, et je ne puis que pleurer.

AUGUSTE VACQUERIE."

* * * * *
OBSEQUES DE FRANCOIS-VICTOR HUGO

Bien avant l'heure indiquee, la foule etait deja telle dans la rue Drouot, qu'il etait difficile d'arriver a la maison mortuaire. Un registre ouvert dans une petite cour recevait les noms de ceux qui voulaient temoigner leur douloureuse sympathie au pere si cruellement frappe.

Un peu apres midi, on a descendu le corps. C'a ete une chose bien triste a voir, le pere au bas de l'escalier regardant descendre la biere de son dernier fils.

Un autre moment navrant, c'a ete quand Mme Charles Hugo a passe, prete a s'evanouir a chaque instant et si faible qu'on la portait plus qu'on ne la soutenait. Il y a deux ans, elle enterrait son mari; hier, son beau-frere. Avec quel tendre devouement et quelle admirable perseverance elle a soigne ce frere pendant cette longue maladie, passant les nuits, lui sacrifiant tout, ne vivant que pour lui, c'est ce que n'oublieront jamais le pere ni les amis du mort. Elle a voulu absolument l'accompagner jusqu'au bout, et ne l'a quitte que lorsqu'on l'a arrachee de la tombe.

L'enterrement etait au cimetiere de l'Est. Le convoi a suivi les grands boulevards, puis le boulevard Voltaire.

Derriere le corbillard, marchait le pere desole. Lui aussi, ses amis auraient voulu qu'il s'epargnat ce supplice, rude a tous les ages. Mais Victor Hugo accepte virilement toutes les epreuves, il n'a pas voulu fuir celle-la, et c'etait aussi beau que triste de voir derriere ce corbillard cette tete blanche que le sort a frappee tant de fois sans parvenir a la courber.

Derriere le pere, venaient MM. Paul Meurice, Auguste Vacquerie, Paul

Foucher, oncle du mort, et Leopold Hugo, son cousin. Puis le docteur

Allix et M. Armand Gouzien, qui avaient bien le droit de se dire de la famille, apres les soins fraternels qu'ils ont prodigues au malade.

Puis, les amis et les admirateurs du pere, tous ceux, deputes, journalistes, litterateurs, artistes, ouvriers, qui avaient voulu s'associer a ce grand deuil: MM. Gambetta, Cremieux, Eugene Pelletan, Arago, Spuller, Lockroy, Jules Simon, Alexandre Dumas, Flaubert, Nefftzer, Martin Bernard … mais il faudrait citer tout ce qui a un nom. Ce cortege innombrable passait entre deux haies epaisses qui couvraient les deux trottoirs du boulevard et qui n'ont pas cesse jusqu'au cimetiere.

A mesure que le convoi avancait, une partie de la haie se detachait pour s'ajouter au cortege, qui grossissait de moment en moment et que la chaussee avait peine a contenir. Et quand cet enorme cortege est arrive au cimetiere, il l'a trouve deja plein d'une foule egalement innombrable, et ce n'est pas sans difficulte qu'on a pu faire ouvrir passage meme au cercueil.

Le tombeau de famille de Victor Hugo n'ayant plus de place, helas, on a depose le corps dans un caveau provisoire. Quand il y a ete descendu, il s'est fait un grand silence, et Louis Blanc a dit les belles et touchantes paroles qui suivent :

Messieurs,

Des deux fils de Victor Hugo, le plus jeune va rejoindre l'aine. Il y a trois ans, ils etaient tous les deux pleins de vie. La mort, qui les avait separes depuis, vient les reunir.

Lorsque leur pere ecrivait:

 
Aujourd'hui, je n'ai plus de tout ce que j'avais
Qu'un fils et qu'une fille,
Me voila presque seul! Dans cette ombre ou je vais,
Dieu m'ote la famille!
 

Lorsque ce cri d'angoisse sortait de son grand coeur dechire:

Oh! demeurez, vous deux qui me restez!..

prevoyait-il que, pour lui, la nature serait a ce point inexorable? Prevoyait-il que la maison sans enfants allait etre la sienne? – Comme si la destinee avait voulu, proportionnant sa part de souffrance a sa gloire, lui faire un malheur egal a son genie!

Ah! ceux-la seuls comprendront l'etendue de ce deuil, qui ont connu l'etre aime que nous confions a la terre. Il etait si affectueux, si attentif au bonheur des autres! Et ce qui donnait a sa bonte je ne sais quel charme attendrissant, c'etait le fond de tristesse dont temoignaient ses habitudes de reserve, ses manieres toujours graves, son sourire toujours pensif. Rien qu'a le voir, on sentait qu'il avait souffert, et la douceur de son commerce n'en etait que plus penetrante.

Dans les relations ordinaires de la vie, il apportait un calme que son age rendait tout a fait caracteristique. On aurait pu croire qu'en cela il etait different de son frere, nature ardente et passionnee; mais ce calme cachait un pouvoir singulier d'emotion et d'indignation, qui se revelait toutes les fois qu'il y avait le mal a combattre, l'iniquite a fletrir, la verite et le peuple a venger. (Applaudissements.)

Il etait alors eloquent et d'une eloquence qui partait des entrailles. Rien de plus vehement, rien de plus pathetique, que les articles publies par lui dans le Rappel sur l'impunite des coupables d'en haut comparee a la rigueur dont on a coutume de s'armer contre les coupables d'en bas. (Profonde emotion.)

 

L'amour de la justice, voila ce qui remuait dans ses plus intimes profondeurs cette ame genereuse, vaillante et tendre.

Il est des hommes a qui l'occasion manque pour montrer dans ce qu'ils ont fait ce qu'ils ont ete. Cela ne peut pas se dire de Francois-Victor Hugo. Ses actes le definissent. Une invocation genereuse au genie hospitalier de la France lui valut neuf mois de prison avant le 2 decembre; apres le 2 decembre, il a eu dix-huit annees d'exil, et, dans sa derniere partie, d'exil volontaire…

Volontaire? je me trompe!

Danton disait: "On n'emporte pas la patrie a la semelle de ses souliers." Mais c'est parce qu'on l'emporte au fond de son coeur que l'exil a tant d'amertume. Oh! non, il n'y a pas d'exil volontaire. L'exil est toujours force; il l'est surtout quand il est prescrit par la seule autorite qui ait un droit absolu de commandement sur les ames fieres, c'est-a-dire la conscience. (Applaudissements.)

Francois-Victor aimait la France, comme son pere; comme son pere, il l'a quittee le jour ou elle cessa d'etre libre, et, comme lui, ce fut en la servant qu'il acquit la force de vivre loin d'elle. Je dis en la servant, parce que, suivant une belle remarque de Victor Hugo, traduire un poete etranger, c'est accroitre la poesie nationale. Et quel poete que celui que Francois-Victor Hugo entreprit de faire connaitre a la France!

Pour y reussir pleinement, il fallait pouvoir transporter dans notre langue, sans offenser la pruderie de notre gout, tout ce que le style de Shakespeare a de hardi dans sa vigueur, d'etrange dans sa sublimite; il fallait pouvoir decouvrir et devoiler les procedes de ce merveilleux esprit, montrer l'etonnante originalite de ses imitations, indiquer les sources ou il puisa tant de choses devenues si completement siennes; etudier, comparer, juger ses nombreux commentateurs; en un mot, il fallait pouvoir prendre la mesure de ce genie universel. Eh bien, c'est cet effrayant labeur que Francois-Victor Hugo, que le fils de notre Shakespeare a nous … (applaudissements) aborda et sut terminer a un age ou la plupart des hommes, dans sa situation, ne s'occupent que de leurs plaisirs. Les trente-six introductions aux trente-six drames de Shakespeare suffiraient pour lui donner une place parmi les hommes litteraires les plus distingues de notre temps.

Elles disent assez, a part meme le merite de sa traduction, la meilleure qui existe, quelle perte le monde des lettres et le monde de la science ont faite en le perdant.

Et la republique! Elle a aussi le droit de porter son deuil. Car ce fut au signal donne par elle qu'il accourut avec son pere et son frere, – d'autant plus impatients de venir s'enfermer dans la capitale, qu'il y avait la, en ce moment, d'affreuses privations a subir et le peril a braver. On sait avec quelle fermete ils traverserent les horreurs d'un siege qui sera l'eternelle gloire de ce grand peuple de Paris.

Mais d'autres epreuves les attendaient. Bientot, l'auteur de l'Annee terrible eut a pleurer la mort d'un de ses fils et a trembler pour la vie de l'autre. Pendant seize mois, Francois-Victor Hugo a ete torture par la maladie qui nous l'enleve. Entoure par l'affection paternelle de soins assidus, dispute a la mort chaque jour, a chaque heure, par un ange de devouement, la veuve de son frere, son energie secondait si bien leurs efforts, qu'il aurait ete sauve s'il avait pu l'etre.

Sa tranquillite etait si constante, sa serenite avait quelque chose de si indomptable, que, malgre l'empreinte de la mort, depuis longtemps marquee sur son visage, nous nous prenions quelquefois a esperer…

Esperait-il lui-meme, lorsqu'il nous parlait de l'avenir, et qu'il s'efforcait de sourire? Ou bien voulait-il, par une inspiration digne de son ame, nous donner des illusions qu'il n'avait pas, et tromper nos inquietudes? Ce qui est certain, c'est que, pendant toute une annee, il a, selon le mot de Montaigne, "vecu de la mort", jusqu'au moment ou, toujours calme, il s'est endormi pour la derniere fois, laissant apres lui ce qui ne meurt pas, le souvenir et l'exemple du devoir accompli.

Quant au vieillard illustre que tant de malheurs accablent, il lui reste, pour l'aider a porter jusqu'a la fin le poids des jours, la conviction qu'il a si bien formulee dans ces beaux vers:

 
C'est un prolongement sublime que la tombe.
On y monte, etonne d'avoir cru qu'on y tombe.
 

Dans la derniere lettre que j'ai recue de lui, qui fut la derniere ecrite par lui, Barbes me disait: "Je vais mourir, et toi tu vas avoir de moins un ami sur la terre. Je voudrais que le systeme de Reynaud fut vrai, pour qu'il nous fut donne de nous revoir ailleurs."

Nous revoir ailleurs! De l'espoir que ces mots expriment venait la foi de Barbes dans la permanence de l'etre, dans la continuite de son developpement progressif. Il n'admettait pas l'idee des separations absolues, definitives. Victor Hugo ne l'admet pas, lui non plus, cette idee redoutable. Il croit a Dieu eternel, il croit a l'ame immortelle. C'est la ce qui le rendra capable, tout meurtri qu'il est, de vivre pour son autre famille, celle a qui appartient la vie des grands hommes, l'humanite. (Applaudissements prolonges.)

Apres ce discours, d'une eloquence si forte et si emue, et qui a profondement touche toute cette grande foule, Victor Hugo a embrasse Louis Blanc; puis ses amis l'ont enleve de la fosse. Alors c'a ete a qui se precipiterait vers lui et lui prendrait la main. Amis connus ou inconnus, hommes, femmes, tous se pressaient sur son passage; on voyait la quel coeur est celui de ce peuple de Paris, si reconnaissant a ceux qui l'aiment; les femmes pleuraient; et tout a coup le sentiment de tous a eclate dans l'explosion de ce cri prolonge et repete: Vive Victor Hugo! Vive la republique!

Victor Hugo a pu enfin monter en voiture, avec Louis Blanc. Mais pendant longtemps encore la voiture n'a pu aller qu'au pas, a cause de la foule, et les mains continuaient a se tendre par la portiere. Louis Blanc avait sa part de ces touchantes manifestations.

Et, en revenant, nous nous redisions la strophe des Feuilles d'automne:

 
Seigneur! preservez-moi, preservez ceux que j'aime,
Mes parents, mes amis, et mes ennemis meme
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur, l'ete sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants!
 

Dieu n'a pas exauce le poete. Les oiseaux sont envoles, la maison est vide. Mais Louis Blanc a raison, il reste au malheureux pere encore une famille. Il l'a vue aujourd'hui, elle l'a accompagne et soutenu, elle a pleure avec lui. Et, s'il n'y a pas de consolations a de telles douleurs, c'est un adoucissement pourtant que de sentir autour de soi tant de respect affectueux et cette admiration universelle.

Malgre l'enormite de la foule, il n'y a pas eu le moindre desordre, ni le moindre accident. Cette manifestation imposante s'est faite avec une gravite et une tranquillite profondes.

Il est impossible d'enumerer tous les noms connus des ecrivains, des hommes politiques, des artistes qui se pressaient dans la foule.

Les anciens collegues de Victor Hugo a l'Assemblee nationale etaient venus en grand nombre. Citons parmi eux MM. Louis Blanc, Gambetta, Cremieux, Emmanuel Arago, Jules Simon, Victor Schoelcher, Peyrat, Edmond Adam, Eugene Pelletan, Lepere, Laurent Pichat, Henri de Lacretelle, Noel Parfait, Alfred Naquet, Tirard, Henri Martin, Georges Perin, Jules Ferry, Germain Casse, Henri Brisson, Arnaud (de l'Ariege), Millaud, Martin-Bernard, Ordinaire, Melvil-Bloncourt, Eugene Farcy, Bamberger, Charles Rolland, Escarguel, Caduc, Daumas, Jules Barni, Lefevre, Corbon, Simiot, Greppo, Lafon de Fongaufier, etc., etc.

Nommons ensuite, au hasard, MM. Alexandre Dumas fils, Gustave

Flaubert, Felicien David, Charles Blanc, Louis Ulbach, Monselet,

Theodore de Banville; Leon Valade, Philippe Burty, Nefftzer, docteur

See, Emile Perrin, Ritt, Larochelle, Duquesnel, Aime Millet, Edouard

Manet, Bracquemond, Jacquemart, Andre Gill, Carjat, Nadar, Henri Roger de Beauvoir, les freres Lionnet, Delaunay, Dumaine, Taillade, Pierre

Berton, Andre Lefevre, Mario Proth, E. Tarbe, Frederic Thomas, docteur

Mandl, Ernest Hamel, Pierre Veron, Edouard Plouvier, Alfred Quidant,

Pradilla Para, consul de Colombie, Etienne Arago, Lecanu, Mario

Uchard, Hippolyte Lucas, Amedee Pommier, Mme Blanchecotte, Kaempfen,

Lechevalier, Hetzel, Michel Levy freres, Emile de la Bedolliere,

Robert Mitchell, Catalan, professeur a l'universite de Liege, E.

Deschanel, Jules Claretie, Eugene Manuel, duc de Bellune, Edouard

Laferriere, Paul Arene, docteur Faivre, Leon Dierx, Catulle Mendes,

Emile Daclin, Victor Cochinat, Mayrargue, Louis Leroy, Maurice Bixio,

Adolphe Michel, Michaelis, Antonin Proust, Louis Asseline, A. de la

Fizeliere, Maracineano de Bucharest, Louis Lacombe, Armand Lapointe,

Denis de la Garde, Louis Ratisbonne, Leon Cladel, Tony Revillon,

Charles Chassin, Emmanuel Gonzales, Louis Koch, Agricol Perdiguier,

Andre Roussel, Ferdinand Dugue, Schiller, P. Deloir, Dommartin,

Habeneck, Ginesta, Lepelletier, Rollinat, Richard Lesclide, Coedes,

Busnach, Edg. Hement, Yves Guyot, Valbregue, Elzear Bornier, Pothay,

Barbieux, Montrosier, Lacroix, Adrien Huart, George Richard, Rey (de l'Odeon), Balitout, Allain-Targe, Spuller, Nadaud, Ollive, Perrinelle, conseiller general de la Seine, J. – A. Lafont, Gabriel Guillemot, etc., etc.

Le Rappel etait la tout entier: MM. Auguste Vacquerie, Paul Meurice,

Edouard Lockroy, Frederic Morin, Gaulier, Camille Pelletan, C.

Quentin, Victor Meunier, Ernest Lefevre; Ernest Blum, d'Hervilly,

Emile Blemont, L. Constant, Barberet, Lemay, Luthereau, Feron,

Pelleport, Destrem, Am. Blondeau, etc., les compositeurs et imprimeurs du Rappel.

(Le Rappel du 30 decembre 1873.)

XVIII
LE CENTENAIRE DE PETRARQUE

Victor Hugo, a l'occasion des fetes du centenaire de Petrarque, a recu l'invitation suivante:

Avignon, 14 juillet 1874.

Cher et grand citoyen,

Le 18 juillet, Avignon officiel va donner de grandes fetes en l'honneur de Petrarque, a l'occasion du cinquieme centenaire de sa mort.

Plusieurs villes et plusieurs societes savantes de l'Italie se font representer a ces fetes par des delegues. M. Nigra sera parmi nous.

Or, dans notre ville, le conseil municipal elu a ete remplace par une commission municipale triee, selon l'usage, par un des plus celebres prefets de l'ordre moral. C'est ce monde-la qui va recevoir les patriotes que l'Italie nous envoie.

Il importe donc, selon nous, qu'une main glorieuse et veritablement fraternelle puisse, au nom des republicains de France, serrer la main que vont nous tendre les enfants d'une nation a laquelle nous voudrions temoigner de sinceres sentiments de sympathie.

Nous serions fiers qu'Avignon put parler par la voix de notre plus grand poete aux concitoyens du poete et du patriote Petrarque.

L'Italie, alors, entendrait un langage veritablement francais, et l'echange des sentiments qui doivent unir les deux grandes nations serait dignement exprime.

C'est dans ces circonstances, c'est dans cette pensee, et pour donner, nous, a ces fetes officielles leur veritable portee, qu'un groupe considerable d'amis, – qui representent toute la democratie avignonnaise et la jeunesse republicaine du pays, – m'ont charge de vous adresser la presente lettre, pour vous inviter a venir passer au milieu de nous les journees des 18, 19 et 20 juillet. La vraie fete aura lieu si vous daignez accepter cette invitation, et votre visite aurait, pour tout le midi de la France, une grande, une feconde signification.

Permettez-nous d'esperer que notre invitation sera par vous acceptee, et de nous en rejouir d'avance; et veuillez, cher et grand citoyen, recevoir, au nom de mes amis ainsi qu'en mon nom personnel, l'expression de notre respectueuse et profonde admiration.

SAINT-MARTIN,

Conseiller general de Vaucluse, ex-redacteur en chef de la Democratie du Midi.

* * * * *

Victor Hugo a repondu:

Paris, 18 juillet 1874.

Mon honorable concitoyen,

 

La noble et glorieuse invitation que vous voulez bien me transmettre me touche profondement. J'ai le chagrin de ne pouvoir m'y rendre, etant en ce moment retenu pres de mon petit-fils, convalescent d'une grave maladie.

Je suis heureux du souvenir que veut bien me garder cette vaillante democratie du midi, qui est comme l'avant-garde de la democratie universelle, et a laquelle le monde pense toutes les fois qu'il entend la Marseillaise.

La Marseillaise, c'est la voix du midi; c'est aussi la voix de l'avenir.

Je regrette d'etre absent du milieu de vous. J'eusse ete fier de souhaiter, en votre nom a tous, la bienvenue a ces freres, a ces genereux italiens, qui viennent feter Petrarque dans le pays de Voltaire. Mais de loin j'assisterai, emu, a vos solennites. Elles fixeront l'attention du monde civilise. Petrarque, qui a ete l'aureole d'un siecle tenebreux, ne perd rien de sa clarte dans ce plein midi du progres qu'on nomme le dix-neuvieme siecle.

Je felicite Avignon. Avignon, pendant ces trois jours memorables, va donner un illustre spectacle. On pourrait dire que Rome et Paris vont s'y rencontrer; Rome qui a sacre Petrarque, Paris qui a jete bas la Bastille; Rome qui couronne les poetes, Paris qui detrone les rois; Rome qui glorifie la pensee humaine, Paris qui la delivre.

Cette accolade des deux cites meres est superbe. C'est l'embrassement de deux idees. Rien de plus pathetique et de plus rassurant. Rome et Paris fraternisant dans la sainte communion democratique, c'est beau. Vos acclamations donneront a cette rencontre toute sa signification. Avignon, ville pontificale et ville populaire, est un trait d'union entre les deux capitales du passe et de l'avenir.

Nous nous sentons tous bien representes par vous, hommes de Vaucluse, dans cette fete, nationale pour deux nations. Vous etes dignes de faire a l'Italie la salutation de la France.

Ainsi s'ebauche la majestueuse Republique federale du continent. Ces magnifiques melanges de peuples commencent les Etats-Unis d'Europe.

Petrarque est une lumiere dans son temps, et c'est une belle chose qu'une lumiere qui vient de l'amour. Il aima une femme et il charma le monde. Petrarque est une sorte de Platon de la poesie; il a ce qu'on pourrait appeler la subtilite du coeur, et en meme temps la profondeur de l'esprit; cet amant est un penseur, ce poete est un philosophe. Petrarque en somme est une ame eclatante.

Petrarque est un des rares exemples du poete heureux. Il fut compris de son vivant, privilege que n'eurent ni Homere, ni Eschyle, ni Shakespeare. Il n'a ete ni calomnie, ni hue, ni lapide. Petrarque a eu sur cette terre toutes les splendeurs, le respect des papes, l'enthousiasme des peuples, les pluies de fleurs sur son passage dans les rues, le laurier d'or au front comme un empereur, le Capitole comme un dieu. Disons virilement la verite, le malheur lui manque. Je prefere a cette robe de pourpre le baton d'Alighieri errant. Il manque a Petrarque cet on ne sait quoi de tragique qui ajoute a la grandeur des poetes une cime noire, et qui a toujours marque le plus haut sommet du genie. Il lui manque l'insulte, le deuil, l'affront, la persecution. Dans la gloire Petrarque est depasse par Dante, et le triomphe par l'exil.